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28/06/2018 | FRANCE | N°18DA00274

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18DA00274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixé le pays de destination de son éloignement, ordonné son placement en rétention administrative et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 1709102 du 30 octobre 2017, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Lille a annulé la décision portant interdiction de retour su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixé le pays de destination de son éloignement, ordonné son placement en rétention administrative et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 1709102 du 30 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, Mme D...C..., représentée par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 octobre 2017 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixe la République du Congo comme pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de régulariser sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- et les observations de Me B...A..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...est une ressortissante congolaise née en 1948 et entrée en France en 2015 avec un visa de court séjour. Elle a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 22 août 2016, le préfet du Nord a rejeté cette demande et assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français. Mme C...n'a pas exécuté cette décision et s'est maintenue sur le territoire français en situation irrégulière. A la suite de son interpellation, le 19 octobre 2017, le préfet du Nord a prononcé à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ainsi qu'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 30 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, saisi par MmeC..., a annulé cet arrêté en tant qu'il portait interdiction de retour sur le territoire français, mais a rejeté le surplus de sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement dans cette mesure.

Sur la motivation de l'arrêté en litige :

2. L'arrêté du préfet du Nord du 19 octobre 2017, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.

Sur les autres moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de l'instruction de la demande de titre de séjour de MmeC..., rejetée par arrêté du préfet du Nord du 22 août 2016, le médecin de l'agence régionale de santé avait indiqué, dans son avis émis le 5 avril 2016, que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, mais que le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe, au demeurant, un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante aurait porté à la connaissance du préfet des éléments d'information suffisamment précis de nature à établir que son état de santé se serait aggravé et qu'elle serait susceptible d'entrer dans la catégorie prévue par les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'il appartenait au préfet de consulter à nouveau le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. Les éléments médicaux versés au dossier par Mme C...ne permettent ni de remettre en cause l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 5 avril 2016, ni d'établir que son état de santé se serait depuis aggravé au point que le défaut de sa prise en charge serait désormais susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au demeurant, Mme C...n'a pas saisi le préfet du Nord d'une nouvelle demande de titre de séjour fondée sur une évolution de sa situation médicale. Dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions citées au point 3.

7. A la supposer même établie, la circonstance que Mme C...remplirait les conditions requises pour la délivrance de la carte de séjour temporaire prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle n'a, au demeurant, jamais demandée, est sans influence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...vit au domicile de sa fille de nationalité française, en compagnie de l'époux de celle-ci et de ses petits-enfants, et qu'elle peut se prévaloir de la présence en France d'un autre de ses enfants, également de nationalité française. Toutefois, l'appelante est entrée en France en 2015 et s'y est maintenue malgré la notification, le 22 août 2016, d'un refus de titre de séjour assorti d'une première mesure d'éloignement. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle a vécu durant soixante-sept ans et où résident toujours ses autres enfants. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. La seule circonstance que Mme C...vive actuellement en compagnie de ses petits-enfants n'est pas de nature à établir que son éloignement du territoire français serait contraire à l'intérêt supérieur de ces derniers. La mesure en litige ne saurait, dès lors, être regardée comme contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 9 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet est entachée d'illégalité.

Sur les autres moyens dirigés contre le refus de délai de départ volontaire :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que Mme C...n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet du Nord.

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme C...a fait l'objet, le 22 août 2016, d'un premier arrêté préfectoral portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. L'intéressée n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement et s'est maintenue sur le territoire français. Elle entre dès lors dans le champ des dispositions citées au point précédent et ne fait état d'aucune circonstance particulière qui serait de nature à écarter la présomption selon laquelle il existe un risque qu'elle se soustraie à nouveau à la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet. Mme C...n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la décision du préfet du Nord de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

Sur l'autre moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination :

15. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5, que le médecin de l'agence régionale de santé consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de Mme C... a estimé que le défaut de prise en charge médicale de son état de santé ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'en tout état de cause, le traitement requis par son état existe en République du Congo. Mme C...n'apporte pas d'éléments médicaux de nature à remettre en cause le bien-fondé et l'actualité de cet avis. Dès lors, elle n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement l'exposerait à une dégradation de son état de santé dans des conditions contraires aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il en résulte qu'elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00274
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : INUNGU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-28;18da00274 ?
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