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23/11/2017 | FRANCE | N°16DA01596

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 23 novembre 2017, 16DA01596


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 27 avril 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 août 2013, a autorisé son licenciement pour faute par l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence de la Somme (ADSEA 80).

Par un jugement n° 1401593 du 30 juin 2016, le tribunal administratif d'Amiens a ann

ulé cette décision du 27 avril 2014 en tant qu'elle autorise le licenciement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 27 avril 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 août 2013, a autorisé son licenciement pour faute par l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence de la Somme (ADSEA 80).

Par un jugement n° 1401593 du 30 juin 2016, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision du 27 avril 2014 en tant qu'elle autorise le licenciement de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2016, l'ADSEA 80, représentée par Me G... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me G...E..., représentant l'ADSEA 80.

1. Considérant que M.B..., moniteur éducateur, employé par l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence de la Somme (ADSEA 80), a fait l'objet d'une procédure de licenciement ; qu'il lui a été reproché des violences physiques ou verbales à l'égard de collègues féminines ; que, compte tenu de son mandat syndical, l'ADSEA 80 a sollicité de l'inspection du travail une autorisation de licenciement ; que le 14 août suivant, l'inspectrice de l'unité territoriale du travail de la Somme, après avoir mené l'enquête préalable prévue par le code du travail, a accordé cette autorisation ; que M. B...a formé, le 16 octobre 2013, un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; qu'une décision implicite de rejet est née à l'expiration d'un délai de quatre mois, conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail, soit le 16 février 2014 ; que le ministre a, par une décision expresse du 27 février 2014, retiré cette décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 14 août 2013 en raison de l'irrégularité de l'enquête préalable, mais a ensuite autorisé le licenciement de M.B... ; que la décision du ministre s'est, ainsi, substituée à celle de l'inspectrice du travail ; que M. B...a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'un recours tendant à l'annulation de cette décision, en tant qu'elle a autorisé son licenciement ; que par un jugement du 30 juin 2016, le tribunal administratif a annulé cette décision du ministre du 27 février 2014 au motif que les documents sur lesquels celui-ci s'est fondé n'avaient pas été communiqués, à tout le moins dans leur intégralité, à M.B... ; que l'association ADSEA 80 fait appel de ce jugement ;

2. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail, préalablement à une autorisation de licenciement d'un salarié protégé, impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; que le caractère contradictoire de cette enquête implique, en outre, que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations, sans que la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; que la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; qu'à ce titre, le salarié doit, à peine d'irrégularité de l'autorisation de licenciement, être informé non seulement de l'existence des pièces de la procédure, mais aussi de son droit à en demander la communication ; que, toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'autorité administrative doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ; que, par ailleurs, le caractère contradictoire impose également à l'autorité administrative de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'elle a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pièces produites par l'ADSEA 80 à l'appui de sa demande incluaient trois courriers rédigés par trois monitrices, MmeD..., Mme F...et MmeC..., s'estimant victimes de violences verbales ou physiques de la part de M.B... ; que, par un courrier du 16 juillet 2013, l'inspectrice du travail a informé ce dernier que " la demande de licenciement ainsi que l'ensemble des pièces fournies par votre employeur sont tenues à votre disposition à mon secrétariat, et ceci jusqu'à la veille de la date retenue pour l'enquête contradictoire " ; que le requérant soutient toutefois, sans être contesté, qu'il s'est rendu sur place pour consulter son dossier et que le seul document qui a été porté à sa connaissance était un document, élaboré par son employeur, intitulé " dossier de consultation " et ne citant que des extraits de ces courriers ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait, ensuite, communiqué à M. B...les courriers que celui-ci avait demandé de consulter ; que l'administration ne justifie pas, non plus, que l'accès à l'intégralité de ces attestations aurait été de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs ; qu'ainsi, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, l'enquête préalable au licenciement est entachée d'irrégularité ;

4. Considérant, en revanche, que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne ressort pas des motifs de la décision du ministre chargé du travail que celui-ci se serait fondé sur des éléments complémentaires recueillis par l'inspectrice du travail pendant l'enquête préalable, notamment sur des témoignages de personnes autres que les trois monitrices mentionnées ci-dessus, qui n'auraient pas été communiqués à M.B... ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ADSEA 80 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 27 février 2014 en tant qu'elle a autorisé le licenciement de M.B... ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ADSEA 80 le versement à M. B...de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ADSEA 80 est rejetée.

Article 2 : L'ADSEA 80 versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ADSEA 80, à M. A...B...et à la ministre du travail.

N°16DA01596 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01596
Date de la décision : 23/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BOUQUET FAYEIN-BOURGOIS WADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-23;16da01596 ?
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