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01/06/2017 | FRANCE | N°16DA02268

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 01 juin 2017, 16DA02268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2016 de la préfète du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1604192 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 février 2016 et a enjoint à la pré

fète du Pas-de-Calais de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la men...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2016 de la préfète du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1604192 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 février 2016 et a enjoint à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2016 la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604192 du 3 novembre 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M. A...;

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A...au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; l'étranger n'établit pas sérieusement avoir noué en France des liens stables et intenses ;

- il ne justifie de sa présence en France qu'à compter de mars 2013 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2017, M.A..., représenté par Me H...D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à Me D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York, le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant algérien, né le 7 juin 1983 à Annaba (Algérie) déclare être entré en France le 15 janvier 2011 ; qu'il a sollicité, le 17 décembre 2014, la délivrance d'une carte de résident d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 9 février 2016, la préfète du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui déclare être entré en France en 2011, vit depuis le 8 mars 2014 en concubinage avec MmeI..., une compatriote Algérienne qui réside régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans ; que, de cette relation, sont nés deux enfants en 2013 et en 2014 ; que Mme I...est également la mère d'un enfant de nationalité française, B..., né en 2011 de son union avec M.G..., son ex-époux ; que, par un jugement du 1er octobre 2013 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du Havre, la résidence de cet enfant a été fixée chez sa mère, M.G..., de nationalité française, né le 1er janvier 1939, père de l'enfant, étant astreint au versement d'une contribution mensuelle de 50 euros, soumise à indexation, avec le bénéfice d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant ; que, par une attestation du 31 mai 2016 versée au dossier, l'intéressé affirme qu'il verse bien la part contributive prévue par la convention d'homologation du divorce, les paiements étant effectués de " main à main " à M. A..., et qu'il " voit ", son fils au Havre, où il réside, durant les vacances scolaires ; que toutefois, alors même que le père de l'enfant indique avoir des problèmes de santé et ne pas pouvoir se déplacer, par cette unique attestation peu circonstanciée et postérieure à la date de la décision attaquée, aucune preuve n'est apportée au soutien de ces allégations quant à la réalité des versements mensuels réguliers prévus par le juge aux affaires familiales, par la mention de sommes versées de " main à main " ; que cette attestation, accompagnée d'une photographie, n'est en outre pas de nature à établir l'existence de l'exercice régulier d'un droit de visite par le père du jeune B...et l'hébergement pendant les vacances scolaires, à la date de l'arrêté contesté du 9 février 2016 ; que M.A... n'apporte aucun élément établissant l'intensité et la stabilité des liens que le jeuneB..., premier enfant de MmeI..., entretiendrait avec son père de nationalité française, ni même qu'il contribuerait effectivement à l' entretien de son fils ; que les deux enfants en bas âge de M. C...et Mme I..., âgés respectivement de deux et trois ans à la date de la décision attaquée n'étaient, en outre, pas scolarisés ; que, si le jeuneB..., âgé de quatre ans et demi à la même date était scolarisé, rien ne s'opposait, eu égard à son jeune âge, qu'il poursuive sa scolarité en Algérie ; qu'il résulte de ce qui précède que rien ne s'oppose a ce que Mme I...rejoigne M. A...en Algérie accompagnée de ses trois enfants ; que, par suite la cellule familiale peut être reconstituée en Algérie ; que l'intéressé n'est pas non plus dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où il a vécu jusqu'en 2011, date alléguée de son arrivée en France, et ne justifie pas non plus par les pièces au dossier, à l'exception de sa relation avec une compatriote, d'une insertion sociale et professionnelle intense et stable en France ni même, en l'absence de document concernant son hébergement et la satisfaction des besoins de la vie quotidienne, de sa résidence habituelle avant 2013 ; que, dés lors, eu égard aux conditions et à la durée du séjour irrégulier de M.A..., le préfet pouvait sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, refuser de délivrer à M. A... un certificat de résidence et lui faire obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu ce motif pour annuler sa décision lui refusant un certificat de résidence et, par voie de conséquence, celles portant obligation quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant la juridiction administrative ;

Sur le moyen commun aux décisions attaquée :

5. Considérant que, par un arrêté du 22 décembre 2015, publié le même jour au recueil n° 85 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. F...E..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques à la préfecture, à l'effet de signer les " décisions relatives aux droits au séjour sur le territoire et aux titres de séjour ", les " décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire " et les " arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

6. Considérant que la décision en litige vise le texte dont elle fait application et mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit / : 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la préfète du Pas-de-Calais, n'a pas porté au droit de M. A...au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, pour les mêmes raisons exposées au point 3, elle n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui été dit précédemment que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour pour soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait privée de base légale ;

10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A..., doivent être écartés ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 février 2016 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Me H... D...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1604192 du 3 novembre 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me H...D....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 27 avril 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er juin 2017.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZET

Le président de chambre,

président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA02268

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02268
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : KARILA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-01;16da02268 ?
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