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09/03/2017 | FRANCE | N°15DA01299

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 09 mars 2017, 15DA01299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...F...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 octobre 2012 du maire de la commune de Laigneville accordant à M. G...E...un permis de construire pour la réfection de la couverture et des façades d'un bâtiment en vue de la création d'un garage et d'un grenier sur un terrain situé 38 rue de la République, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du 14 novembre 2012.

Par un jugement n° 1300381 du 26 mai 2015

, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...F...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 octobre 2012 du maire de la commune de Laigneville accordant à M. G...E...un permis de construire pour la réfection de la couverture et des façades d'un bâtiment en vue de la création d'un garage et d'un grenier sur un terrain situé 38 rue de la République, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du 14 novembre 2012.

Par un jugement n° 1300381 du 26 mai 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2015 et 9 février 2017, M. G... E..., représenté par MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme F...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les éléments joints à la demande de permis de construire ne permettaient pas à l'autorité administrative d'instruire la demande ;

- son projet ne tendait pas à la création d'un nouveau bâtiment R+1 avec combles ni à la régularisation de constructions nouvelles, dès lors que la construction existante n'avait pas été démolie ;

- les époux F...veulent en réalité, l'empêcher d'exercer une activité dont ils considèrent qu'elle serait source de nuisances ;

- les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues ;

- contrairement à ce que soutiennent les épouxF..., la commune n'a pas autorisé, aux termes du permis en litige, de travaux d'affouillement et de construction d'un mur de soutènement sur le terrain d'assiette ;

- les places de stationnement n'ont pas été réalisées en violation du règlement d'urbanisme ;

- les dispositions de l'article UA 11 du plan local d'urbanisme n'ont pas été méconnues ;

- les époux F...confondent la délégation de signature et la délégation de fonctions, laquelle implique une compétence élargie et emporte délégation de signature.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 octobre 2015 et 15 février 2017, M. et Mme D...F..., représentés par Me H...C..., demandent à la cour :

1°) de rejeter comme irrecevable le mémoire de la commune de Laigneville ;

2°) de rejeter la requête de M.E... ;

3°) de confirmer le jugement de première instance ;

4°) de mettre à la charge solidaire de M. E...et de la commune de Laigneville la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le mémoire tardif de la commune, qui porte atteinte au principe du contradictoire et révèle une attitude dilatoire, est irrecevable ;

- la demande de permis de construire renvoie à un autre dossier et contient des informations inexactes de nature à avoir faussé l'appréciation de l'administration ;

- le bâtiment a été construit sans autorisation d'urbanisme, aucune régularisation de la construction illégale du bâtiment n'a été demandée et les travaux pour lesquels le pétitionnaire a demandé un permis ne correspondent ni à ceux réalisés ni à ceux envisagés ;

-à titre subsidiaire, la demande de permis de construire ne précise pas l'implantation du réseau d'assainissement, elle n'est pas associée à une demande de permis de démolir, l'aspect extérieur n'est pas conforme aux exigences des articles UA11 et UA13 du PLU, les places de stationnement ont été créées alors que les affouillements n'avaient pas été autorisés, le terrain est inconstructible faute d'accès suffisant à la voirie, la destination des locaux n'est pas celle annoncée, le permis de construire un bâtiment réalisé en zone N visible depuis un monument historique est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

Par des mémoires, enregistrés les 2, 13 février 2017 et 16 février 2017, la commune de Laigneville, représentée par la SCP Enjea, qui conclut aux mêmes fins que M.E..., a présenté ses observations.

Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de ce que les conclusions d'appel présentées par la commune de Laigneville étaient tardives et, par suite, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- les observations de Me B...I...pour M.E... et les observations de Me H... C...pour M. et MmeF....

Une note en délibéré présentée par Me I...a été enregistrée le 3 mars 2017

1. Considérant que M. G...E...relève appel du jugement du 26 mai 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, à la demande des épouxF..., a annulé l'arrêté de permis de construire du 18 octobre 2012 qui lui a été accordé par le maire de la commune de Laigneville ; que M. E...doit être regardé comme demandant non seulement l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens mais également le rejet de la demande des épouxF... ;

Sur les conclusions de la commune de Laigneville :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / (...) " ;

3. Considérant que si le mémoire produit par la commune de Laigneville le 2 février 2017 et ultérieurement complété, se présente comme un simple " mémoire en observations ", il ne se borne pas à présenter à la cour des éclaircissements concernant le litige, mais il conclut aux mêmes fins que la requête de M.E... en présentant certains moyens propres ; que la commune qui avait qualité pour faire appel du jugement attaqué qui lui avait été notifié le 10 juin 2015, ne l'a pas fait ; que, par suite, les conclusions présentées par la commune, par mémoire enregistré au greffe de la cour le 2 février 2017, doivent être regardées comme un appel tardif et, par suite, irrecevable ;

Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif d'Amiens :

4. Considérant que l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ;

5. Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un arrêté de permis de construire, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions et contestés devant lui ;

6. Considérant que le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement attaqué, a annulé l'arrêté litigieux aux motifs, en premier lieu que l'arrêté avait été signé par une personne incompétente pour ce faire, en second lieu que les divergences entre la demande de permis de construire et les plans annexés avaient été de nature à fausser l'appréciation portée sur la demande par l'autorité administrative et, en troisième lieu que la demande de permis n'était pas valable dès lors qu'elle ne portait pas sur l'ensemble des travaux déjà réalisés ;

En ce qui concerne le motif d'annulation relatif au contenu du dossier :

