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18/05/2017 | FRANCE | N°15DA01235

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 18 mai 2017, 15DA01235


Vu la procédure suivante : Procédure antérieure : L'office public de l'Habitat du Nord, dénommé Partenord Habitat, a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, la SARL Cabinet Becquart et la SARL Rénov Décoration à lui verser la somme totale de 275 768, 30 euros hors taxes (HT) au titre de l'indemnisation de préjudices subis du fait de désordres affectant la réfection de salles de bain d'un foyer pour handicapés adultes. Par un jugement n° 1106255 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a, d'une

part, condamné in solidum la SARL Cabinet Becquart et la socié...

Vu la procédure suivante : Procédure antérieure : L'office public de l'Habitat du Nord, dénommé Partenord Habitat, a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, la SARL Cabinet Becquart et la SARL Rénov Décoration à lui verser la somme totale de 275 768, 30 euros hors taxes (HT) au titre de l'indemnisation de préjudices subis du fait de désordres affectant la réfection de salles de bain d'un foyer pour handicapés adultes. Par un jugement n° 1106255 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, condamné in solidum la SARL Cabinet Becquart et la société Rénov Décoration à verser à Partenord Habitat la somme de 175 908,75 euros au titre des désordres correspondant aux deux premières tranches des travaux, d'autre part, condamné la société Rénov Décoration à garantir la SARL Cabinet Becquart à hauteur des deux tiers de cette condamnation, enfin, condamné la société Rénov Décoration à verser à Partenord Habitat la somme de 87 954,41 euros au titre des désordres correspondant à la troisième tranche des travaux. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 novembre 2016, la SARL Cabinet Becquart, représentée par la SELARL Espace Juridique Avocats, demande à la cour : 1°) à titre principal de réformer le jugement afin de rejeter la demande de Partenord Habitat tendant à sa condamnation ; 2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Renov Décoration ou la SELARL Perrin Borkowiak en qualité de mandataire liquidateur de cette société à la garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre ou, à tout le moins, de les réduire à de plus juste proportions ; 3°) de mettre à la charge de toute partie qui succombe la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'a commis aucune faute, les désordres étant entièrement imputables à la société Renov Décoration qui n'a pas mis en oeuvre les prescriptions de l'article 2.6 du CCTP établies par le maître d'oeuvre ; - il résulte du rapport de l'expert que les désordres ne lui sont pas imputables ; - elle n'était pas en mesure de signaler au moment de la réception des malfaçons non apparentes réalisées à son insu ; - son obligation de suivi du chantier était limitée à une seule visite par semaine ; - le tribunal ne pouvait pas déduire du refus de la société Renov Décoration de lui communiquer les documents techniques réclamés pendant le chantier un manquement à l'obligation de conseil qui pèse sur la maîtrise d'oeuvre ; - les délais très courts imposés par Partenord Habitat n'ont pas permis la réalisation d'un sanitaire-témoin qui aurait pu révéler d'éventuels défauts ; - le quantum des travaux de reprise retenu par le tribunal, qui diffère de celui arrêté par l'expert, n'est pas justifié, et comporte de nombreuses prestations non prévues par le marché ; - la réclamation de Partenord Habitat ne saurait excéder la somme de 137 884,15 euros ; - Partenord Habitat ne justifie pas le délai de trois ans entre la remise du rapport d'expertise en 2008 et les travaux de réfection en 2011 ; - sa responsabilité ne peut être engagée pour les malfaçons correspondant à la troisième tranche des travaux à laquelle elle n'a pas pris part. Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2015, l'office public de l'Habitat du Nord, dénommé Partenord Habitat, représenté par Me B...A..., demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la SARL Cabinet Becquart ; 2°) de réformer le jugement en condamnant in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, la SARL Cabinet Becquart et la SARL Rénov Décoration à lui verser la somme totale de 286 950 euros HT ; 3°) de condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, la SARL Cabinet Becquart et la SARL Rénov Décoration à lui verser une somme correspondant aux dépens des diverses procédures engagées devant la juridiction civile ; 4°) de mettre à la charge de la SARL Cabinet Becquart la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance et de l'appel.

