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23/05/2017 | FRANCE | N°16DA00171

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 16DA00171


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 et la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période de janvier 2007 à décembre 2008.

Par un jugement n° 1205076 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016, M. D..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 et la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période de janvier 2007 à décembre 2008.

Par un jugement n° 1205076 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016, M. D..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 ;

3°) de prononcer la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période de janvier 2007 à décembre 2008 ;

4°) d'ordonner le sursis de paiement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition a été irrégulière car ses droits, en tant que personne physique, n'ont pas été respectés ;

- la charge de la preuve du bien-fondé de l'imposition incombe à l'administration ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation sur le mode de fonctionnement de l'entreprise et la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ;

- les pénalités sont insuffisamment motivées ;

- l'administration ne démontre pas sa mauvaise foi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par lettre du 4 mai 2017, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. D...tendant au sursis de paiement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que M. D...exploite, place Louise de Bettignies à Lille, un bar-restaurant dont il est le gérant ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2008 en matière de bénéfices industriels et commerciaux et du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a relevé des irrégularités dans la comptabilité et l'a déclarée non probante et non sincère ; qu'elle a, par suite, procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires et du résultat imposable de la société ; qu'elle a taxé d'office, en l'absence de déclaration du contribuable dans les délais impartis par une mise en demeure, les bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'exercice clos en 2007 et la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2007, et procédé à une imposition selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, s'agissant de l'exercice 2008 ; qu'ainsi M. D... a été assujetti, d'une part, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2007 et 2008, d'autre part, à des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ; que ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été assorties d'une majoration de 40 % en application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été assortis d'une pénalité de 40 % pour manquement délibéré en application de l'article 1729 du même code ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que M. D... conteste la régularité de la procédure d'imposition dont il a fait l'objet au titre des années 2007 et 2008 pour l'impôt sur le revenu et au titre de la période de janvier 2007 à décembre 2008 pour les droits de taxe sur la valeur ajoutée au motif que les notifications des droits ne lui auraient pas été faites en le distinguant en tant que personne physique et tant que gérant de son établissement ; que, toutefois, M. D... exploitant à son nom un bar-restaurant, les notifications ont pu être régulièrement effectuées à son nom au siège de l'établissement qu'il exploite ;

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 13-1 de ce même livre : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : (...) b) l'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels " ; qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de vérification de la comptabilité du bar restaurant exploité par M.D..., le service vérificateur a relevé que les feuilles de recettes journalières ne comportaient qu'une ventilation par mode de paiement des ventes, que ces éléments n'étaient pas appuyés par d'autres pièces permettant de justifier de la nature et du nombre de consommations vendues, ni des prix pratiqués ; que les recettes comptabilisées en espèces ne correspondaient pas aux remises effectives en banque ; qu'en utilisant son pouvoir de communication auprès des fournisseurs, le service a également relevé que des achats n'étaient pas inscrits en comptabilité ; que, dès lors, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité comme dépourvue de toute sincérité et valeur probante et procéder à la reconstitution des recettes du bar-restaurant à l'aide d'une méthode extracomptable ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

Quant à la charge de la preuve :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) " ; que l'article L. 193 du même livre dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, la comptabilité de M. D...comporte de graves irrégularités qui la prive de valeur probante ; que les impositions supplémentaires ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires émis le 21 mars 2011 ; que s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux et de la taxe sur la valeur ajoutée pour les exercices clos en 2007, le requérant ne conteste pas la procédure de taxation d'office, il s'ensuit qu'en application de l'article L. 193 du livre précité, il supporte la charge de la preuve ; que, par suite, il incombe à M.D..., en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, de critiquer la méthode de reconstitution que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge, une nouvelle méthode permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration ;

Quant au caractère exagéré de la reconstitution du chiffre d'affaires :

8. Considérant que le requérant se borne à alléguer une erreur d'appréciation sans produire de justificatifs permettant d'établir le caractère exagéré de la reconstitution allégué ; qu'il ne propose pas plus une autre méthode que celle appliquée par l'administration fiscale pour reconstituer son chiffre d'affaires ; que, dès lors, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des évaluations faites par le service ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai " ;

10. Considérant que M. D...a été mis en demeure de déposer sous trente jours sa déclaration de résultat concernant les bénéfices industriels et commerciaux pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 ; qu'il a accusé réception de cette mise en demeure le 13 juin 2008 et a déposé cette déclaration le 1er août 2008 ; que s'il allègue l'absence de caractère délibéré du manquement, cette circonstance est sans influence sur le bien-fondé des pénalités issues du b de l'article 1728 du code précité ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 précité du code général des impôts ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration. " ;

12. Considérant qu'eu égard tant à l'importance et à la fréquence des minorations de recettes qu'aux graves irrégularités apparaissant dans la tenue de la comptabilité, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve de la volonté du requérant d'éluder les impositions dont il était redevable ; que l'administration a relevé des minorations de recettes représentant 70 % et 64 % du chiffre d'affaires déclaré pour chacun des exercices litigieux ; qu'au demeurant, le requérant a déjà fait l'objet de deux précédentes vérifications de comptabilité pour le bar qu'il exploite, pour les exercices clos en 2000 et 2001 et les exercices clos en 2003 et 2004, ayant donné lieu aux mêmes chefs de redressement ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assorti les impositions supplémentaires assignées au requérant de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le sursis de paiement :

14. Considérant qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit une procédure de sursis de paiement des impositions contestées durant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel ; qu'ainsi, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions de M. D...tendant au sursis de paiement des impositions en litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'économie.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 mai 2017.

Le rapporteur,

Signé : M. E...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA00171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00171
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CABINET HONORE CHEYAP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-23;16da00171 ?
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