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15/03/2018 | FRANCE | N°16DA00189

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 15 mars 2018, 16DA00189


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le préfet de la Somme a refusé de l'autoriser à exploiter, dans le cadre de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Vallon, dont elle est l'associée, un ensemble de terres agricoles couvrant une superficie totale de 12 hectares et 18 ares, qui étaient données à bail rural à M. et Mme G...C...-H... et qui sont situées sur le territoire des communes de Béhen et

de Toeufles (Somme).

Par un jugement n° 1401360 du 15 décembre 2015, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le préfet de la Somme a refusé de l'autoriser à exploiter, dans le cadre de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Vallon, dont elle est l'associée, un ensemble de terres agricoles couvrant une superficie totale de 12 hectares et 18 ares, qui étaient données à bail rural à M. et Mme G...C...-H... et qui sont situées sur le territoire des communes de Béhen et de Toeufles (Somme).

Par un jugement n° 1401360 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2016, MmeF..., représentée par Me A... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 décembre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Somme du 14 février 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la Somme du 22 février 2011 approuvant le schéma directeur départemental des structures agricoles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

1. Considérant que Mme F...a fait connaître au préfet de la Somme son intention de reprendre, dans le cadre de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Vallon, dont elle est l'associée, la mise en valeur d'un ensemble de terres agricoles couvrant une superficie totale de 12 hectares et 18 ares, situées sur le territoire des communes de Béhen et de Toeufles (Somme) ; qu'estimant que ce projet nécessitait une autorisation préalable, le préfet de la Somme a, par un arrêté du 14 février 2014, refusé d'accorder cette autorisation, au motif que la mise en oeuvre de ce projet de reprise risquait de mettre en péril l'exploitation des preneurs en place, M. et Mme C...-H..., et de remettre en cause l'installation des deux enfants de ces derniers ; que Mme F...relève appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté du préfet de la Somme du 14 février 2014 ;

Sur l'exigence d'une autorisation préalable :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris : " I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / (...) / 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence : / a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, ou de ramener la superficie d'une exploitation en-deçà de ce seuil ; / (...) / II. - Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins. / Pour l'application des présentes dispositions, sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille. / (...) " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus est soumise à simple déclaration préalable au titre de la réglementation relative au contrôle des structures agricoles lorsque trois conditions sont cumulativement remplies, au nombre desquelles figure celle tenant à ce que les terres en cause soient libres de location au jour de la déclaration ; que cette condition doit être regardée comme remplie à la date d'effet du congé délivré par le propriétaire, alors même que ce congé serait contesté par le preneur en place ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., grand-père de Mme F... et qui détenait l'usufruit des terres en cause depuis le décès de son épouse, le 8 décembre 2011, a délivré, le 22 mars 2013 à M. et Mme C...-H..., preneurs en place, un congé prenant effet le 30 septembre 2014 ; qu'à la date à laquelle le préfet de la Somme s'est prononcé, par l'arrêté contesté du 14 février 2014, sur le projet que lui avait soumis Mme F...en vue de reprendre l'exploitation de ces terres dans le cadre de la SCEA du Vallon, les biens en cause n'étaient ainsi pas libres de location, faute pour le congé d'avoir pris effet ; que, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner si le candidat à la reprise satisfaisait aux deux autres conditions requises par les dispositions précitées du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, le préfet de la Somme n'a pas méconnu ces dispositions pour estimer que ce projet ne relevait pas du régime déclaratif dérogatoire applicable aux biens de famille, mais qu'il était subordonné à l'obtention d'une autorisation préalable ;

Sur la légalité du refus d'autorisation en litige :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " (...) / L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / En outre, il vise : / - soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; / - soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ; / - soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient " ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / (...) / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / (...) / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées (...) " ; que, s'il résulte de ces dispositions que le préfet, pour justifier sa décision, doit se conformer aux orientations du schéma directeur des structures agricoles du département dans lequel est situé le fonds, la seule circonstance qu'une décision refusant ou accordant une autorisation d'exploiter méconnaîtrait l'une des orientations du schéma directeur ne suffit pas à la rendre illégale lorsque cette décision répond par ailleurs à une autre orientation du même schéma ;