Il soutient que : - la responsabilité de la SARL Cabinet Becquart étant engagée sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, le moyen tiré de l'absence de faute est inopérant ; - la SARL Cabinet Becquart, chargé d'une mission de contrôle de la phase DET, a manqué à son obligation de surveillance du chantier ; - elle ne s'est pas alarmée de l'absence de transmission des fiches techniques qu'elle avait réclamées à l'entrepreneur et n'a pas formulé de réserves sur ce point ; - les délais d'exécution qui n'étaient pas particulièrement brefs ne constituent pas une cause exonératoire de sa responsabilité ; - le cabinet-témoin a été réalisé ; - à titre subsidiaire, la responsabilité de la SARL Cabinet Becquart est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour défaut à son devoir de conseil et d'assistance au moment de la réception ; - s'agissant du quantum des dépenses, l'estimation de l'expert, qui ne correspond pas aux coûts réellement exposés, présente un caractère évaluatif ; - la passivité de la SARL Cabinet Becquart dans la conduite des travaux des deux premières tranches est à l'origine des désordres apparus lors de la troisième, alors même que celle-ci ne lui avait pas été confiée ; - le marché de reprise, dont le contenu a été arrêté en accord avec l'appelante, correspond exactement aux travaux préconisés par l'expert ; - l'office doit être également indemnisé des frais engagés devant la juridiction civile et des frais de maîtrise d'oeuvre du marché de remise en état des locaux ; - le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité s'agissant de la reprise des caniveaux, en demandant une preuve impossible et s'agissant de la prestation de mise en charge du réseau, en rejetant sa demande. La société Renov Décoration et la SELARL Perrin Borkowiak, mandataire liquidateur de cette société, n'ont pas donné suite à la mise en demeure de produire un mémoire en défense qui leur a été adressée le 6 octobre 2015 sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative. La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 décembre 2016. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Christian Bernier, président de la formation de jugement, - les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public, - et les observations de Me C...D..., représentant la SARL Cabinet Becquart. Une note en délibéré présentée par la SARL Cabinet Becquart a été enregistrée le 10 mai 2017.

1. Considérant que l'office public pour l'Habitat du Nord, dénommé Partenord Habitat, a entrepris en 2000 de rénover un bâtiment destiné à l'hébergement d'adultes handicapés " Le Soleil Bleu " à Quesnoy-sur-Deule ; que la réfection des salles de bains des chambres du foyer a fait l'objet de trois tranches de travaux correspondant aux trois ailes du bâtiment ; que les travaux de réfection des carrelages et des faïences des douches ont été confiés à la société Renov Décoration ; que la société Cabinet Becquart a été chargée de la maîtrise d'oeuvre de l'opération ; que des désordres consistant en des remontées et des passages d'eau entre les cloisons étant apparus après la réception des travaux, un expert a été désigné à la demande de l'ARPAH, association gestionnaire de ce foyer, par le tribunal de grande instance de Lille en 2007 ; qu'au vu du rapport d'expertise remis le 9 juin 2008, la juridiction judiciaire a condamné le 25 mai 2010 Partenord Habitat à remédier aux désordres en se conformant aux recommandations de l'expert ; que les travaux de réfection, confiés à la société GEPH Entreprise sous maîtrise d'oeuvre de la société A2CA, ont été réalisés en 2010 et 2011 ; que l'office public ayant recherché devant la juridiction administrative l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices à l'encontre du maître d'oeuvre et de l'entreprise titulaire des travaux, le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 12 mai 2015 dont il est relevé appel, a, d'une part, à l'article 1er, condamné in solidum la société Renov Décoration et la société Cabinet Becquart à verser à Partenord Habitat la somme de 175 908,75 euros correspondant pour l'essentiel à la réparation des désordres affectant les deux premières tranches de travaux et, à l'article 3, condamné la société Renov Décoration à garantir la société Cabinet Becquart des deux tiers de la somme ainsi mise à leur charge solidaire ; qu'il a, d'autre part, après avoir estimé que la responsabilité de la société Cabinet Becquart n'était pas engagée pour les désordres affectant la troisième tranche des travaux, condamné, à l'article 2 de son jugement, la société