Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2013 par laquelle le maire de la commune de Oisemont a décidé de préempter la parcelle ZM 129, au lieu-dit " au marché aux porcs ".
Par un jugement n° 1401131 du 12 mai 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 18 octobre 2013.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2015, la commune de Oisemont, représentée par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme E...;
3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif était tardive ;
- celle-ci n'avait pas intérêt à agir ;
- le défaut de motivation peut faire l'objet de la jurisprudence dite Danthony ;
- l'incompatibilité de la destination projetée avec le plan local d'urbanisme révèle une fraude ;
- la préemption de la parcelle repose sur un projet réel correspondant à l'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2016, Mme A...E..., représentée par la SCP Silie Verilhac, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Oisemont d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des entiers dépens.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :
En ce qui concerne la tardiveté de la demande :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; que l'article R. 421-5 du même code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
2. Considérant qu'il est constant que la décision de préemption du 18 octobre 2013 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours ; qu'à la date à laquelle Mme E... a saisi le tribunal administratif d'Amiens, la forclusion du délai de recours ne lui était donc pas opposable en application des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa demande devant le tribunal administratif doit être écartée ;
En ce qui concerne l'intérêt à agir :
3. Considérant que la déclaration d'intention d'aliéner la parcelle ZM 129 située au lieu-dit " au marché aux porcs ", déposée par MeC..., notaire, en mairie de Oisemont le 17 septembre 2013, désigne, sous sa rubrique G, Mme E...comme personne disposée à acquérir le bien désigné ; que s'il résulte d'une correspondance du 5 mars 2013 entre un notaire et le vendeur du bien qu'à cette date ce dernier n'entendait pas céder son bien à Mme E..., cette lettre ne reflète que la position du vendeur six mois avant le dépôt de la déclaration ; qu'il ne saurait en résulter que Mme E...n'avait pas la qualité d'acheteur potentiel à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de qualité pour agir de la requérante de première instance doit être écarté ;
Sur le défaut de motivation de la décision de préemption :
4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé ; qu'une telle motivation constitue une exigence légale ;
5. Considérant qu'il est constant, ainsi que le tribunal administratif d'Amiens l'a retenu et que la commune l'admet d'ailleurs en appel, que la décision contestée ne satisfaisait pas par elle-même à cette obligation légale de motivation ; que la décision ne faisait pas davantage référence à une décision qui aurait comporté la motivation requise ; que si la commune de Oisemont se borne à soutenir que son projet répondait à au moins l'un des objets définis à l'article L. 300-1 du même code, une telle circonstance, à la supposer même établie, ne permet pas de regarder la condition de motivation comme vérifiée en l'espèce ; qu'en outre et contrairement à ce que la commune demande, il n'y a pas lieu pour la cour de rechercher si ce vice de forme est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de cette décision ou a privé le demandeur d'une garantie dès lors que ces circonstances sont sans incidence sur les conséquences qui s'attachent à une insuffisance de motivation ; qu'il n'y a pas davantage lieu pour la cour de se prononcer sur les autres moyens que la commune présente dans sa requête tenant, d'une part, à l'incompatibilité de l'usage que Mme E...entendrait faire de la parcelle concernée avec le plan local d'urbanisme ou, d'autre part, à la fraude que cet usage projeté révèlerait, dès lors que ces moyens sont, en tout état de cause, sans influence sur l'appréciation du bien-fondé du seul motif d'annulation retenu par le tribunal administratif en application de l'article L. 600-4 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la commune de Oisemont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé pour excès de pouvoir la décision de préemption du 18 octobre 2013 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Oisemont sur ce fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Oisemont une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Oisemont est rejetée.
Article 2 : La commune de Oisemont versera à Mme E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Oisemont et à Mme A...E....
Délibéré après l'audience publique du 6 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 janvier 2017.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIER Le premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°15DA01250 2