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07/12/2017 | FRANCE | N°15DA01605

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 07 décembre 2017, 15DA01605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 10 juin 2013 de l'inspectrice du travail autorisant la société par actions simplifiée DIA à le licencier pour faute.

Par un jugement n° 1400388 du 7 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2015, M.D..., représenté par Me B...C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 10 juin 2013 de l'inspectrice du travail autorisant la société par actions simplifiée DIA à le licencier pour faute.

Par un jugement n° 1400388 du 7 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2015, M.D..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 août 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 5 décembre 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS DIA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

1. Considérant que M. D...a été recruté en avril 2008 par la société par actions simplifiée DIA France afin d'occuper un emploi de préparateur de commandes au sein de l'entrepôt dont dispose cette société à Louviers (Eure) et qui a pour fonction d'approvisionner les commerces à prédominance alimentaire exploités par la SAS DIA et implantés dans le quart Nord-Ouest de la France ; que M. D...détenait, depuis le 23 juin 2011, un mandat de représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement ; que l'attention de la direction de la société ayant été appelée sur l'insuffisante productivité récurrente de M. D...par rapport à la productivité moyenne des salariés affectés dans son secteur, malgré la mesure d'accompagnement dont il avait bénéficié et ce comportement ayant été regardé comme intentionnel, la SAS DIA a, en invoquant ce motif, sollicité de l'inspecteur du travail territorialement compétent l'autorisation de licencier l'intéressé pour faute ; que, par une décision du 10 juin 2013, l'inspecteur du travail a délivré l'autorisation sollicitée ; que, M. D... ayant formé, contre cette décision, un recours hiérarchique, dont il a été accusé réception le 6 août 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision expresse du 5 décembre 2013, confirmé la décision de l'inspecteur du travail et rejeté ce recours ; que M. D...relève appel du jugement du 7 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette dernière décision ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a, durant l'année 2013, confectionné, au cours de la période couvrant les semaines 4 à 11, une moyenne de 95,38 colis à l'heure, tandis que la production moyenne réalisée par les préparateurs de son service a constamment atteint, durant la même période, la moyenne de 165 colis par heure ; que l'intéressé, qui ne conteste pas avoir atteint un niveau de performance notablement insuffisant durant la période considérée, critique seulement la pertinence de la méthode utilisée par son employeur pour mesurer la productivité réalisée par les salariés travaillant au sein de l'entrepôt, en faisant observer que certains salariés, tels les étudiants, qui effectuent sept heures de travail hebdomadaire le samedi ou ceux qui remplacent, durant une partie de leurs journées, des caristes ou agents de quai, sont plus productifs que les autres préparateurs, de même que les salariés qui travaillent en doublon, tandis que ceux qui se voient confier certaines tâches annexes en sus de leur travail de production peuvent voir leur productivité diminuer ; qu'il ajoute que certains secteurs favorisent la productivité des salariés qui y sont affectés, tels celui des commandes priorisées, tandis que d'autres sont plus pénalisants, notamment parce qu'ils impliquent la manutention de colis lourds ou le travail en chambre froide, et que le départ progressif des salariés les moins productifs induit une tendance générale à la hausse de la productivité moyenne au sein de l'établissement ; que, toutefois, dès lors qu'il est constant que la SAS DIA a, en tenant compte des activités annexes exercées par certains salariés, comparé la productivité moyenne de M. D...non avec celle de l'ensemble des salariés de l'entrepôt, mais avec celle des préparateurs du secteur dans lequel il est affecté, qui sont réputés confectionner des colis comparables et, en l'absence d'indice contraire sur ce point, qui doivent être regardés comme travaillant dans des conditions similaires aux siennes, ces objections ne sont pas, à elles seules, de nature à remettre en cause la fiabilité de la méthode utilisée par la SAS DIA pour évaluer le niveau de performance de M.D..., qui ne peut davantage invoquer le temps consacré à ses fonctions représentatives, pour l'exercice desquelles il bénéficie d'heures de délégation neutralisées dans les statistiques de productivité ; qu'ainsi, la réalité de l'insuffisante productivité reprochée à ce dernier doit être regardée comme établie ;

4. Considérant que, si M.D... explique cet écart de productivité par des difficultés de santé et s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a souffert de crises récurrentes de lombalgie, qu'il a présenté, en outre, un syndrome anxio-dépressif et que ces pathologies ont justifié qu'il soit placé à plusieurs reprises en arrêt de maladie, il n'est pas établi par les seules pièces médicales versées au dossier que ces difficultés aient été de nature à induire de façon durable une restriction de l'aptitude de l'intéressé au travail, le médecin du travail l'ayant, en dernier lieu, déclaré apte à occuper son poste le 27 mars 2013 et n'ayant pas préconisé un quelconque aménagement de ce poste ;

5. Considérant qu'en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à une situation de harcèlement moral dont un salarié se dit victime, il incombe à ce salarié d'invoquer l'existence de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que cet article ajoute qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'enfin, en vertu de la même disposition, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

