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20/06/2017 | FRANCE | N°16DA02453

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 juin 2017, 16DA02453


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1601235 du 23 septembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre

2016, M. B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1601235 du 23 septembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2016, M. B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai, dès la notification de cet arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants marocains et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A... B..., ressortissant marocain né le 8 juin 1995, est entré irrégulièrement en France alors qu'il était mineur ; qu'il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Oise, qui ont accepté de reconduire sa prise en charge au-delà de son dix-huitième anniversaire, en tant que majeur âgé de moins de vingt-et-un ans ; que M. B... a suivi, à compter de septembre 2013, une formation qui lui a permis d'obtenir, en juin 2015, le titre professionnel de maçon délivré par le ministre chargé du travail ; qu'il a été admis au séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 21 octobre 2015 ; qu'il a été recruté en tant que maçon polyvalent le 8 juillet 2015 et a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée le 18 décembre 2015 ; qu'en septembre 2015, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ; qu'après avoir recueilli l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, le préfet de l'Oise a rejeté cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. B... relève appel du jugement du 23 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que M. B... reprend en appel le moyen invoqué en première instance, tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ; qu'il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Oise s'est fondé pour rejeter la demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " présentée par M. B... ; qu'au surplus, la décision de refus d'une autorisation de travail sur laquelle le refus de titre de séjour est fondé, contenue dans le même arrêté, se réfère à l'avis émis le 4 février 2016 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, joint à cet arrêté et lui-même suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'ainsi, le moyen tiré par M. B... de l'insuffisante motivation de la décision lui refusant la délivrance du titre sollicité doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 et de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur celui des dispositions de l'article L. 313-15 du même code, dans les prévisions desquelles il n'entre d'ailleurs pas puisqu'il avait atteint l'âge de vingt ans lors de sa demande ; que le préfet de l'Oise, qui n'y était pas tenu et ne s'est pas mépris sur la portée de la demande dont il était saisi, n'a pas examiné d'office sa demande sur l'un de ces fondements ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre du refus de titre de séjour contesté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ;

6. Considérant que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord ; qu'il fait ainsi obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité ; que, par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-10 du code précité ;

7. Considérant, toutefois, que les dispositions de l'article 3, citées au point 4, de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, subordonnent la délivrance aux ressortissants marocains d'un titre de séjour portant la mention " salarié " à l'accord de l'autorité compétente ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R.5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail " ;

8. Considérant que le courrier rédigé par l'employeur de M. B... le 12 avril 2016, qui se borne à évoquer en des termes très généraux les difficultés rencontrées pour trouver du personnel sérieux et motivé, la satisfaction donnée par l'intéressé dans l'accomplissement des missions qui lui sont confiées et les perspectives d'un accroissement d'activité durant les mois à venir ne suffit pas à contredire le constat par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, énoncé dans l'avis du 4 février 2016, de l'absence de recherche par l'entreprise d'un candidat déjà présent sur le marché de l'emploi au sens des dispositions du 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail ; que ce constat suffisait à justifier légalement la décision de refus de délivrance d'une autorisation de travail opposée à M. B... par le préfet de l'Oise, qui aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur d'appréciation pour contester la décision rejetant sa demande de titre de séjour ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3, citées au point 5, de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

10. Considérant, cependant, que M. B..., entré sur le territoire français à l'âge de dix-sept ans, au cours de l'année 2013, a bénéficié d'une mesure de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Oise, avec lequel il a conclu un contrat jeune majeur à compter du 9 juillet 2013, régulièrement renouvelé jusqu'au 15 janvier 2016 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait conservé à l'étranger des liens effectifs permanents avec ses parents ou les membres de sa fratrie, alors qu'il a été pris en charge en Espagne par des services analogues depuis au moins l'âge de treize ans ; que les efforts de formation accomplis en France par l'intéressé avec le soutien des services du département de l'Oise lui ont permis, comme il a été dit précédemment, d'acquérir le titre de maçon, délivré par le ministère chargé du travail, et d'obtenir un contrat à durée indéterminée en tant que maçon polyvalent ; qu'ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce et malgré l'absence d'attaches familiales sur le territoire français, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... a porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ; que M. B... est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

12. Considérant qu'en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'une obligation de quitter le territoire est annulée, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; que, par suite, les conclusions de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Oise du 29 février 2016 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 1601235 du 23 septembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Oise et à Me C...D....

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N°16DA02453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02453
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : LEBAUPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-20;16da02453 ?
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