Renov Décoration à verser à ce titre Partenord Habitat la somme de 87 954,41 euros ; 2. Considérant que la société Cabinet Becquart, qui conteste les articles 1er et 3 du jugement, demande à la cour de réformer le jugement en prononçant le rejet des demandes de Partenord Habitat présentées à son encontre devant le tribunal, ou à tout le moins de réduire à de plus justes proportions le montant mis à la charge des constructeurs et de condamner la société Renov Décoration à la garantir intégralement; que, par la voie de l'appel incident, Partenord Habitat demande à la cour de condamner in solidum la société Renov Décoration et la société Cabinet Becquart à lui verser la somme de 286 950 euros hors taxes (HT) ; Sur la régularité du jugement : 3. Considérant que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait, s'agissant de la reprise des caniveaux, demandé à Partenord Habitat d'apporter une preuve impossible et, s'agissant de la prestation de mise en charge du réseau, aurait rejeté à tort sa demande ne porte pas sur la régularité du jugement mais sur son bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ces points doit être écarté ; Sur l'appel principal du cabinet Becquart : Sur la responsabilité décennale au titre des deux premières tranches de travaux : 4. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ; 5. Considérant que la SARL Cabinet Becquart ne conteste pas que les désordres constatés par l'expert, apparus après la réception des travaux, sont, compte tenu de leur importance, de leur généralité et de leurs conséquences pour les occupants des logements, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et à engager la responsabilité décennale des constructeurs en application des principes rappelés au point précédent ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'acte d'engagement du 15 septembre 2000 que la mission confiée à la société Cabinet Becquart portait sur les études de projet (PRO), l'examen et le visa des études d'exécution (VISA), l'organisation, le pilotage et la coordination des travaux (OPC), la direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), et l'assistance lors des opérations de réception (AOR) ; que la société Cabinet Becquart avait dès lors la qualité de constructeur ; que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs, la responsabilité de ceux-ci se trouve engagée vis-à-vis du maître d'ouvrage du seul fait de leur participation aux travaux à l'origine des dommages ; que, par suite, la société Cabinet Becquart ne peut utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, de ce qu'elle n'a commis aucune faute, ou de ce que d'autres constructeurs auraient éventuellement commis des fautes dans l'exercice de leur mission ; que si, au point 12 de son jugement, le tribunal a retenu que le cabinet Becquart avait commis une faute en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage lors de la réception sur les problèmes d'étanchéité susceptible d'intervenir, il ne l'a fait que dans le cadre de l'examen de l'appel en garantie entre constructeurs ; qu'en revanche, à l'égard de Partenord Habitat, il s'est borné à fonder la responsabilité de la société Cabinet Becquart sur la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs ; que la SARL Cabinet Becquart n'est pas dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la responsabilité de ce maître d'oeuvre était engagée au titre des désordres correspondant aux deux premières tranches des travaux ; Sur la faute du maître de l'ouvrage : 6. Considérant que, pour s'exonérer de sa responsabilité au titre des désordres décennaux affectant les deux premières tranches, la société Cabinet Becquart fait valoir que Partenord Habitat a imposé aux constructeurs des délais extrêmement brefs, avec un démarrage des travaux au 17 juillet 2000 pour une livraison au 18 août 2000 ; que cependant, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces délais qui ont été acceptés sans observation particulière par les constructeurs ont rendu impossible la bonne exécution des travaux, ni qu'ils soient à l'origine des malfaçons ; que si la société Cabinet Becquart fait également valoir que les exigences du maître d'ouvrage n'auraient pas permis à la société Renov Décoration de réaliser le sanitaire-témoin prévu à l'article 1.15 du cahier des clauses techniques particulières, il résulte de l'instruction qu'en tout état de cause, cet entrepreneur a soutenu en première instance sans être utilement contredit avoir pu s'acquitter de cette prestation ; que, par suite, la société Cabinet Becquart n'est pas fondée à soutenir que le maître d'ouvrage aurait commis des fautes de nature à l'exonérer de sa responsabilité ou à l'atténuer ;

