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28/02/2017 | FRANCE | N°15DA01107

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 février 2017, 15DA01107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS JMCP Finances a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300178 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle la SAS JMCP Finances a été assujettie au titre de l'année 2008, à concurrence de la différence existant entre les rappels mis

à sa charge et ceux résultant de l'application du rapport existant, pour l'année 2008,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS JMCP Finances a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300178 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle la SAS JMCP Finances a été assujettie au titre de l'année 2008, à concurrence de la différence existant entre les rappels mis à sa charge et ceux résultant de l'application du rapport existant, pour l'année 2008, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe et le chiffre d'affaires total, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 2 juillet 2015 et 3 novembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SAS JMCP Finances la taxe sur les salaires dont ce jugement a prononcé la décharge, ainsi que les pénalités correspondantes.

Il soutient que :

- la SAS JMCP Finances n'entre dans aucun des cas prévus par la documentation de base 5 L 1421 dans lesquels le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires est calculé en tenant compte du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année de paiement des salaires ;

- la SAS JMCP Finances ne remplit pas les conditions d'application de cette doctrine, car elle n'a pas présenté de demande tendant à la prise en compte des données de l'année de versement des salaires pour le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires au moment du dépôt de la déclaration annuelle de liquidation et de régularisation de la taxe ;

- cette doctrine ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration car elle laisse à celle-ci un pouvoir d'appréciation ;

- la SAS JMCP Finances ne saurait invoquer cette doctrine sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, car elle n'en a pas fait application.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2016, la SAS JMCP Finances, représentée par Me B... A..., conclut au rejet du recours.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS JMCP Finances a été créée en septembre 2006 avec pour objet, d'une part, la prise de participations dans toutes sociétés et, d'autre part, la gestion, l'organisation, l'assistance en matière commerciale, comptable, administrative, informatique et financière vis-à-vis de ses filiales ; qu'elle s'est placée, lors de sa création, sous le régime normal d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'a toutefois commencé qu'en 2008 à fournir à sa filiale, la SAS Cemat, des prestations de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2008 à 2010, l'administration fiscale lui a réclamé, au titre de ces trois années, des rappels de taxe sur les salaires au titre des rémunérations versées à son gérant et à sa secrétaire comptable ; que, par un jugement du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen lui a accordé la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008, à concurrence de la différence existant entre les rappels mis à sa charge et ceux résultant de l'application du rapport existant, pour l'année 2008, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe et le chiffre d'affaires total ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel, dans cette mesure, de ce jugement ;

Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôt, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, (...) et à la charge des personnes ou organismes, (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. (...) " ; que l'article 369 de l'annexe III à ce code prévoit que les sommes dues au titre de la taxe sur les salaires font l'objet de versements, selon les cas mensuels, trimestriels ou annuels, au comptable public compétent ; qu'aux termes de cet article : " 2. Chaque versement, mensuel ou trimestriel, est accompagné d'un relevé dont le modèle est fixé par l'administration, daté et signé par l'employeur et indiquant notamment sa désignation, sa profession et son adresse, la période à laquelle s'applique ce versement et le montant de la taxe sur les salaires versés ./ 3. Une déclaration annuelle permettant la liquidation et la régularisation de la taxe sur les salaires, dont le modèle est fixé par l'administration, est déposée, datée et signée par l'employeur, au lieu fixé au 1 au plus tard le 15 janvier de l'année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est due. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) " ;

4. Considérant que le paragraphe 33 de la documentation de base 5 L 1421 mise à jour le 1er juin 1995, relatif aux situations de variation importante d'une année à l'autre du rapport d'assujettissement d'une entreprise à la taxe sur les salaires, énonce : " L'entreprise peut, au moment de la régularisation de la taxe, faire état du chiffre d'affaires de l'année du paiement des rémunérations lorsque à la suite, notamment, d'une modification de ses conditions d'activité ou de la création de secteurs commerciaux ou industriels, la référence au rapport existant l'année précédente conduit à une anomalie manifeste. L'entreprise doit adresser une demande au directeur des Services fiscaux. Cette demande est instruite comme une réclamation " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2008, la SAS JMCP Finances n'a procédé à aucun versement de taxe sur les salaires et n'a pas déposé la déclaration annuelle de liquidation et de régularisation prévue par les dispositions du 3 de l'article 369 de l'annexe III du code général des impôts ; qu'il s'ensuit, d'une part, que les rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été assignés à l'issue de la vérification de sa comptabilité ont le caractère d'une imposition primitive ; que, d'autre part, elle ne peut être regardée comme ayant fait application des énonciations du paragraphe 33 de la documentation administrative de base 5 L 1421, cité au point précédent, faute d'avoir procédé à la régularisation de la taxe et formé, à cette occasion, une demande tendant à l'application d'un coefficient de taxation déterminé en fonction du chiffre d'affaires de l'année de paiement des rémunérations ; que la SAS JMCP Finances ne peut ainsi utilement se prévaloir, que ce soit sur le fondement du premier ou du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la possibilité de bénéficier du calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires en fonction des données de l'année du versement des rémunérations, admise par l'administration fiscale dans le cas où la prise en compte des données de l'année civile précédente conduirait à une anomalie manifeste ; que le ministre des finances et des comptes publics est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la réduction du rappel de taxe sur les salaires réclamé à la SAS JMCP Finances au titre de l'année 2008, le tribunal administratif de Rouen a estimé qu'elle était en droit de lui opposer ces énonciations ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner, dans les limites de ce litige, les moyens soulevés par la SAS JMCP Finances devant le tribunal administratif ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur les salaires :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Considérant qu'en application des dispositions, citées au point 2, de l'article 231 du code général des impôts, le rapport d'assujettissement de la SAS JMCP Finances à la taxe sur les salaires au titre de l'année 2008 devait être déterminé en tenant compte du chiffre d'affaires réalisé durant l'année 2007 ;

8. Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges et non contesté en appel, d'écarter le moyen tiré de ce que le salaire de la secrétaire-comptable de la SAS JMCP Finances ne pouvait être pris en compte dans l'assiette de la taxe sur les salaires, dès lors qu'elle était exclusivement employée sur le secteur, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, de la gestion administrative des filiales ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine fiscale :

9. Considérant que la SAS JMCP Finances invoquait devant le tribunal administratif, sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine exprimée par l'administration fiscale au paragraphe 32 de la documentation de base 5 L 1421 ; que celle-ci étend au cas des entreprises qui, en cours d'activité et pour un motif quelconque, deviennent passibles de la taxe sur la valeur ajoutée autrement que sur option, la tolérance admise au paragraphe 28, permettant aux entreprises nouvelles de déterminer le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires sur la base du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année de versement ; que, toutefois, la SAS JMCP Finances qui, ainsi qu'il a été dit au point 5, s'est abstenue de tout versement et de toute déclaration de taxe sur les salaires, ne peut utilement se prévaloir de cette position de l'administration fiscale, dont elle n'a pas fait application ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a prononcé la réduction des rappels de taxe sur les salaires réclamés à la SAS JMCP Finances ; que les conclusions présentées par la SAS JMCP Finances sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les rappels de taxe sur les salaires dont la SAS JMCP Finances a été déchargée par le jugement n° 1300178 du tribunal administratif de Rouen du 21 mai 2015, ainsi que les pénalités correspondantes, sont remis à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 1300178 du tribunal administratif de Rouen du 21 mai 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS JMCP Finances en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la SAS JMCP Finances.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

Signé : D. BUREAU Le président-assesseur,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°15DA01107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01107
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : MOUDOULAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-02-28;15da01107 ?
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