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29/06/2017 | FRANCE | N°14DA01518

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 29 juin 2017, 14DA01518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...I..., M. H...C..., Mme E...A...et l'association pour la défense des habitants du Vexin Normand ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 janvier 2012 par lequel le préfet de l'Eure a délivré à la société Centrale éolienne de la Garenne un permis de construire cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Thil-en-Vexin, ensemble le rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1202116 du 8 juillet 2014,

le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...I..., M. H...C..., Mme E...A...et l'association pour la défense des habitants du Vexin Normand ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 janvier 2012 par lequel le préfet de l'Eure a délivré à la société Centrale éolienne de la Garenne un permis de construire cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Thil-en-Vexin, ensemble le rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1202116 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 septembre 2014 et 10 avril 2015, M. D... I..., Mme E...A..., M. H...C...et l'association pour la défense des habitants du Vexin Normand, représentés par Me B...F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté de permis de construire ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me G...J..., représentant la SAS Centrale éolienne de la garenne.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne l'intérêt pour agir de l'association " Vent contraire de la vallée de l'Epte " :

1. Considérant que l'intérêt pour agir des groupements et associations s'apprécie au regard de leur objet statutaire et de l'étendue géographique de leur action ;

2. Considérant que l'association pour la défense des habitants du Vexin Normand, appelante, initialement créée sous la dénomination " Vent contraire de la vallée de l'Epte ", avait un objet social consistant notamment à protéger l'environnement, préserver les espaces naturels et les paysages, sensibiliser l'opinion aux problèmes d'environnement, défendre l'identité culturelle de ces paysages et lutter contre les atteintes qui pourraient y être portées ; qu'elle entendait défendre ce but " sur les communes d'Hébécourt, d'Amecourt et des communes environnantes " ; que son siège social a été fixé initialement à Hébecourt ; que, créée pour s'opposer à un premier projet d'implantation de parc éolien, son action était alors tournée vers la vallée de l'Epte ainsi que son appellation d'alors en témoigne ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet, objet du présent litige, différent du précédent, est intégralement situé sur le territoire de la commune de Thil-en-Vexin qui n'appartient pas, compte tenu de la distance et des territoires, au secteur de la vallée de l'Epte ; que cette commune d'implantation et le site du projet sont également sensiblement éloignés des communes d'Hébécourt et d'Amecourt ; qu'elle n'est donc pas territorialement au nombre des " communes environnantes " de ces deux communes ; qu'il en va d'ailleurs de même des communes voisines de Thil-en-Vexin, comme celles d'Etrepagny, de Doudeauville-en-Vexin et de Bézu-Saint-Eloi, incluses dans le périmètre de l'enquête publique et dans celui de l'étude d'impact ; que si la commune d'Heudicourt, également incluse dans ces périmètres, est géographiquement la plus proche des communes d'Hébécourt et d'Amecourt, son territoire est néanmoins séparé de celui d'Hébécourt par les communes de Sancourt et de Saint-Denis-le-Ferment ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au regard de la nature, de l'importance du projet, de la commune d'implantation de ce dernier et de la configuration des lieux ainsi que du ressort géographique que l'association " Vent contraire de la vallée de l'Epte " s'est choisie pour ses actions antérieures que cette dernière aurait intérêt à agir contre l'arrêté contesté ;

En ce qui concerne l'intérêt pour agir de l'association ALIANSE :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire " ; que cette disposition est entrée en vigueur le 17 juillet 2006, soit le lendemain de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française ; que s'agissant d'une disposition nouvelle qui affecte la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative, elle est, en l'absence de dispositions expresses contraires, applicable aux recours formés contre les décisions intervenues après son entrée en vigueur, alors même que ces dernières statuent sur des demandes présentées antérieurement à cette entrée en vigueur ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une association n'est recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision individuelle relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol que si elle a déposé ses statuts en préfecture avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ; qu'il appartient au juge administratif, lorsque cette condition est remplie, d'apprécier si l'association requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision qu'elle attaque en se fondant sur les statuts tels qu'ils ont été déposés à la préfecture antérieurement à la date de l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ;

5. Considérant que, lors de son assemblée générale extraordinaire du 20 octobre 2011, l'association " Vent contraire de la vallée de l'Epte " a modifié ses statuts et a déposé ses nouveaux statuts en préfecture le 8 novembre 2011 ; que l'association a choisi de modifier sa dénomination en retenant celle d'ALIANSE, acronyme signifiant " Association pour la défense des habitants du Vexin-normand " ; que l'objet social initial figurant à l'article 2 a également été complété, par un article 2bis, qui prévoit notamment qu'elle veille en outre au respect des dispositions du code de l'urbanisme ; que cet article 2 bis a eu encore pour objet d'étendre le ressort de l'association " à l'ensemble des communes du Vexin normand ainsi que les communes incluses dans le périmètre impacté par tout projet en rapport à l'objet de l'association " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Thil-en-Vexin a certifié que l'avis de dépôt de la demande de permis de construire contesté a été affiché en mairie à compter du 17 décembre 2010 ; que les appelants n'apportent aucun élément de nature à contredire cette information ; que la circonstance que l'attestation du maire ait été établie le 20 novembre 2012 soit postérieurement à la saisine de la juridiction administrative, est par elle-même sans effet sur sa validité ou son caractère probant ;

