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30/03/2017 | FRANCE | N°15DA00506

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 15DA00506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 mars 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 23° section de Tourcoing 1 a annulé la décision du médecin du travail déclarant M. G...inapte à son travail et a déclaré l'intéressé apte au poste de chef d'équipe menuisier avec aménagement du poste afin d'éviter le port de charges lourdes, ensemble la décision du 15 juillet 2013 du ministre chargé du travail ayant rejeté son recours hié

rarchique.

Par un jugement n° 1302968 du 11 février 2015, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 mars 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 23° section de Tourcoing 1 a annulé la décision du médecin du travail déclarant M. G...inapte à son travail et a déclaré l'intéressé apte au poste de chef d'équipe menuisier avec aménagement du poste afin d'éviter le port de charges lourdes, ensemble la décision du 15 juillet 2013 du ministre chargé du travail ayant rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1302968 du 11 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 mars 2015, le 19 août 2015 et le 5 octobre 2015, la SARLD..., représentée par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 février 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M. G...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de M. G...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne la convention collective applicable et la qualification de M.G... ;

- l'avis du médecin inspecteur du travail ne lui a pas été notifié,

- il ne lui a pas été possible de vérifier les conditions dans lesquelles cet avis et la décision contestée ont été rendus ;

- elle n'a pas pu faire valoir ses observations ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- si M. D...a bien été convoqué par l'inspecteur du travail, les éléments qu'il a fournis sur l'organisation de l'entreprise et le rôle de chaque salarié, n'ont pas été pris en compte ;

- elle n'a pu faire valoir utilement ses observations lors de l'enquête menée par l'inspecteur du travail dès lors que l'avis rendu par le médecin inspecteur du travail ne lui a pas été communiqué ;

- la décision contestée ne peut se fonder sur la mention erronée d'une " visite occasionnelle à la demande du médecin " ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, M. G...n'ayant jamais été chef d'équipe ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mai 2015, le 7 septembre 2015 et le 18 novembre 2015, M. A...G..., représenté par Me B...F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL D...d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il était menuisier ETAM niveau ET 4 depuis novembre 2005 ;

- les moyens soulevés par la SARL D...ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 26 octobre 2015 , le 16 décembre 2015 et le 12 janvier 2016, la SARL D...conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- la classification des ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés est la seule applicable en l'espèce.

Une mise en demeure a été adressée le 21 septembre 2015 au ministre chargé du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me E...C...représentant la SARLD..., et de Me B... F..., représentant M. A...G....

1. Considérant que M. A...G..., né en 1961, a été embauché le 30 août 2004 comme menuiser avec la qualification N3 P2, coefficient 203 par la SARLD..., spécialisée dans la pose de fermetures de bâtiments, la pose de châssis en PVC, et l'installation de portes de garages ; que par une décision du 15 mars 2013, l'inspecteur du travail de la 23° section de Tourcoing 1 a annulé la décision du médecin du travail du 19 décembre 2012 le déclarant inapte aux fonctions de menuisier poseur et apte à un poste sans manutention lourde ou à un poste informatique ; que par une décision du 15 juillet 2013, le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique de la SARL D...tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail déclarant M. G...apte au poste de chef d'équipe menuisier, avec aménagement du poste afin d'éviter le port de charges lourdes ; que la SARL D...relève appel du jugement du 11 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, alors en application : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions (...). qu'aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relations avec les administrations, alors en application : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. " ;

3. Considérant, d'une part, que la décision de l'inspecteur du travail infirmant l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail et la décision du ministre la confirmant, déclarant M. G... inapte aux fonctions de menuisier poseur et apte au poste de chef d'équipe menuisier, avec aménagement du poste n'ont pas été prises sur une demande de l'employeur, mais sur recours de M. G...; que, d'autre part, compte tenu de la portée que lui donne l'article L. 4624-1 du code du travail, de telles décisions doivent être regardées comme imposant des sujétions dans l'exécution du contrat de travail ; que dès lors, elles ne pouvaient intervenir, en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qu'après que l'employeur eut été mis à même de présenter ses observations écrites ;

4. Considérant que si l'inspecteur du travail a reçu, le 14 mars 2013 le dirigeant de la SARLD..., il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du courrier du 6 mars 2013 de l'inspecteur du travail le convoquant en vue de l'enquête, que son dirigeant aurait été informé de l'avis rendu par le médecin inspecteur du travail sur l'aptitude au travail de son employé, alors même que la possibilité de reclasser M. G...au sein de l'entreprise a été évoquée lors de cet entretien, dont au demeurant, la société requérante soutient, sans être contredite, qu'il a été particulièrement bref ; que la SARL D...n'a pas pu présenter d'observations écrites notamment en ce qui concerne les fonctions précises exercées par M.G..., au regard de la contradiction entre la classification définie par son contrat de travail, les fonctions réellement exercées et les mentions portées sur son bulletin de paye, la privant ainsi d'une garantie et l'empêchant de faire valoir des éléments qui étaient susceptibles d'avoir une incidence sur le sens de la décision à intervenir ; que dans ces conditions la SARL D...est fondée à soutenir que les décisions en litige ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL D...est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 11 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL D...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce soit mis à la charge de la SARLD..., qui n'est pas dans le présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. G...demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 février 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La décision du 15 mars 2013 de l'inspecteur du travail de la 23° section de Tourcoing 1 et la décision du 15 juillet 2013 du ministre chargé du travail sont annulées.

Article 3 : Les conclusions de la SARL D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARLD..., à M. A...G...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée à la direction des régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 mars 2017.

Le rapporteur,

Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de

la formation de jugement,

Signé : O. NIZET Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA00506

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00506
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03 Travail et emploi. Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : POTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-03-30;15da00506 ?
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