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20/02/2018 | FRANCE | N°16DA00637

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 février 2018, 16DA00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Fes a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré y afférents et des majorations prévues à l'article 1759 au titr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Fes a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré y afférents et des majorations prévues à l'article 1759 au titre des exercices clos de 2007 à 2009, à hauteur d'un montant global de 391 545 euros, mis en recouvrement le 15 mai 2012 et d'autre part, d'annuler la mise en demeure de payer la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011 à laquelle elle a été assujettie, à concurrence de la somme de 97 018 euros.

Par un jugement n° 1306481 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2016 et le 22 décembre 2017, la SARL Fes, représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306481 du 21 janvier 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré y afférents et des majorations prévues à l'article 1759 au titre des exercices clos de 2007 à 2009, à hauteur d'un montant global de 391 545 euros, mis en recouvrement le 15 mai 2012 ;

3°) d'annuler la mise en demeure de payer la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011 à laquelle elle a été assujettie, à concurrence de la somme de 97 018 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme à parfaire au cours de l'instruction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Par une lettre du 19 décembre 2017, la cour a informé les parties qu'elle est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Fes tendant à la décharge de l'obligation de payer la créance fiscale de 97 018 euros, lesquelles ne sont assorties d'aucun moyen de droit ou de fait.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Fes, qui s'est déroulée du 1er décembre 2009 au 26 mai 2010 et portait sur la période du ler mai 2006 au 30 avril 2009, l'administration, après avoir constaté que la comptabilité présentée par cette société, qui exploite une boucherie-épicerie à Dunkerque, était dépourvue de toute valeur probante, a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices réalisés par la société et de la taxe sur la valeur ajoutée effectivement due et a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré y afférents et des majorations prévues à l'article 1759 au titre des exercices clos de 2007 à 2009 ; que la SARL Fes relève appel du jugement du 21 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 ainsi que des intérêts de retard, des pénalités et des majorations prévues à l'article 1759 du code général des impôts :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; qu'il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle se sont déroulées, à la suite de la demande expresse de M.C..., gérant de la SARL Fes faite par un écrit du 1er décembre 2009, dans les locaux de l'expert comptable de la société, le cabinet Leulliette et ont donné lieu à plusieurs entretiens auxquels le gérant de la société a été convié ; que, pour déterminer les conditions d'exploitation de la société, le service a procédé, le 21 janvier 2010, à un relevé de prix à la boucherie située 26 rue Royer à Dunkerque en présence de M. C... ; que, le 10 mars 2010, au cours des interventions, M. C...s'est vu remettre un procès-verbal de défaut de production de comptabilité probante qu'il a signé ; qu'en outre, une réunion de synthèse du 15 juin 2010 à laquelle assistaient M. C...et son expert-comptable a été organisée dans les locaux de l'administration au cours de laquelle le service a expliqué les rehaussements identifiés au cours des interventions sur place ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de tout débat oral et contradictoire ;

3. Considérant que, pour le même motif que celui retenu à bon droit par les premiers juges et qu'il convient d'adopter, le moyen de la société requérante tiré de ce qu'elle s'est vue convoquée pour la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est tenue le 15 mars 2012 sans qu'ait été respecté le délai minimum de trente jours prévu par l'article R. 60-l du livre des procédures fiscales, doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois (...) " ;

