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08/06/2017 | FRANCE | N°17DA00233-17DA00234

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 08 juin 2017, 17DA00233-17DA00234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a prononcé sa révocation, d'autre part, de faire injonction à cet établissement de le réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement nos 1506307-1505961 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation demandée et a enjoint au centre hospitalier d'Hénin-Be

aumont de réintégrer M. A...dans ses effectifs à compter du 13 juillet 2015 et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a prononcé sa révocation, d'autre part, de faire injonction à cet établissement de le réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement nos 1506307-1505961 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation demandée et a enjoint au centre hospitalier d'Hénin-Beaumont de réintégrer M. A...dans ses effectifs à compter du 13 juillet 2015 et de procéder à une reconstitution de la carrière de l'intéressé.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2017 et le 12 mai 2017 sous le n°17DA00233, le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, représenté par Me E...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 24 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de révocation en litige est suffisamment motivée ;

- l'illégalité éventuelle de la mesure de suspension provisoire de M. A...de ses fonctions est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

- l'irrégularité qui aurait affecté la composition du conseil de discipline, à la supposer établie, n'a pas eu d'incidence sur le sens de cette décision, ni n'a privé l'intéressé d'une garantie de procédure ;

- il en est de même de l'insuffisance de motivation dont serait affecté l'avis émis par ce conseil ;

- la circonstance que M. A...se trouvait en position de congé de maladie à la date à laquelle la décision en litige a été prise ne faisait pas légalement obstacle au prononcé de la révocation contestée ;

- la matérialité des faits reprochés à l'intéressé est établie ;

- pour prononcer, à raison de ces faits, la sanction de révocation, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2017, M.A..., représenté par Me D...C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité des décisions le suspendant provisoirement de ses fonctions et engageant une procédure disciplinaire à son encontre ;

- le conseil de discipline était irrégulièrement composé lors de la séance au cours de laquelle il a examiné sa situation ;

- ce conseil a émis un avis insuffisamment motivé ;

- il n'a pu légalement se voir infliger une sanction disciplinaire à une date à laquelle il se trouvait en congé de maladie ;

- la réalité des faits qui lui sont imputés n'est pas établie ;

- son état de santé était de nature à faire obstacle à ce qu'il soit regardé comme responsable de ses actes et à ce qu'une sanction disciplinaire soit prise à son encontre ;

- la décision contestée comporte des conséquences excessives sur sa situation personnelle et professionnelle.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2017 et le 12 mai 2017 sous le n°17DA00234, le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, représenté par Me E...B..., demande à la cour :

1°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 24 novembre 2016 jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond ;

2°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué, qui implique la réintégration de M. A...dans ses effectifs, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables en cas de réitération par l'intéressé du comportement qui a été le sien et dont il n'a pas mesuré la gravité ;

- sa requête au fond contient des moyens sérieux et de nature à entraîner, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par celui-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2017, M.A..., représenté par Me D...C..., conclut au rejet de la requête à fin de sursis à exécution et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille n'emporterait pour le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont aucune conséquence difficilement réparable ;

- les moyens invoqués par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont ne sont pas sérieux et ne sont, à tout le moins, pas de nature à justifier le rejet de sa demande de première instance.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour les deux procédures, par des décisions du 15 mai 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me E...B..., représentant le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont.

1. Considérant que les requêtes enregistrées sous le n°17DA00233 et sous le n°17DA00234, présentées par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, sont dirigées contre le même jugement et concernent la situation du même fonctionnaire ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par le même arrêt ;

2. Considérant que M. A...a été recruté, à compter du 1er octobre 2012, en tant qu'aide-soignant par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), puis a été titularisé dans ces fonctions le 1er octobre 2013 et affecté au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), " Les 5 Saisons " ; que l'attention de la direction du centre hospitalier ayant été appelée par un cadre de santé, le 30 mars 2015, sur des faits graves imputés à M.A..., ce dernier a, le jour même, été suspendu, à titre conservatoire de ses fonctions et a fait l'objet d'une procédure disciplinaire ayant abouti, le 3 juillet 2015 au prononcé de la sanction de révocation ; que le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont relève appel, par la requête enregistrée sous le n°17DA00233, du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M.A..., cette décision pour excès de pouvoir et lui a fait injonction de réintégrer l'intéressé dans ses effectifs à compter du 13 juillet 2015 et de reconstituer sa carrière ; que, par une seconde requête, enregistrée sous le n°17DA00234, le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " ... doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de la personne intéressée, de sorte que cette dernière puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée connaître les motifs de la sanction qui la frappe ;

4. Considérant qu'il ressort des motifs de la décision du 3 juillet 2015 contestée en l'espèce que ceux-ci mentionnent, sous le visa des dispositions applicables et de l'avis unanime du conseil de discipline, qu'il est reproché à M. A...d'avoir commis des faits constitutifs de manquements graves à ses obligations professionnelles, d'avoir porté atteinte à l'intégrité physique et à la dignité d'une personne âgée vulnérable, d'avoir manqué à son devoir de réserve envers les résidents, usagers et professionnels de santé intervenant dans l'établissement, d'avoir fait preuve de négligence dans la prise en charge des résidents, d'être intervenu en dehors du champ de ses attributions et de ses compétences, enfin, d'avoir adopté des comportements et tenu des propos déplacés vis-à-vis de collègues, en employant des termes de nature à heurter leur pudeur ; que cette motivation générale ne comporte cependant la mention d'aucun élément de fait précis de nature à caractériser les différents manquements reprochés à M. A...; qu'ainsi et alors même que l'intéressé aurait été précédemment rendu destinataire de courriers de nature à lui donner une connaissance plus précise des griefs soulevés à son encontre, la motivation de la décision en litige est, par elle-même, insuffisante au regard des exigences posées par les dispositions précitées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, cette décision et lui a fait injonction de réintégrer administrativement M. A...dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière ;

Sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution de ce jugement :

6. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue, dans le cadre de l'examen de la requête n°17DA00233, sur la légalité de la décision du directeur du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont du 3 juillet 2015 en litige, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°17DA00234 par laquelle le centre hospitalier demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant, en premier lieu, que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans les présentes instances d'appel, la partie perdante, au titre des frais exposés par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont et non compris dans les dépens ;

8. Considérant, en second lieu, que M. A...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée pour les deux instances d'appel par des décisions du 15 mai 2017 ; qu'en outre, son avocat n'a pas demandé la condamnation du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont à lui verser, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions présentées par M. A...dans les deux instances d'appel et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont enregistrée sous le n°17DA00233 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont enregistrée sous le n°17DA00234, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 24 novembre 2016.

Article 3 : Les conclusions présentées par M.A..., dans les deux instances d'appel, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la requête n°17DA00234 sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au centre hospitalier d'Hénin-Beaumont.

Copie en sera adressée, pour information, à la directrice générale de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la cour,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 juin 2017.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de la cour,

Signé : E. QUENCEZLe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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Nos17DA00233, 17DA00234

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00233-17DA00234
Date de la décision : 08/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales - Dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (loi du 9 janvier 1986).

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : ANGLE DROIT AVOCATS ; ANGLE DROIT AVOCATS ; ANGLE DROIT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-08;17da00233.17da00234 ?
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