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04/10/2018 | FRANCE | N°18DA00888

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 18DA00888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Nord du 11 octobre 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1705593 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30

avril 2018, M.C..., représenté par Me A...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Nord du 11 octobre 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1705593 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 avril 2018, M.C..., représenté par Me A...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Nord du 11 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans les mêmes conditions d'astreinte à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au bénéfice de son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et le Protocole III du 22 décembre 1985 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée pour M. B...C...a été enregistrée le 20 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., ressortissant algérien né le 8 janvier 1995, est entré en France le 21 mars 2010 muni d'un visa de court séjour. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord par une ordonnance du 29 mars 2010 du procureur de la République, et pris en charge en qualité de mineur étranger isolé jusqu'à la date de sa majorité, le 8 janvier 2013. Il a alors bénéficié du dispositif d'accueil provisoire des jeunes majeurs jusqu'au 31 décembre 2015. Le préfet du Nord lui a délivré un certificat de résidence portant la mention " étudiant " à compter du 8 février 2013, renouvelé jusqu'au 7 février 2015. Le 12 février 2015, l'intéressé a demandé le renouvellement de ce titre, ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 11 octobre 2016, le préfet du Nord a refusé d'accorder à M. C...les titres de séjour sollicités, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement. M. C...relève appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il appartenait à M. C...d'apporter au préfet, qui n'était nullement tenu de s'en enquérir, tout élément utile à l'instruction de sa demande. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait informé le préfet de son inscription à compter du 19 juillet 2016, et pour une durée de deux ans, dans une nouvelle formation dispensée en alternance par le BTP-CFA de Lille-Métropole, en vue d'obtenir un certificat d'aptitude " peintre et applicateur de revêtement ". En outre, la transmission du contrat d'apprentissage conclu avec la société " techniques et rénovation habitat ", à compter de la même date et pour la même durée, à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du lieu d'exécution du contrat par la chambre consulaire compétente, lors de l'enregistrement du contrat, ne vaut pas information du préfet. Par conséquent, M. C...n'est pas fondé à soutenir que, au motif qu'il n'a pas tenu compte de ces éléments qu'il ignorait, le préfet s'est fondé sur des faits matériellement inexacts, ni qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage, ou font des études en France et justifiant de moyens d'existence suffisants (bourses ou autre ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire " ". Ces stipulations permettent à l'administration d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.

4. D'autre part, si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C...était inscrit pour les années scolaires 2012-2013 et 2013-2014 en certificat d'aptitude à l'emploi " installateur thermique " au lycée Maurice Duhamel de Loos. En deux années d'études, M. C...n'a obtenu aucun diplôme et ses bulletins scolaires font état d'un manque d'assiduité au cours de cette formation. En outre, si M. C... fait valoir qu'il aurait été mal orienté, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces erreurs d'orientation ne lui seraient pas imputables. Par la suite, le requérant ne justifie pas avoir poursuivi ses études. La formation Insertion Jeunes - TRAM entreprise le 19 octobre 2015 auprès du Centre d'Insertion des Bois Blanc, ainsi que les deux stages de formation professionnelle auprès de l'Hôpital Saint Vincent de Paul de Lille, en novembre 2015, et de la société Anabas Division Sécurité, en janvier 2016, ne peuvent justifier la poursuite effective d'études. A compter du 19 juillet 2016, M. C...s'est inscrit, et ce pour une durée de deux ans, dans une nouvelle formation dispensée en alternance par le BTP-CFA de Lille-Métropole, en vue d'obtenir un certificat d'aptitude " peintre et applicateur revêtement ". Toutefois, il ne justifie pas son choix de réorientation dans une nouvelle filière, ni de la cohérence avec le cursus suivi depuis son arrivée en France. Dans ces conditions, compte tenu de leur manque de progression et de cohérence, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que M. C... ne pouvait être regardé comme poursuivant des études réelles et sérieuses.

6. En troisième lieu, aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. C...est entré en France le 21 mars 2010, à l'âge de quinze ans. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord, et maintenu auprès de ces services jusqu'à sa majorité. Il a ensuite bénéficié du dispositif " Accueil Provisoire JeuneD... " jusqu'au 31 décembre 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, M. C...est célibataire et sans enfant à charge, et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel résident ses parents et ses quatre frères et soeurs, et où il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. C...aurait noué des liens d'une particulière intensité en France, nonobstant les attestations qu'il produit, ni qu'il ne pourrait poursuivre son projet professionnel dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, cette décision ne méconnaît ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du nord portant refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Ainsi qu'il a été indiqué au point 8, la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

10. La décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

12. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 2, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. C...doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :

14. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 et 13, M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

15. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me A...E....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

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N°18DA00888

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00888
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-04;18da00888 ?
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