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02/10/2018 | FRANCE | N°17DA02137

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17DA02137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités suisses.

Par un jugement n° 1702978 du 27 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2017, M.B..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annul

er le jugement du tribunal administratif de Rouen du 27 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités suisses.

Par un jugement n° 1702978 du 27 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2017, M.B..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 27 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 12 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de l'autoriser à présenter une demande d'asile en France, et, par conséquent, de lui délivrer une attestation de demande d'asile valant autorisation temporaire de séjour ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour temporaire pour raisons humanitaires dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

1. Par une décision du 13 février 2018, la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. B...a été rejetée. Par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. M. D... B..., né le 14 mai 1984 de nationalité soudanaise, relève appel du jugement du 27 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert aux autorités suisses.

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Par un arrêté du 29 mars 2017, régulièrement publié, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. A...E..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, à l'effet de signer les décisions de transfert. En outre, le requérant ne peut utilement invoquer pour contester la légalité de la décision attaquée, le moyen tiré de l'incompétence de l'agent qui la lui a notifiée, aucune norme ni aucun principe n'imposant que la notification d'une décision soit faite par un agent détenteur d'une délégation de signature à cet effet.

4. Les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile, requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile.

5. L'article 26 du règlement du 26 juin 2013 précise que : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ". Pour être suffisamment motivée, afin de mettre l'intéressé à même de critiquer, notamment, l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement du 26 juin 2013, éclairées par son considérant 19, la décision de transfert doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III ou, à défaut, au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement et, le cas échéant, faire apparaître les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.

6. L'arrêté du 12 septembre 2017 en litige, qui vise les règlements communautaires et les articles L. 742-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que " les contrôles effectués en application du 1 de l'article 4 du règlement (CE) n° 2725/2000 ont révélé que Monsieur D...B...avait été précédemment identifié par les autorités suisses sous le numéro CH 1 9055360988 puis par les autorités allemandes sous le numéro DE 1 160513DK300939 ". L'arrêté énonce ensuite que " le 2 août 2017, les autorités suisses ont été saisies d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de Monsieur D...B...sur le fondement de l'article 18. 1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 et l'ont acceptée par un accord du 4 août 2017 ". Ces motifs, desquels il résulte que l'intéressé a déposé une demande d'asile en Suisse puis en Allemagne, et que ces demandes avaient été rejetées à la date de l'arrêté litigieux, permettent ainsi d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont la préfète de la Seine-Maritime a entendu faire application pour désigner la Suisse comme le pays vers lequel M. B... pourra être transféré. Par suite, les motifs figurant dans l'arrêté contesté, qui font apparaître les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé, sont suffisamment précis pour permettre à l'intéressé de bénéficier du recours effectif visé au paragraphe 1 de l'article 27 du règlement. Le moyen présenté par M. B...tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit, dès lors, être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié le 31 juillet 2017, lors de son entretien individuel, des services d'un interprète en langue arabe de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait qu'il avait demandé l'asile en Allemagne et en Suisse et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat de l'Union européenne responsable de sa demande d'asile. Si le requérant n'a pas bénéficié de la présence physique d'un interprète mais uniquement par voie téléphonique, cette circonstance, dont il n'est pas démontré qu'elle aurait nui à sa compréhension des informations qui lui ont été délivrées ou des questions qui lui ont été posées, ne suffit pas à établir que l'entretien individuel dont il a bénéficié n'offrait pas les garanties procédurales prévues par les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.

8. L'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'Etat membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les Etats membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; / c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / ".

9. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles le préfet transfère un demandeur d'asile aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. M. B... invoque les conditions dégradées d'accueil des demandeurs d'asile en Suisse du fait de l'afflux de migrants. Toutefois, les documents produits par l'intéressé à l'appui de ses affirmations, notamment les articles de presse, ne permettent pas de considérer que les autorités suisses, qui ont donné leur accord, le 4 août 2017, à la demande de reprise en charge adressée par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni que M. B... courrait en Suisse un risque actuel et personnel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de transfert contestée méconnaîtrait les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. Si le requérant soutient qu'en vertu du processus de Karthoum, accord multilatéral conclu le 28 novembre 2014 entre l'Union Européenne, plus la Suisse, et divers pays africains dont le Soudan, et relatif à la gestion des flux migratoires entre la corne de l'Afrique et les pays de l'Union Européenne, la Suisse expulserait systématiquement les demandeurs d'asile soudanais déboutés de leur demande vers le Soudan, cette circonstance, n'est toutefois établie par aucune pièces du dossier.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime. Ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur et à MeC... F....

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

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N°17DA02137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA02137
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : TROFIMOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-02;17da02137 ?
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