6. Considérant que le seul fait que onze salariés affectés à l'entrepôt de Louviers ont fait l'objet, durant la période couvrant les années 2010 à 2013, d'une procédure de licenciement, au demeurant à raison de motifs différents, ne suffit pas à révéler l'existence d'une situation de harcèlement de la part de la direction de l'établissement et qui aurait pour but de se séparer de salariés dans des conditions avantageuses, alors même que la SAS DIA a été confrontée à un contexte économique difficile l'amenant à devoir envisager une réduction de sa masse salariale et, en l'absence d'élément permettant d'établir un quelconque lien entre sa situation et celle de ces salariés, en dépit du fait que quatre de ces licenciements ont été regardés comme dépourvus de cause réelle et sérieuse par le conseil de prud'hommes ; qu'en outre, la circonstance que la cour d'appel de Rouen a, par un arrêt du 18 octobre 2011, retenu, au sujet de faits anciens, l'existence d'une situation de discrimination syndicale et de harcèlement moral subie par un salarié protégé de l'entreprise et que l'inspecteur du travail a, par deux décisions prises au cours de l'année 2012 concernant deux autres salariés protégés, constaté qu'un syndicat distinct de celui auquel appartient M. D...avait subi des pressions de la part de la direction de l'entrepôt ne constituent pas davantage, en l'absence d'éléments précis permettant de rapprocher ces situations de celle du requérant, un indice suffisant de l'existence, en avril 2013, date à laquelle la demande d'autorisation de licenciement concernant l'intéressé a été engagée, d'une telle situation ; qu'il en va de même de la circonstance que la SAS DIA avait, peu de temps auparavant, présenté plusieurs demandes d'autorisation de licencier des salaires protégés employés au sein de l'entrepôt et que, par une décision du 25 octobre 2013, postérieure à celle concernant M. D..., l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à l'une de ces demandes, au motif que les faits fautifs invoqués par l'employeur n'étaient pas suffisamment établis ; que, si le requérant fait état de ce qu'un syndicat se serait plaint, en janvier 2013, de pratiques répétées de la part de la direction régionale de la société DIA à l'encontre de ses représentants et élus, il n'apporte aucune précision au soutien de cette assertion, qui n'est corroborée par aucune des pièces du dossier ; qu'ainsi, les seuls éléments avancés par M. D... ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral dont il aurait pu être la victime directe et qui aurait pu expliquer sa moindre productivité ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant de sanctionner le manque d'engagement de M. D..., la SAS DIA a mis en place une mesure d'accompagnement par un salarié confirmé, dont le but était de communiquer à l'intéressé un certain nombre de techniques de travail lui permettant d'être plus efficace dans l'exécution des tâches qui lui incombent ; que toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que la productivité de M. D... a sensiblement augmenté durant la période au cours de laquelle il a bénéficié de cette mesure, l'intéressé, qui s'était précédemment fait remarquer pour son manque de productivité et qui avait d'ailleurs déjà fait l'objet d'une telle mesure d'accompagnement, n'a pas tiré profit des conseils prodigués, la formatrice relevant qu'il effectuait un travail de qualité mais se désintéressait de la productivité ; que son rendement a, de fait, diminué de nouveau depuis lors, pour atteindre les 95,38 colis par heure en moyenne retenus par son employeur et n'a progressé jusqu'à un niveau de 119,50 colis par heure qu'après que l'intéressé a reçu sa convocation à l'entretien préalable à son licenciement ; que, dans ces conditions et eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 4 et 6, pour estimer que les faits d'insuffisance délibérée de productivité invoqués par l'employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement étaient établis, le ministre chargé du travail n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ;

8. Considérant que la faute reprochée à M. D..., qui constitue un refus délibéré de se conformer aux obligations découlant de son contrat de travail et un manquement à son devoir de loyauté envers son employeur, était de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'eu égard au caractère récurrent du manque d'implication de M.D..., malgré les nombreux avertissements qui lui ont été donnés et les mesures d'accompagnement dont il a bénéficié et compte tenu des conséquences qu'est susceptible d'impliquer un tel comportement sur l'entreprise, le ministre charge du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que ce comportement avait le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

9. Considérant enfin que, s'il ressort des pièces du dossier que les relations entretenues par les représentants des salariés avec la direction de l'établissement étaient tendues, et que M. D... a fait montre d'un engagement particulier dans l'exercice de ses fonctions représentatives, en s'affranchissant souvent du sens de la mesure, il n'est pas établi que le licenciement du requérant aurait eu pour seul motif de l'évincer, en tant que délégué du personnel, de l'entreprise ; qu'il ressort, au demeurant, des pièces du dossier que l'organisation syndicale à laquelle l'intéressé appartient s'est désolidarisée de son attitude et que ses représentants n'ont pas siégé au comité d'entreprise lors de la séance à l'ordre du jour de laquelle la perspective de son licenciement a été examinée ; qu'il suit de là et de ce qui a été dit au point 6 que, pour estimer, au vu notamment des éléments recueillis au cours de l'enquête administrative, que l'existence d'un quelconque lien entre le licenciement de M. D...et le mandat représentatif détenu par lui n'était pas établie, le ministre chargé du travail ne s'est pas mépris dans son appréciation des faits de l'espèce et n'a pas donné à ces faits une qualification juridique inexacte ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie.

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N°15DA01605

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01605
Date de la décision : 07/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP VERDIER-MOUCHABAC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-12-07;15da01605 ?
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