7. Considérant qu'il en résulte que la modification des statuts mentionnée au point 5 n'a pas été déclarée en préfecture avant l'affichage en mairie de la demande de permis de construire ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-6 du même code : " Dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la demande ou de la déclaration et pendant la durée d'instruction de celle-ci, le maire procède à l'affichage en mairie d'un avis de dépôt de demande de permis (...) précisant les caractéristiques essentielles du projet, dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme " ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ne visent, pour leur application, que la date de l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ; qu'il en résulte que seule la date de l'affichage doit être prise en compte pour apprécier la recevabilité à agir d'une association au regard de ses statuts, à l'exclusion de la régularité ou de la conformité du certificat au regard des dispositions de l'article R. 423-6 du code de l'urbanisme ; que, par suite, les appelants ne peuvent utilement soutenir que le certificat du maire n'établirait pas que l'affichage en mairie aurait respecté les dispositions de l'article R. 423-6 du code de l'urbanisme ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9, que les dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme faisaient obstacle à ce qu'il soit tenu compte de la modification des statuts de l'association pour apprécier la recevabilité de son recours ;

En ce qui concerne l'intérêt à agir de particuliers :

S'agissant de M.C... :

11. Considérant que M.C..., qui réside au 2 rue des charmilles au Thil-en-Vexin se borne à soutenir qu'il réside à environ 1,5 kilomètre du projet sans faire apparaître si et dans quelles conditions, les aérogénérateurs seraient visibles de sa propriété ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la distance, de la configuration des lieux et de la hauteur des machines, la propriété peut être regardée comme située dans le voisinage des éoliennes en litige ; que, par suite, M. C...ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité à agir contre le permis de construire attaqué ;

S'agissant de MmeA... :

12. Considérant que si Mme A...est propriétaire d'un bien immobilier situé 19 rue Saint-Aubin à Doudeauville-en-Vexin, elle n'établit pas, par les documents produits, que le projet contesté serait visible depuis sa propriété ; que, si elle se prévaut d'un photomontage figurant à l'étude d'impact, il est constant que la prise de vue a été réalisée en plein champ, depuis la route reliant Doudeauville-en-Vexin à la commune du Thil-en-Vexin, à plus de 500 mètres de sa résidence ; que les autres photomontages figurant également au dossier d'étude d'impact, réalisés depuis le coeur du village, et notamment depuis la rue Saint-Aubin où se trouve la résidence de MmeA..., ne font pas apparaître de visibilité du projet depuis cette rue ; que, par suite, MmeA..., dont la propriété ne peut être regardée comme située dans le voisinage des éoliennes en litige, ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité à agir contre le permis de construire attaqué ;

S'agissant de M.I... :

13. Considérant, en premier lieu, que le domicile de M. I...se trouve au 6, place de l'Eglise à Nojeon-en-Vexin, à une distance de 2, 44 kilomètres de l'éolienne la plus proche du projet contesté ; que l'intéressé ne peut utilement se prévaloir du photomontage réalisé à partir d'un point situé au nord du village de Nojeon-en Vexin, soit à environ un kilomètre de sa résidence, ni de celui réalisé depuis le cimetière de cette commune, en dehors de sa propriété ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en cause serait visible depuis le rez-de-chaussée de son habitation, un bâtiment se trouvant en tout état de cause dans l'axe par rapport au projet éolien ; que le photomontage réalisé à partir du premier étage du domicile de l'intéressé ne présente pas un caractère de vraisemblance suffisant quant à la simulation des perceptions ; que si le terrain est plat entre la maison et le projet éolien, les éoliennes apparaissent peu perceptibles derrière la rangée de peupliers située entre cette maison et le projet en cause ; qu'ainsi, compte tenu principalement de la distance mais aussi des obstacles mentionnés ci-dessus, la propriété de M. I...ne peut être regardée comme située dans le voisinage des éoliennes en litige ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que M. I...se prévaut également de sa qualité de propriétaire des parcelles AD 32, AD 34, AD 35, AD 81, AD 82, AD 83 et AD 84 et AD 199 à AD 122 situées le territoire de la commune de Nojeon-en-Vexin ; qu'il ne produit pas de photomontages à partir de ces terrains ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les éoliennes seraient aisément visibles depuis la parcelle AD 35 en raison du bâtiment situé au sud ; qu'une rangée de peupliers est de nature à constituer un obstacle entre les aérogénérateurs et les parcelles AD 34, AD 81 à AD 84 ; que la présence de boisements est également de nature à créer un obstacle visuel entre les parcelles AD 119 à AD 122 et les éoliennes qui sont en outre plus éloignées de ces terrains ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éoliennes seraient visibles depuis la parcelle AD 32 située dans le centre du village, au nord de l'église ; que, par suite, ces terrains appartenant à M. I...ne peuvent être regardés comme situés dans le voisinage des éoliennes en litige ;

15. Considérant, en troisième lieu, que M. I...ne peut utilement faire état, pour soutenir qu'il aurait intérêt à agir, de ce que, vivant dans la commune de Nojeon-en-Vexin, il verra les éoliennes en se déplaçant sur le territoire de cette commune dès lors que la seule qualité d'habitant de cette commune ne saurait lui donner intérêt à agir pour contester l'arrêté en litige ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que M. I...ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité à agir contre le permis de construire attaqué ;

17. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. I...et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge commune de M. I...et autres une somme globale de 2 000 euros à verser à la SAS Centrale éolienne de la garenne ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. I...et autres est rejetée.

Article 2 : M.I..., MmeA..., M. C...et l'association pour la défense des habitants du Vexin Normand verseront la somme globale de 2 000 euros à la SAS Centrale éolienne de la garenne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...I..., à Mme E...A..., à M. H...C..., à l'association pour la défense des habitants du Vexin Normand, à la SAS Centrale éolienne de la garenne et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

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N°14DA01518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01518
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : DESTARAC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-29;14da01518 ?
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