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19/01/2017 | FRANCE | N°16DA01324

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 19 janvier 2017, 16DA01324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 août 2015 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et lui a indiqué qu'à l'expiration de ce délai elle pourrait être reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 15107

74 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 août 2015 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et lui a indiqué qu'à l'expiration de ce délai elle pourrait être reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 1510774 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2016, et un mémoire, enregistré le 12 décembre 2016, Mme B...F..., représentée par Me E...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, enfin, de lui enjoindre de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros contre renonciation de la part de ce dernier au bénéfice de l'indemnité versée au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions des articles L. 742-3, R. 733-32 et R. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui était rédigée en français alors qu'elle ne lit pas cette langue ;

- les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle excipe, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle excipe, à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle excipe, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête d'appel est identique à celle de première instance ;

- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal d'instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le refus de titre de séjour :

En ce qui concerne les modalités de la notification de la décision lui refusant l'asile :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du 3° du II de l'article L. 511-1 n'est pas applicable " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 213-3 de ce code : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article R. 213-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration. L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 8 avril 2015 de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée par voie postale à l'intéressée le 29 avril 2015 ; qu'il n'est pas contesté que la décision notifiée était rédigée en langue française ; qu'en outre, le préfet du Nord ne soutient pas que Mme F...aurait par ailleurs eu connaissance, d'une traduction, en langue arabe, du caractère négatif de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; que, dans sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, déposée en préfecture du Nord le 23 avril 2013, Mme F...a indiqué que sa langue d'origine était l'arabe, qu'elle parlait un peu le français mais n'a rien renseigné pour ce qui est des langues qu'elle comprend ; que, par ailleurs, lors de l'audience du 19 mars 2015 de la Cour nationale du droit d'asile, Mme F... était assistée d'un interprète en langue arabe ;

3. Considérant toutefois qu'il ressort également des pièces du dossier qu'à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile Mme F...vivait en France depuis un an et demi et suivait, depuis septembre 2014, des cours de français langue étrangère au centre social Roger Salengro de Lille ; que les documents administratifs algériens de l'appelante, en particulier son passeport et son livret de famille, sont rédigés en langue française ainsi que les témoignages qu'elle a produits pour attester des violences conjugales qu'elle aurait subies en Algérie ; qu'enfin, alors qu'elle fait l'objet d'un suivi pour troubles anxio-dépressifs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs, ni soutenu ni allégué que, pour ces consultations, elle aurait dû être assistée d'une personne tenant lieu d'interprète ; que, dans ces conditions, Mme F...n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été informée du caractère négatif de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue dont il était raisonnable de penser qu'elle la comprenait ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté ;

En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée et familiale :

4. Considérant que MmeF..., née en 1979 en Algérie, de nationalité algérienne, a vécu en Algérie jusqu'à son entrée en France intervenue en août 2013 ; qu'elle ne s'est maintenue sur le territoire national, à l'expiration de son visa, que le temps de l'examen de sa demande d'asile ; que si un de ses frères, prénommé Belkheir, de nationalité française, réside sur le territoire français, tout le reste de sa famille, composée de sa mère, sa soeur, ses cinq frères et son mari, vit en Algérie ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et de ses conditions de séjour en France, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait dès lors méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'intérêt supérieur des enfants :

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. [...] " ; qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme F...a trois enfants, à savoir deux garçons, prénommés Maroua, né le 17 février 2007 à Oran, Moulay, né le 22 avril 2008 à Oran, et une fille, prénommée Lina, née le 2 septembre 2013 à Lille ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, la durée de présence de ces enfants sur le territoire national était réduite, deux ans tout au plus ; que ces enfants sont séparés de l'essentiel de leur famille qui se trouve en Algérie ; que rien ne fait obstacle à ce qu'ils suivent leur scolarité hors de France et en particulier en Algérie, pays dont ils ont tous la nationalité ; qu'enfin, s'il ressort des pièces du dossier que l'enfant Maroua suit régulièrement un traitement au centre médico-psycho-pédagogique de Roubaix, il n'est pas établi et n'est d'ailleurs ni soutenu ni allégué, que ce traitement ne pourrait être poursuivi en Algérie ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour est entaché d'illégalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux du point 7, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté ;

9. Considérant que le moyen tiré de la violation des articles L. 742-3, R. 733-32 et R. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 1 à 3 ;

10. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ;

11. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 ;

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, et alors que l'insertion professionnelle et sociale de l'intéressée ne ressort pas des pièces du dossier, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commis le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité ;

Sur le délai de départ volontaire :

14. Considérant que, pour le même motif que celui du point 13, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant que, pour le même motif que celui du point 13, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

17. Considérant que MmeF..., dont la demande a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir la réalité des risques personnels encourus en cas de retour en Algérie, du fait des violences conjugales dont elle aurait été victime de la part de son mari ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité ;

18. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Nord, que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouseF..., au ministre de l'intérieur et à Me E...D....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 6 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 janvier 2017.

Le rapporteur,

Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA01324 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01324
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : LACHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-01-19;16da01324 ?
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