6. Considérant qu'au nombre des orientations énoncées à l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles arrêté par le préfet de la Somme le 22 février 2011 figure celle selon laquelle la politique d'aménagement des structures d'exploitation vise notamment à maintenir le plus grand nombre d'entreprises agricoles économiquement viables en évitant le démantèlement de ces exploitations ou la baisse de leurs potentialités en matière de droits à produire, ce qui implique que la superficie qu'elles mettent en valeur ne soit pas ramenée en-deçà de 0,75 unité de référence ou que ces exploitations ne soient pas privées d'une surface de plus de 20 % de l'unité de référence ou représentant plus de 15 % de leur surface agricole utile ;

7. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 14 février 2014 en litige que, pour refuser de délivrer à Mme F...l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait, le préfet de la Somme a décrit les situations en présence, en relevant que M.C..., preneur en place âgé de cinquante ans, exploitait une surface totale de terres agricoles de 69 hectares et 30 ares, tandis que MmeF..., âgée quant à elle de vingt-cinq ans, mettait en valeur une superficie totale de 4 hectares dans le cadre de la SCEA du Vallon ; qu'ainsi, si les autres motifs de cet arrêté se limitent à apprécier, au regard des orientations du schéma départemental des structures agricoles, l'incidence du projet de reprise sur l'exploitation de M.C..., il n'est pas établi que le préfet de la Somme se serait exclusivement livré à cette appréciation sans prendre en considération avec suffisamment d'attention la situation de MmeF..., ni qu'il aurait, par une telle omission, entaché son arrêté d'une erreur de droit ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que, comme l'a relevé le préfet de la Somme dans les motifs de l'arrêté du 14 février 2014 en litige, la reprise des 12 hectares et 18 ares de terres agricoles qui constituent l'objet du projet de Mme F... aurait pour conséquence de priver l'exploitation de M.C..., preneur en place, qui met en valeur un ensemble de terres couvrant 69 hectares et 30 ares, d'une surface correspondant à 15,22% de l'unité de référence, fixée à 80 hectares sur l'ensemble du département de la Somme, et à 17,65% de la surface agricole utile dont elle dispose ; qu'une telle amputation de cette part significative de la surface cultivée par l'exploitation des preneurs en place, qui, par elle-même, compromettrait la viabilité de celle-ci, en ramenant la surface totale mise en valeur par l'exploitation en-deçà du seuil de 0,75 unité de référence, ne pouvait être autorisée sans méconnaissance de l'orientation du schéma directeur départemental des structures agricoles énoncée au point 6 ; que ce motif suffisait à justifier que l'autorisation d'exploiter sollicitée par Mme F... lui soit refusée, alors même que son projet répondait à d'autres orientations du schéma directeur ; qu'en outre, à supposer même que le préfet de la Somme, à qui il revenait d'apprécier les conséquences économiques de la reprise envisagée, lui aurait opposé à tort les motifs tirés de ce que son projet entrainerait une perte de droits à produire et de surfaces d'épandage et d'assolement pour l'exploitation de M. C...et compromettrait l'installation des deux enfants de ce dernier, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme aurait, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, pris une autre décision en ne retenant pas ces motifs surabondants, ni que ceux-ci auraient été déterminants dans l'appréciation à laquelle cette autorité s'est livrée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus d'autorisation opposé par l'arrêté en litige procéderait, pour l'application des dispositions rappelées aux points 5 et 6, d'une erreur dans l'appréciation des situations en présence doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C...-H..., ensemble, et non-compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Mme F...versera à M. et Mme C...-H..., ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...F..., à M et Mme G...C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Somme.

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N°16DA00189

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00189
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BOUQUET FAYEIN-BOURGOIS WADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-03-15;16da00189 ?
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