Sur le quantum des demandes : 7. Considérant que le maître de l'ouvrage a droit à la réparation intégrale des préjudices qu'il a subis lorsque la responsabilité décennale du constructeur est engagée, sans que l'indemnisation qui lui est allouée à ce titre puisse dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possible ; 8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour remédier aux désordres constatés par l'expert, Partenord Habitat a passé un nouveau marché, confié à la société GEPH, pour un montant initial de 356 050 euros HT, portant sur la réfection de quarante chambres ; que toutefois, par un avenant n°1, le montant du marché a été minoré pour tenir compte de la suppression des prestations initialement prévues sur l'aile " Les Chèvrefeuilles " du bâtiment, qui ne faisaient pas l'objet de l'expertise ; que le montant final du marché s'est ainsi établi à 275 768,30 euros HT, correspondant à la reprise des trente chambres faisant l'objet de désordres ; que la société Cabinet Becquart, qui estime cette somme excessive, conteste le montant de 175 908,75 euros qu'elle a été condamnée solidairement avec la société Renov Décoration à verser à Partenord Habitat au titre des réparations portant sur les deux premières tranches de travaux ; 9. Considérant que si la société Cabinet Becquart fait valoir que le démontage de la dalle existante, le sciage de la dalle, la création de nouvelles évacuations, la création d'une nouvelle cloison en carreau de plâtre hydrofuge sur deux faces, la pose d'un siphon de sols avec la création d'une chape en forme de pente et le remplacement des bouches de ventilation n'étaient pas prévus par le marché initial, il résulte de l'instruction que ces travaux correspondent aux recommandations de l'expert qui a détaillé les mesures qui lui semblaient indispensables pour rendre le sol parfaitement étanche et limiter le plus possible l'humidification de la chape hydrofugée et des bas de cloisons ; que si le marché conclu avec la société GEPH au terme d'une mise en concurrence en 2010 excède les estimations de l'expert qui avait sommairement évalué le coût des réparations, sur la base d'un unique devis, à 146 000 euros, il ne résulte pas de cette circonstance, invoquée à titre principal par la société cabinet Becquart, que les travaux de reprise détaillés dans les prescriptions particulières annexées à l'acte d'engagement, auraient apporté à l'ouvrage une plus-value autre que celle qui est la conséquence de la disparition des désordres, ni que les procédés retenus auraient excédé ce qui était strictement nécessaire pour assurer la parfaite étanchéité des salles de bains et l'assainissement des chambres affectées par l'humidité ; qu'il ne résulte pas davantage des situations établies par la société DPGF et produites par Partenord Habitat que cette société aurait réalisé et facturé d'autres prestations que celles prévues au marché, qui tendaient, ainsi qu'il a été dit, à assurer la réparation des désordres ; que la circonstance que Partenord Habitat n'aurait fait réaliser les travaux de réfection que trois ans après la remise du rapport de l'expert est indifférente, en l'absence d'éléments susceptibles d'établir que ce délai aurait conduit à une augmentation significative du coût de la remise en état ; que la contestation par la société Cabinet Becquart du quantum des sommes que les constructeurs ont été condamnés à payer in solidum à Partenord Habitat au titre des préjudices résultant des désordres affectant les deux premières tranches de travaux doit ainsi être écartée ;

Sur l'appel incident de Partenord Habitat : En ce qui concerne la réparation des préjudices au titre des premières tranches de travaux : 10. Considérant que Partenord Habitat justifie, devant la cour, sans être contredit par la société Cabinet Becquart, de la somme de 27 000 euros en faisant valoir que la remise en eau de l'ensemble du réseau d'eau du bâtiment en lien avec les travaux à entreprendre du fait des désordres constatés supposait qu'il soit purgé ; qu'il y a lieu par suite de réintégrer cette somme de 27 000 euros, qu'avait retranchée le tribunal, dans le montant des préjudices ; 11. Considérant que, pour demander la réintégration dans le montant des travaux de la somme de 1 200 euros correspondant à la " reprise des caniveaux ", Partenord Habitat fait valoir qu'il s'agit d'une prestation qui avait été omise dans la liste des travaux détaillés dans les prescriptions particulières annexées à l'acte d'engagement