5. Considérant que la SARL Fes n'a fourni au vérificateur, pour les différents exercices en litige, que des tickets de caisse " Z 1 " sur lesquels apparaissent les recettes journalières par carte bancaire ainsi qu'un agenda sur lequel sont notées manuellement les autres recettes, qu'elles soient perçues par chèques, en espèces ou par tickets restaurants, sans qu'un détail de celles-ci permettant de vérifier les types de produits vendus ne soit présenté ; qu'aucun inventaire physique des stocks n'a pu être fourni que ce soit pour la boucherie ou la petite épicerie ; que l'administration a relevé une différence de marge de plus de 30 % par rapport à la marge moyenne habituellement pratiquée dans la profession alors que la boucherie, certes spécialisée dans le " Halal " meilleur marché, est située en plein centre ville de Dunkerque dans un quartier non défavorisé ; que la comptabilité de la société Fes doit ainsi être regardée comme présentant de graves irrégularités ayant permis à bon droit à l'administration d'effectuer les opérations de vérification durant une période de six mois sans que la circonstance qu'elle n'ait pas joint à la proposition de rectification du 25 août 2010 le courrier de prolongation de la vérification de comptabilité du 25 février 2010, ait une quelconque incidence sur la régularité de la procédure ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la comptabilité de la société requérante comportait de graves irrégularités qui la privaient de valeur probante ; qu'en outre, les impositions supplémentaires ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires émis le 15 mars 2012 ; que, par suite, il incombe à la société requérante de démontrer, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, l'exagération de ses bases d'imposition ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Fes au titre de la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009, le vérificateur s'est fondé sur des données propres à l'exploitation de l'établissement ; que l'intégralité des achats de viande et de produits surgelés ont été relevés, sans qu'il ait été tenu compte des stocks pour aboutir aux achats revendus de chaque exercice dans la mesure où aucun inventaire n'a été fourni, comme cela a été constaté par procès-verbal du 25 mars 2010 ; que le détail des morceaux obtenus après découpe a été indiqué par l'entreprise elle-même ; qu'un relevé de prix a été effectué le 21 janvier 2010, et que s'agissant des prix qui n'ont pu être relevés sur place, et malgré le faible taux de marge, le prix de vente donné par M. C...a été retenu s'agissant des chapons, pintades, dindes ; que s'agissant de la fabrication des merguez, ce produit a été valorisé soit à partir du nombre de pots de masse de mouton, soit à partir des épices à merguez tandis que les plats préparés " maison ", tels que les poulets rôtis, la kefta et les brochettes, n'ont pas été valorisés ; qu'enfin, les achats de petite épicerie tels que semoule, légumes secs, sauces, et boissons n'ont pas été saisis et les produits n'ont pas été valorisés ; que, si la société Fes relève que l'administration a appliqué les prix pratiqués en 2010 pour reconstituer le chiffre d'affaires des exercices antérieurs à cette date, elle n'a toutefois communiqué, lors des opérations de vérification ou dans ses écritures, aucune grille tarifaire pour les périodes en litige, et elle n'établit pas que les conditions d'exercice de son activité auraient changé entre les exercices susvisés et l'année 2010 ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SARL Fes, sans apporter au soutien de ses allégations le moindre élément probant, une telle méthode de reconstitution des recettes n'est ni sommaire, ni arbitraire ; que la société requérante n'apporte aucun élément propre à permettre d'établir que cette méthode serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire, ne serait-ce que sur certains points ou pour certains montants ; qu'elle ne se prévaut d'aucune méthode alternative propre à conduire à une évaluation de ses recettes plus précise que celle résultant de la méthode utilisée par le vérificateur ; qu'eu égard à ces éléments, l'administration doit être regardée comme justifiant du rehaussement des bénéfices de cette entreprise ; que les conclusions visées ci-dessus doivent en conséquence être rejetées, aucun moyen n'étant invoqué quant aux intérêts de retard, pénalités et amendes fiscales ;

Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer la créance fiscale de 97 018 euros :

9. Considérant que la société Fes n'a développé devant le tribunal aucun moyen de droit ou de fait de nature à remettre en cause l'obligation de payer la créance de 97 018 euros portant sur la cotisation à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice 2011 et qui constitue l'objet d'une mise en demeure de payer du 16 mai 2012 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré ces conclusions irrecevables ; que la société Fes n'invoque pas davantage de moyen en appel ; que, par suite, les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer cette créance fiscale doivent être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la SARL Fes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre, au demeurant non chiffrées, par la SARL Fes doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Fes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Fes et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°16DA00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00637
Date de la décision : 20/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP DUFOUR - CARLIER - COURTOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-20;16da00637 ?
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