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21/06/2018 | FRANCE | N°17DA01951

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 juin 2018, 17DA01951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1701230 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 octobre 2017 et le 5 décembre 2017, M. A... B..., représenté par Me D...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 6 juillet 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Somme du 1er mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale ", à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention conclue le 26 septembre 1994 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., ressortissant centrafricain né le 27 octobre 1992 et entré sur le territoire français le 5 septembre 2015, muni d'un visa de long séjour, dans le but de poursuivre des études en licence de biologie au sein de l'université de Picardie Jules Verne, a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", qui lui a été renouvelée. Toutefois, par un arrêté du 1er mars 2017, le préfet de la Somme a refusé de faire droit à la dernière demande que M. A...B...avait formée dans le but d'obtenir un renouvellement de ce titre, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office. M. A...B...relève appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions prononcées par cet arrêté, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction, sous astreinte, au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Pour refuser d'accorder à M. A...B...le renouvellement qu'il sollicitait, le préfet de la Somme a, sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour portant la mention " étudiant " et du 1° de l'article R. 313-7 de ce code, pris pour son application, estimé que l'intéressé ne justifiait pas disposer de moyens d'existence suffisants. Avant d'écarter les moyens que M. A...B...invoquait pour contester cette décision, les premiers juges ont, par un motif non contesté de leur jugement, substitué d'office au fondement de l'article L. 313-7 celui de l'article 9 de la convention conclue le 26 septembre 1994 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes.

3. Aux termes de l'article 9 de cette convention : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention "étudiant". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou de stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. / (...) ". En outre, en vertu de l'article 13 de la même convention, les questions qui ne sont pas traitées par celle-ci sont régies par la législation interne à chaque Etat.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que, dans le silence de la convention quant aux modalités d'application des stipulations énoncées à son article 9 en ce qui concerne les conditions dans lesquelles il peut être procédé au renouvellement des cartes de séjour temporaire portant la mention " étudiant " en possession de ressortissants centrafricains poursuivant des études supérieures en France, il y a lieu de se référer aux dispositions réglementaires codifiées à l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles : " (...) l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " doit présenter (...) les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ; (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du gouvernement français : " Le montant de l'allocation d'entretien prévue à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 1983 susvisé est fixé à 615 euros par mois. ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 1er mars 2017, à laquelle a été prise la décision de refus de séjour en litige et à laquelle la légalité de celle-ci doit être appréciée, M. A... B...justifiait avoir perçu, au cours d'une période couvrant les six mois précédents, des salaires représentant un montant total de 1 097,78 euros. Il pouvait ainsi seulement justifier, à cette date, de moyens d'existence atteignant à peine une moyenne mensuelle de 183 euros, laquelle est notablement inférieure au seuil de 615 euros rappelé au point précédent. Si M. A... B...se prévaut de trois attestations que lui ont été délivrées des personnes qui déclarent l'héberger, pour les deux premières, à Amiens et, pour l'autre, à Corbeil-Essonnes, ces documents, qui ne précisent aucunement la date à laquelle ces hébergements ont été effectifs et qui n'ont été respectivement émis que le 23 mars 2017, le 24 juillet 2017 et le 1er décembre 2017, soit à des dates postérieures à celle à laquelle la décision de refus de séjour en litige a été prise, s'avèrent dépourvus d'influence sur l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité préfectorale, à la date à laquelle elle s'est prononcée sur la demande de l'intéressé, en ce qui concerne l'importance des moyens d'existence dont il pouvait alors justifier. Il en est de même de l'attestation, portant une date illisible, émise par la troisième de ces personnes, à savoir une tante du requérant, selon laquelle celle-ci subviendrait à ses besoins en nourriture durant l'année universitaire et lui verserait, en outre, une somme mensuelle " d'au moins 430 euros ". Doivent également être écartés pour le même motif les attestations émises par des membres de l'association Solidarité Centrafricaine Amiens Picardie, selon lesquelles cette dernière apporterait une aide financière à l'intéressé, ainsi que les bulletins de salaire et les justificatifs de transfert international de fonds que M. A...B...produit en outre et qui se rapportent à des périodes postérieures à la date de cette décision. Il suit de là que, pour refuser d'accorder à M. A... B...le renouvellement de son titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas disposer de moyens d'existence suffisants, le préfet de la Somme n'a pas méconnu les stipulations et dispositions citées au point 3 et 4.

6. S'il est constant que la demande formulée par M. A...B...tendait au renouvellement du titre de séjour portant la mention " étudiant " qui avait été mis en sa possession, il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet de la Somme a examiné d'office si l'intéressé ne pouvait être admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur celui de l'article L. 313-14 de ce code. L'intéressé peut donc utilement soutenir que ces dispositions auraient été méconnues pour refuser de lui délivrer un titre de séjour.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".

8. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. A...B..., qui, comme il a été dit au point 1, est entré sur le territoire français le 5 septembre 2015, pouvait, par suite, seulement se prévaloir, à la date de l'arrêté du 1er mars 2017 en litige, d'un séjour d'à peine un an et six mois, quoique effectué dans des conditions régulières. En outre, l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, a seulement fait état de la présence d'une tante sur le territoire français, tandis qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Enfin, M. A...B...n'a versé au dossier aucun élément de nature à lui permettre de justifier d'une progression effective, ni de résultats significatifs dans ses études et ne fait pas davantage état d'un projet professionnel. Dans ces conditions, eu égard à la faible durée du séjour de l'intéressé et malgré le caractère régulier de ce séjour, la décision refusant de délivrer à M. A...B...un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris, ni n'a méconnu ces dispositions, ni même les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Si l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité préfectorale de délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 313-11 de ce code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre de plein droit à ce titre, cette faculté est toutefois subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir.

10. Aucune des circonstances décrites au point 8 ne constituait des circonstances exceptionnelles, ni des considérations humanitaires propres à permettre l'admission exceptionnelle de M. A...B...au séjour. Par suite, pour lui refuser cette admission, malgré la régularité de son entrée et de son séjour, le préfet de la Somme n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni ne s'est manifestement mépris dans l'appréciation de sa situation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Comme il a été dit aux points 1 à 10, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...B...n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus ne peut qu'être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. A...B...de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de ce que, pour faire obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, le préfet de la Somme aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de celui-ci.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Somme.

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N°17DA01951

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01951
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BOUQUET FAYEIN-BOURGOIS WADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-21;17da01951 ?
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