de la société DPGF et qui n'avait pas donné lieu à paiement dans le cadre de ce marché ; que ni ces explications, ni ce montant, ni le caractère nécessaire de ces travaux ne sont contestés par la société Cabinet Becquart ; qu'il y a dès lors lieu, comme le demande Partenord Habitat de réintégrer cette somme dans le préjudice indemnisable ; 12. Considérant qu'il résulte de ce qui été dit aux points 10 et 11 que Partenord Habitat est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté l'indemnisation de ces deux chefs de préjudice d'un montant total de 28 200 euros dans le montant de l'indemnité au titre des travaux de réparation correspondant aux deux premières tranches ; qu'il y aura lieu, dès lors, de réformer le jugement du tribunal sur ce point ; En ce qui concerne la responsabilité de la société Cabinet Becquart s'agissant de la troisième tranche des travaux : 13. Considérant qu'il résulte notamment du rapport d'expertise ainsi que des comptes-rendus de réunions et des pièces relatives aux opérations de réception que les travaux correspondant à la troisième tranche des travaux n'ont pas été suivis par la société Cabinet Becquart, contrairement aux stipulations de son marché ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que cette situation doit être regardée comme procédant d'une initiative du maître d'ouvrage et prise d'un commun accord entre ce dernier et son maître d'oeuvre, Partenord Habitat ayant décidé d'agir sans l'assistance de son maître d'oeuvre, au regard des travaux déjà réalisés et du suivi effectué par ce dernier lors des deux premières tranches ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres trouvent exclusivement leur origine dans des malfaçons intervenues lors de la phase d'exécution, et non au cours de la phase d'élaboration incombant au maître d'oeuvre et notamment dans les dispositions très complètes prévues par ce dernier, figurant dans le cahier des clauses techniques particulières des travaux ; qu'ainsi et alors même que Partenord Habitat a pu, le cas échéant, se reporter au suivi et au contrôle des travaux opérés par la société Cabinet Becquart lors des deux premières tranches, il résulte de l'instruction qu'il a assumé seul les opérations de maîtrise d'oeuvre pour cette troisième tranche de travaux ; que, par suite, et alors même que les désordres liés à un défaut de surveillance et de contrôle du chantier sont de même nature et présentent les mêmes caractéristiques que ceux des premières tranches, ils ne peuvent être regardés comme imputables, pour cette troisième tranche, à la société Cabinet Becquart ; que, par suite, Partenord Habitat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a écarté la responsabilité de la société Cabinet Becquart au titre de la garantie décennale pour cette troisième tranche de travaux ; 14. Considérant que si Partenord Habitat fait valoir, à titre subsidiaire, que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre est susceptible d'être engagée pour défaut à son devoir d'assistance et de conseil envers le maître d'ouvrage lors des opérations de réception, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Partenord Habitat s'est dispensé de recourir aux services de la société Cabinet Becquart pour la réception de la troisième tranche de travaux, même en ce qui concerne les opérations de réception ; que, par suite, Partenord Habitat n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre sur cet autre fondement ; 15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réformer l'article 1er du jugement dans la limite du montant retenu au point 12 et par suite, de porter de 175 908, 75 euros à 204 108,75 euros la condamnation in solidum de la société Cabinet Becquart et de la société Renov Décoration à verser à Partenord Habitat ; Sur l'appel en garantie de la société Cabinet Becquart : 16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise que la société Renov Décoration n'a pas appliqué les prescriptions très complètes de la société Cabinet Becquart pour assurer l'étanchéité des sols et murs de salles de bains figurant dans le cahier des clauses techniques particulières ; qu'alors que l'article 2.6 prévoyait la mise en oeuvre " d'un système d'étanchéité du type membrane souple d'étanchéité sous carrelage de marque Ardatech ou similaire " sur les parois verticales et la périphérie du sanitaire sous faïences et sur une hauteur de deux mètres, le produit utilisé par l'entrepreneur qui n'était pas celui retenu par le maître d'oeuvre s'est révélé inapproprié ; qu'alors que l'article 2.4 prévoyait l'emploi de caniveaux en PVC, l'expert