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28/02/2017 | FRANCE | N°16DA00996

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 février 2017, 16DA00996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°1600262 du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2016, M. D..., représenté

par Me A... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°1600262 du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2016, M. D..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2015 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, ou, subsidiairement, sur le fondement de ces dernières dispositions.

Il soutient que :

- la décision rejetant sa demande de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre n'a pas été signée par une autorité compétente à cet effet ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2017, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et le protocole annexé ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B... D..., ressortissant algérien né le 4 mars 1984, est entré sur le territoire français au cours de l'année 2010, selon ses déclarations ; qu'il a demandé, le 19 janvier 2015, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par un arrêté du 28 décembre 2015, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. D... relève appel du jugement n°1600262 du 26 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus et de cette obligation de quitter le territoire français ;

Sur la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

2. Considérant que, par un arrêté du 17 décembre 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Somme du même jour, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à M. Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exclusion de certaines mesures limitativement énumérées ; qu'au nombre de ces exceptions, ne figurent pas les actes et décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers ; que, par suite, l'arrêté attaqué a été signé par une autorité compétente à cet effet ;

Sur le refus de titre de séjour :

3. Considérant que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour de M.D... ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée manque en fait ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait omis de procéder à un examen suffisant de la situation particulière de M. D... ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention 'vie privée et familiale' est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 11°(...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces stipulations et dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

7. Considérant que M. D... est atteint d'un syndrome anxio-dépressif sévère, pris en charge par un traitement médicamenteux et des entretiens psychothérapeutiques réguliers ; que, pour rejeter sa demande de titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime, qui ne conteste pas que le défaut d'un traitement approprié aurait pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'est fondé sur ce que la pathologie dont il souffre peut être prise en charge en Algérie, où des traitements sont accessibles et disponibles ; que, si le médecin de l'agence régionale de santé avait émis, le 9 juillet 2015, un avis contraire, il ressort des pièces du dossier qu'il existe en Algérie une offre de soin en psychiatrie, assurée soit par des praticiens à titre individuel, soit par le secteur hospitalier et que figurent sur la liste des médicaments remboursables fixée par les autorités algériennes le même antidépresseur et le même anxiolytique que ceux prescrits au requérant à la date de l'arrêté contesté, ainsi que des médicaments appartenant à la classe des hypnotiques et à celle des neuroleptiques comme ceux qui complètent son traitement ; que la possibilité pour M. D... de bénéficier dans son pays d'une prise en charge appropriée n'est contredite par aucun élément de nature à démontrer que seule la combinaison de molécules qu'il reçoit en France serait adaptée à son cas ; qu'eu égard au maillage du territoire algérien par les structures susceptibles d'assurer un suivi médical dans le domaine de la psychiatrie, alors même qu'elles font l'objet de critiques pour la prise en charge de certaines pathologies, M. D... ne démontre pas que le traitement nécessaire lui serait géographiquement inaccessible ; qu'en se bornant à affirmer qu'il se retrouverait sans emploi en Algérie où la grande majorité de la jeunesse est au chômage, il ne démontre pas davantage qu'il s'y trouverait dépourvu de toute couverture sociale ; que, dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime se serait livré à une application erronée des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

8. Considérant que le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne procède que d'une appréciation de l'état de santé du demandeur ; qu'est, dès lors, inopérant, le moyen tiré par M. D... de ce qu'en raison de la durée de son séjour en France, où il compte des membres de sa famille et des amis et bénéficie d'un véritable soutien, le rejet de sa demande de certificat de résidence porterait une atteinte excessive, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à sa vie privée et familiale ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime aurait, en refusant de délivrer le titre sollicité par M. D..., commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du rejet de sa demande de titre de séjour pour soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait privée de base légale ;

11. Considérant que M. D..., qui était âgé d'au moins vingt-cinq ans lorsqu'il est entré sur le territoire français, est célibataire et sans enfant ; qu'il n'assortit d'aucune précision ni justification ses affirmations selon lesquelles il aurait en France des attaches familiales et amicales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de tout lien en Algérie et ne pourrait y bénéficier d'un soutien de la nature de celui dont il bénéficie en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions du séjour de l'intéressé en France et malgré la durée alléguée de celui-ci, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi ; qu'elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. D... serait entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet de la Seine-Maritime dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est mentionné dans la décision attaquée ; que, par ailleurs, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant la nationalité du requérant et l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait elle-même illégale ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...C....

Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

Signé : D. BUREAU Le président-assesseur,

Signé : M. E...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°16DA00996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00996
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : AIT-TALEB

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-02-28;16da00996 ?
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