7. Considérant que la demande de permis de construire comporte le formulaire rempli par le pétitionnaire, un plan de situation (PC 1), un plan de masse (PC 2), un plan de coupe (PC 3), un plan de façade, un plan de toiture, un plan parcellaire, des photographies du voisinage, des photographies proches (PC 7), des photographies lointaines (PC 8) ainsi qu'une note descriptive détaillée ; que le formulaire indique que le projet porte sur la " réfection de la couverture, réfection des façades, création d'un garage et d'un grenier " ; qu'il précise que ces travaux sur construction existante avec surélévation, conduiront à une création de surface de 53,94 m² dont 28,74 m² pour un entrepôt et 25,20 m² pour des bureaux par changement de destination ; qu'il ne prévoit ni démolition totale ni démolition partielle ; qu'enfin le nombre de places de stationnement sera réduit d'une unité ; que la notice descriptive qui décrit tant l'état ancien du hangar que l'état projeté et les matériaux utilisés précise que la couverture de tôle ondulée sera remplacée par un toit en tuile et que des pignons seront réalisés pour la réception de la charpente et de sa couverture ; que si les informations données par le pétitionnaire qui fait simplement état de " réfection de la couverture, réfection des façades, création d'un garage et d'un grenier ", sont peu explicites quant à l'ampleur exacte des remaniements envisagés, le formulaire précise avec une netteté suffisante que les travaux portent sur une surélévation de l'existant ; qu'il ne ressort pas des plans que le projet aurait porté sur la création d'un nouveau bâtiment qui aurait remplacé l'ancien hangar, et non sur un remaniement, certes substantiel, de la construction ; qu'en l'absence d'éléments contradictoires ou incohérents, l'administration disposait des informations nécessaires pour prendre sa décision en connaissance de cause ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif d'Amiens, pour annuler l'arrêté de permis de construire du 18 octobre 2012, s'est fondé sur le motif tiré de ce que les divergences entre la demande de permis de construire et les plans annexés avaient été de nature à fausser l'appréciation portée sur la demande par l'autorité administrative ;

En ce qui concerne le motif d'annulation relatif à l'absence de caractère " valable " de la demande de permis de construire présentée :

8. Considérant que lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ; qu'il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation ; qu'il appartient à l'administration de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme issues de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans ;

9. Considérant que la demande de permis de construire visait d'une part à régulariser les travaux déjà entrepris sur le bâtiment et, d'autre part, à autoriser leur achèvement ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, la nature du projet de M. E...qui tendait à la réfection de la couverture et des façades, et à la création d'un garage et d'un grenier après surélévation de l'existant et réalisation de pignons ressortait suffisamment de la lecture combinée du formulaire de demande de permis de construire, de la notice descriptive et des plans soumis à l'examen de l'administration ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les photographies figurant aux constats d'huissier réalisés en 2010 et 2012, chacun correspondant à un état différent des travaux, ne permettent pas d'établir que M. E...aurait entièrement démoli l'ancien hangar à toiture métallique pour ensuite créer, ex nihilo, un nouveau bâtiment en R+1 comportant de nouveaux murs surmontés d'une charpente et d'une couverture en tuile ; qu'ainsi la régularisation portait bien sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ; que s'il ressort par ailleurs des pièces des dossiers de première instance et d'appel que M. E...a également réalisé des travaux d'affouillement et de construction de murs de soutènement, ces derniers étaient en tout état de cause dissociables des travaux portant sur le bâtiment pour lequel avait été obtenu le permis de construire litigieux ; que M et Mme F...ne sont donc pas fondés à en tirer argument à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de ce permis ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont également fondés sur le motif de l'absence de caractère " valable " de la demande de permis de construire déposée par M. E...pour annuler l'arrêté de permis de construire du 18 octobre 2012 ;

En ce qui concerne le motif d'annulation relatif à l'incompétence de l'auteur de l'acte :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. / (...) " ;

12. Considérant que, par arrêté du 1er avril 2008 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, qui permet au maire de déléguer " une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints ", le maire de Laigneville a confié à MmeA..., maire-adjoint, délégation " pour (article 1er) : - légaliser les pièces ; - délivrer les certificats administratifs ; - parapher les registres soumis à cette formalité. (...) " ; que, par ailleurs, selon l'article 8 de ce même arrêté : " Il est donné délégation à MmeA..., septième adjoint au maire, pour étudier et rapporter les affaires concernant l'urbanisme, l'environnement et cadre de vie - PLU et SCOT - plan d'alignement - concours maisons fleuries et illuminées " ;

13. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par MmeA..., adjointe au maire de la commune de Laigneville à qui les dispositions précitées de l'arrêté du 1er avril 2008 ne conféraient pas compétence pour statuer sur les autorisations d'urbanisme, et notamment les permis de construire ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont retenu ce motif pour annuler l'arrêté litigieux ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté de permis de construire qui lui a été accordé par le maire de la commune de Laigneville le 18 octobre 2012 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme F...la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

16. Considérant qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. E...la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme F... ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Laigneville sont rejetées.

Article 3 : M. E...versera à M. et Mme F...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...E..., à M. et Mme D...F...et à la commune de Laigneville.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Beauvais.

Délibéré après l'audience publique du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

- Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 mars 2017.

Le rapporteur

Signé : X. FABRELe président de la formation de jugement,

Signé : C. BERNIER

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

2

N° 15DA01299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01299
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Bernier
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : LEQUILLERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-03-09;15da01299 ?
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