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04/06/2018 | FRANCE | N°17DA00036

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 juin 2018, 17DA00036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 juin 2014 par lequel le maire de Lille a prononcé à son encontre la sanction de révocation.

Par un jugement n°1404697 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 janvier et 15 décembre 2017, M. B..., représenté par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le

jugement du tribunal administratif de Lille du 3 novembre 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 juin 2014 par lequel le maire de Lille a prononcé à son encontre la sanction de révocation.

Par un jugement n°1404697 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 janvier et 15 décembre 2017, M. B..., représenté par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 novembre 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de Lille du 2 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au maire de Lille de procéder à sa réintégration et la reconstitution de sa carrière, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la commune de Lille à lui verser la somme de 24 117 euros en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de M. D...B...et de Me G...A..., représentant la commune de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., adjoint technique territorial titulaire de 2ème classe, exerçant les fonctions d'agent de surveillance de la voie publique (ASVP) au sein de la police municipale de Lille, s'est vu infliger par un arrêté du 2 juin 2014 du maire de Lille la sanction de révocation. Il relève appel du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lille :

2. La requête de M. B...ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance, mais énonce à nouveau de manière précise, les moyens dirigés contre l'arrêté contesté tout en développant un nouveau moyen. Une telle motivation, alors même qu'elle ne critiquerait pas expressément les motifs du jugement, répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Lille ne peut dès lors être accueillie.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...). Aux termes de l'article 3 du décret n°89-677 du 18 septembre 1989 : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut siéger ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de délégation du pouvoir disciplinaire, l'autorité délégataire ne peut siéger au conseil de discipline alors même qu'elle s'abstiendrait, ensuite, de prononcer la sanction. Cette règle constitue une garantie pour l'agent poursuivi dès lors que la présence de l'autorité disciplinaire à la réunion du conseil de discipline est susceptible d'avoir exercer une influence sur le sens de l'avis émis par cet organisme consultatif.

5. Il ressort des pièces du dossier que M.F..., adjoint délégué aux ressources humaines, est le signataire de la lettre informant M. B...de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire ainsi que du rapport prévu à l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 en vue de la saisine du conseil de discipline. Il doit dès lors être regardé, en l'absence de tout élément contraire, comme l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance supposée qu'il n'aurait été titulaire que d'une délégation de signature. A ce titre, il ne pouvait siéger lors du conseil de discipline du 6 février 2014, quand bien même que la sanction de révocation a été prise ensuite par le maire de Lille. Dans ces conditions, l'arrêté du 2 juin 2014 a été pris selon une procédure irrégulière et doit, par suite, être annulé.

6. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. En cas d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir d'une mesure d'éviction, l'agent doit être regardé comme n'ayant jamais été évincé de son emploi. Cette annulation a pour effet de replacer l'agent dans la situation administrative où il se trouvait avant l'intervention de la mesure contestée. Si l'administration, si elle s'y croit fondée, a la possibilité en cas d'annulation pour vice de procédure ou vice de forme de prendre une nouvelle mesure d'éviction, en tenant compte des irrégularités relevées par le juge, l'annulation pour excès de pouvoir, quel qu'en soit le motif, d'une décision d'éviction illégale oblige l'autorité compétente à réintégrer juridiquement l'agent à la date de son éviction, à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière si besoin est et le placer dans une position régulière. L'administration doit également de sa propre initiative procéder au rétablissement de l'agent dans ses droits sociaux, s'agissant notamment du paiement de la part patronale des cotisations de sécurité sociale, ainsi que dans ses droits à pension en procédant à la régularisation des cotisations afférentes à la période d'éviction, laquelle est, en vertu de la reconstitution, assimilée à des services effectifs au sens de la législation sur les pensions pour l'ouverture du droit à pension et la liquidation de la pension.

8. L'annulation de la révocation de M. B...implique la réintégration juridique de l'intéressé à compter de la date de son éviction, l'adoption rétroactive des mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière, ainsi que la reconstitution de ses droits sociaux et à pension de retraite, comme précisé ci-dessus, et ce jusqu'à la date du présent arrêt. Il y a lieu d'enjoindre à la commune de Lille de procéder aux mesures qui précèdent dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de la commune de Lille à lui verser la somme de 34 117 euros en réparation du préjudice moral et financier qu'il prétend avoir subi sont irrecevables comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lille le versement à M. B...de la somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Lille au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 novembre 2016 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 2 juin 2014 du maire de Lille sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Lille de procéder, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. B...à compter de la date de son éviction.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et à la commune de Lille.

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N°17DA00036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00036
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DANDOY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-04;17da00036 ?
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