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08/02/2018 | FRANCE | N°17DA01711

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17DA01711


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 février 2017 du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n°1702583 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête, enregistrée le 24 août 2017, M.B..., représenté par Me A...D..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 février 2017 du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n°1702583 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2017, M.B..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 4 juillet 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 16 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard, ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n°2015-1166 du 21 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant turc, né le 15 février 1965, est entré en France, selon ses déclarations, en dernier lieu le 27 juin 2015 ; qu'il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour ; qu'il relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2017 du préfet du Pas-de-Calais rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté ;

2. Considérant que le requérant se borne à reprendre en cause d'appel, sans les assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit, les moyens tirés de ce que l'arrêté aurait été pris par une autorité incompétente, serait insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant que si le requérant conteste l'appréciation portée par le préfet sur le détournement de l'objet du visa Schengen de nature touristique obtenu par M. B...auprès des autorités italiennes, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait, en tout état de cause, pris la même décision en se fondant sur les autres motifs énoncés dans son arrêté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet aurait opposé à M. B...le défaut de présentation d'un visa de long séjour pour lui refuser le titre de séjour présenté sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce motif a seulement été opposé au requérant dans le cadre de l'examen de sa situation au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, examen auquel le préfet a procédé d'office comme il lui est toujours loisible de faire à titre gracieux ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée, pour ce motif, d'une erreur de droit doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a vécu en France de 1976 à 2005 avant de repartir en Turquie avec sa femme et ses cinq enfants ; qu'il est revenu seul une première fois en France moins d'un an après son installation dans son pays d'origine ; qu'après avoir connu une période d'incarcération en France de 2007 à 2012, à la suite de diverses condamnations, M. B...a été extradé en septembre 2013 vers la Turquie, par décret du 12 avril 2012, pour y purger une peine d'emprisonnement d'un an et six mois, à raison d'une condamnation prononcée à son encontre en 2007 par un tribunal de ce pays pour des délits de droit commun commis en 2005 sur le territoire turc ; que M.B..., qui déclare être revenu en France le 27 juin 2015, résidait de nouveau en France depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée ; que si M. B...fait valoir que sa fille cadette, de nationalité française, vit en France, où résident également ses frères, avec qui il entretient des liens forts, il est constant que son épouse, dont il n'a divorcé que postérieurement à la décision en litige, ainsi que ses quatre autres enfants, avec lesquels il n'établit avoir rompu tous liens, demeurent en Turquiedepuis leur installation commune en 2005 ; qu'il ne justifie donc pas être dépourvu d'attaches familiales en Turquie, alors même qu'il a séjourné pendant de nombreuses années en France ; que le concubinage dont il se prévaut avec une ressortissante française demeure, en tout état de cause, récent à la date de l'arrêté en litige ;

7. Considérant, d'autre part, que M. B...se prévaut de sa situation professionnelle, notamment d'un contrat de travail à durée indéterminée le liant à la société SARL MBCI, société dont il est salarié responsable et dont il assure la gérance avec un associé ; que, toutefois, s'il fait valoir que cette activité participe à l'activité économique de la région et à la création de nombreux emplois dans la région Hauts-de-France, caractérisée par un taux de chômage en forte augmentation, la circonstance que cette société, au demeurant placée en redressement judiciaire depuis juillet 2016, emploie 70 salariés dans le secteur d'activité du BTP, ne suffit pas à constituer, par elle-même un motif exceptionnel d'admission au séjour, alors que le préfet du Pas-de-Calais a relevé les neuf condamnations pénales dont M. B...a fait l'objet entre 1989 et 2008 pour des faits de violences volontaires avec arme ou sous la menace d'une arme, entrave à l'exercice des fonctions d'inspecteur ou de contrôleur du travail, achat ou vente sans facture de produits ou prestations de services, banqueroute, exécution d'un travail dissimulé, escroquerie en bande organisée, usage de faux, aide à l'entrée, la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail, recel de bien provenant d'un vol et contrefaçon ou falsification de chèque ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 ci-dessus qu'estimant que M. B...ne pouvait, au titre de sa vie privée et familiale ou au titre d'une activité salariée, se prévaloir d'aucune considération humanitaire, ni d'aucun motif exceptionnel permettant son admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle de l'intéressé au regard de ces dispositions ;

9. Considérant que compte tenu de la situation familiale de M. B...décrite au point 7 ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de l'intéressé et des liens qu'il a conservés dans son pays d'origine, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la loi n°2015-925 du 29 juillet 2015 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. " ; qu'en application de l'article 30 du décret n°2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'applique aux demandes d'asile présentées à compter du 1er novembre 2015 ;

12. Considérant qu'eu égard à la date de sa demande d'asile, présentée en 2012, le requérant n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne lui sont pas applicables ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais produit non seulement, le relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, selon lequel la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée à l'intéressée le 17 mai 2014, mais aussi, l'accusé de réception postal établissant la remise à cette date d'un courrier recommandé adressé par la Cour nationale du droit d'asile à l'adresse indiquée par M. B...; que le moyen tiré de ce que le requérant bénéficierait du droit de se maintenir sur le territoire français faute de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne peut ainsi qu'être écarté ;

13. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions de refus de séjour et faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

15. Considérant que par une décision du 2 mai 2014, notifiée à l'intéressé ainsi qu'il a été dit au point 12, la Cour nationale du droit d'asile, qui n'était pas dessaisie du recours de M. B... à la suite de son extradition, a rejeté sa demande d'asile ; qu'ainsi, en se fondant, notamment, sur la circonstance que le juge d'asile avait rejeté sa demande de protection, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché d'erreur de fait sa décision fixant le pays de destination ;

16. Considérant que M. B...soutient qu'il serait menacé en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son appartenance à la minorité kurde et à la circonstance qu'il est considéré comme déserteur par les autorités turques ; que toutefois, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, laquelle a jugé ses allégations peu crédibles ; qu'il s'est en outre vu délivrer un nouveau passeport par les autorités de son pays ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°17DA01711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01711
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-08;17da01711 ?
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