a relevé l'emploi de caniveaux en plastique permettant les passages d'eau en chape et en dallage pouvant atteindre le parement des cloisons côté chambre ; qu'en outre, l'expert a relevé l'existence de multiples malfaçons, telles que l'emploi de caniveaux de largeurs différentes, la réalisation d'abouts de caniveaux en mortier sans emploi d'abouts plastiques étanches, et l'absence de joints étanches entre les tronçons de caniveaux ; que cette méconnaissance des exigences du cahier des clauses techniques particulières et ces malfaçons sont à l'origine des désordres ; que les fautes ainsi commises par la société Renov Décoration engagent sa responsabilité à l'égard de la société Cabinet Becquart ; 17. Considérant qu'il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le maître d'oeuvre a eu, en cours de chantier, connaissance de l'emploi d'un procédé qui n'était pas celui qu'il avait imposé ; qu'en outre, la société Cabinet Becquart ne peut sérieusement alléguer que les modifications unilatérales qu'elle impute à la société Renov Décoration auraient été réalisées " de façon occulte et sans que la maitrise d'oeuvre en soit informée " dès lors notamment qu'elle a affirmé à l'expert avoir demandé vainement à l'entrepreneur la documentation technique relative au produit nouveau mis en oeuvre ; qu'ainsi, la société cabinet Becquart n'a pas exercé un contrôle et un suivi du chantier et des travaux en cause suffisamment approprié ; qu'ainsi, les fautes commises par la société Renov Décoration ont été rendues possibles par les fautes de la maîtrise d'oeuvre ; que si la société Cabinet Becquart fait valoir que sa mission relative au suivi du chantier se limitait à une seule visite par semaine, cette circonstance ne suffit pas à justifier les fautes qui lui sont reprochées alors qu'il lui incombait de s'assurer à l'occasion notamment de ces visites et des réunions de chantier de la conformité des travaux aux stipulations du marché et au respect des règles de l'art ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que, compte tenu des fautes respectives de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre, la société Cabinet Becquart n'est pas fondée à soutenir qu'en condamnant la société Rénov Décoration à la garantir à hauteur des deux tiers des condamnations prononcées à son encontre, le tribunal administratif de Lille a fait une inexacte appréciation de leurs parts de responsabilité respectives ; que, par suite, la société Cabinet Becquart n'est pas fondée à demander la réformation de l'article 3 du jugement attaqué ; Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Partenord Habitat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme demandée par la société Cabinet Becquart au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, pour les mêmes raisons, les conclusions présentées sur le même fondement par le Cabinet Becquart à l'encontre de la société Rénov Décoration, qui n'est pas la partie perdante, doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cabinet Becquart le versement à Partenord Habitat de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions ; D E C I D E : Article 1er : La somme que la société Cabinet Becquart et la société Renov Décoration ont été condamnées à verser in solidum à Partenord Habitat est portée à 204 108,75 euros. L'article 1er du jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent article. Article 2 : Les conclusions de la société Cabinet Becquart sont rejetées. Article 3 : La SARL Cabinet Becquart versera à Partenord Habitat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de Partenord Habitat est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cabinet Becquart, à Partenord Habitat, à la société Rénov Décoration et à la SELARL Borkowiak-Perrin, mandataire liquidateur de cette société. Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2017 à laquelle siégeaient : - M. Olivier Yeznikian, président de chambre, - M. Christian Bernier, président-assesseur, - Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller. Lu en audience publique le 18 mai 2017. Le président-rapporteur,Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,Président de chambre,Signé : O. YEZNIKIANLe greffier,Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme,Le greffier en chef,Par délégation,Le greffier,Christine SireN°15DA01235 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01235
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL ESPACE JURIDIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-18;15da01235 ?
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