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01/12/2016 | FRANCE | N°16DA00808

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 01 décembre 2016, 16DA00808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 31 décembre 2015 de la préfète de la Somme lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1510761 du 6 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions du 31 décembre 2015, a enjoint au préfet de la Somme de procéder, dans un délai de quinze jours

à compter de la notification du jugement, au réexamen de la situation de M. D..., de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 31 décembre 2015 de la préfète de la Somme lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1510761 du 6 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions du 31 décembre 2015, a enjoint au préfet de la Somme de procéder, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, au réexamen de la situation de M. D..., de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 400 euros à verser au conseil de M. D...au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2016, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 janvier 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la procédure appliquée à M.D..., interpellé pour infraction à la législation sur les stupéfiants, a pleinement respecté le droit de l'intéressé à faire valoir ses arguments ;

- l'intéressé n'a pas été empêché de présenter spontanément des observations utiles avant l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2016, M.D..., représenté par Me E...C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) en cas d'annulation du jugement attaqué, à l'annulation pour excès de pouvoir de l'ensemble des décisions du 31 décembre 2015 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Somme de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions ;

3°) à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le motif d'annulation retenu par le premier juge, tiré de ce que son droit à être entendu, a été méconnu est fondé ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire implique l'illégalité de la décision de refus de départ volontaire ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire implique l'illégalité de la décision fixant le pays de destination.

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire implique l'illégalité de la décision ordonnant son placement en rétention.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil européen du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision d'éloignement lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision d'éloignement soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., ressortissant algérien, né le 14 décembre 1991, a été interpellé le 30 décembre 2015 à Amiens pour infraction à la législation sur les stupéfiants et à celle sur les étrangers ; qu'il a, alors, été placé en garde à vue ; qu'il a été auditionné le 31 décembre 2015 ; qu'à cette occasion, M. D...a été entendu en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine et en France, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que l'intéressé a eu ainsi la possibilité, au cours de cette audition, de faire valoir utilement ses observations ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle, ni qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste des informations qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; qu'ainsi rien ne l'empéchait sérieusement de dire lors de son audition qu'il avait, selon ses dires, déposé une demande de titre de séjour dans un autre département ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ; que, dès lors, le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, et la décision ordonnant le placement en rétention ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant la juridiction administrative ;

Sur le moyen commun aux décisions faisant obligation de quitter le territoire français et ordonnant le placement en rétention :

4. Considérant que, par un arrêté du 16 décembre 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Somme du 18 décembre 2015, la préfète de la Somme a donné à M.F... A..., sous-préfet d'Abbeville, chargé de l'intérim des fonctions de secrétaire général de la préfecture de la Somme, délégation, pour la période du 28 au 31 décembre 2015, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exclusion de certaines mesures limitativement énumérées ; qu'aux nombre de ces exceptions ne figurent pas les actes et décisions concernant l'éloignement des étrangers et leur placement en rétention ; que, par suite, le moyen tiré ce que l'arrêté attaqué, signé par M.F... A..., aurait été pris par une autorité incompétente, manque en fait et doit être écarté ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la somme n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.D... ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition de M. D...dans le cadre de son interpellation pour infraction à la législation sur les stupéfiants et à celle sur les étrangers, que l'intéressé, qui est au demeurant entré en France sous couvert d'un visa de court séjour, a indiqué que son départ de l'Algérie était motivé par des vacances en France, puis immédiatement après, qu'il souhaitait demander l'asile ; qu'il a, ensuite, expressément indiqué lors de sa rétention se désister d'une telle demande ; que, dans ces conditions, il ne peut être regardé comme ayant clairement formulé son intention de demander l'asile à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré ce que la décision obligeant M. D...à quitter le territoire français serait entachée d'erreur de droit au regard des articles L. 741-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que M.D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait privée de base légale ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que M.D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que M.D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision ordonnant son placement serait privée de base légale ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 31 décembre 2015 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. D...doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 janvier 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B...D...et à Me E...C....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZET

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00808
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : LACHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-01;16da00808 ?
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