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09/10/2018 | FRANCE | N°16DA01010

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16DA01010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Bils Deroo Holding, venant aux droits de la société Holding Immobilière Bils, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1305441 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à concurren

ce du dégrèvement prononcé en cours d'instance à hauteur de la somme de 12 616 euros en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Bils Deroo Holding, venant aux droits de la société Holding Immobilière Bils, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1305441 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance à hauteur de la somme de 12 616 euros en droits, a prononcé la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2016 et le 4 novembre 2016, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 mai 2016 en tant qu'il accorde à la SAS Bils Deroo Holding la décharge des impositions en litige et qu'il met la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre ces impositions, de même que les pénalités correspondantes, à la charge de la SAS Bils Deroo Holding et de prescrire le reversement de la somme versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande présentée par la SAS Bils Deroo Holding devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant la SAS Bils Deroo Holding.

Considérant ce qui suit :

1. La société Holding Immobilière Bils, société mère d'un groupe fiscalement intégré, a fait l'objet, en 2009, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er décembre 2005 au 30 novembre 2008, à l'issue de laquelle le service a porté à sa connaissance qu'il était envisagé de mettre à sa charge des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006, 2007 et 2008. Par un courrier daté du 9 octobre 2012, l'administration a, en outre, informé la société Holding Immobilière Bils, prise en tant que société mère du groupe, du montant de ces suppléments d'impôt, avant leur mise en recouvrement. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille, à la demande de la société par actions simplifiée Bils Deroo Holding, venant aux droits de la société Holding Immobilière Bils, a prononcé, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. En vertu de l'article 223 A du code général des impôts, une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. Dans ce cas, les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats des différentes sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom. L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés.

4. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que, par le courrier du 9 octobre 2012 mentionné au point 1, auquel était annexé un tableau chiffré, l'administration a seulement porté à la connaissance de la société Holding Immobilière Bils les rectifications qu'il était envisagé d'apporter aux résultats que cette dernière avait déclarés, sans préciser les conséquences que celles-ci emporteraient sur le résultat d'ensemble du groupe, au demeurant déficitaire. En outre, il est constant que la somme mise en recouvrement sur la base des éléments ainsi portés à la connaissance de la société Holding Immobilière Bils excédait le montant de l'imposition réellement dû par elle.

5. Cependant, si l'information requise par les dispositions et principes rappelés aux points 2 et 3 constitue une garantie pour la société mère, consistant à pouvoir disposer des éléments propres à lui permettre de contester utilement les suppléments d'impôt envisagés avant qu'ils ne soient mis à sa charge, il résulte, en l'espèce, de l'instruction que la société Holding Immobilière Bils a pu, au vu des seuls éléments d'information qui lui ont été communiqués par le courrier du 9 octobre 2012, identifier les montants retenus par l'administration pour calculer l'assiette des suppléments d'impôts envisagés, comprendre l'erreur qui avait conduit le service à les déterminer et contester utilement ceux-ci, à telle enseigne d'ailleurs que cette contestation a permis à la société d'obtenir un premier dégrèvement avant la saisine des premiers juges, puis un autre dégrèvement en cours d'instance devant le tribunal administratif de Lille. Ainsi, la société Holding Immobilière Bils n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, été effectivement privée de cette garantie de procédure. Au demeurant, même si elle en avait été privée, cette privation n'aurait pu, devant le juge administratif, motiver une décharge excédant les sommes dont l'administration lui a accordé le dégrèvement par deux décisions successives. Dès lors et sans qu'il soit nécessaire pour la cour de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu que la société Holding Immobilière Bils, aux droits de laquelle était venue la SAS Bils Deroo Holding, avait été privé de cette garantie de procédure et qu'une telle irrégularité était de nature à justifier la décharge de l'intégralité des impositions restant en litige.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par la SAS Bils Deroo Holding devant le tribunal administratif de Lille.

7. Aux termes de l'article 210 A du code général des impôts : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / (...) ". En outre, en vertu du 1 de l'article 210 B de ce code, les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement, dans l'acte d'apport, de conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport et de calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures. Ces mêmes dispositions ajoutent que sont assimilés à une branche complète d'activité les apports de participations portant sur plus de 50 % du capital de la société dont les titres sont apportés, sous réserve que la société apporteuse respecte les règles et conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du 7 bis de l'article 38 du même code.

8. La société Holding Immobilière Bils a apporté à la SAS Bils Deroo Holding, par un acte conclu le 12 décembre 2007, les titres de participation qu'elle détenait dans seize sociétés civiles immobilières, pour un montant total de 12 797 800 euros. En contrepartie, la société apporteuse a bénéficié de l'attribution de 20 980 actions émises par la SAS Bils Deroo Holding à l'occasion d'une opération concomitante d'augmentation de capital. La société Holding Immobilière Bils a opté pour le régime des apports partiels d'actifs prévu à l'article 210 B du code général des impôts, en assimilant l'apport des participations détenues dans chaque SCI à une cession de branches complètes d'activité. Toutefois, l'administration a relevé que le capital de six de ces sociétés, à savoir celui des SCI Seclin, Carvin, Villers, Chatillon, Libercourt et Bruille-les-Marchiennes, n'était pas entièrement libéré, tandis que l'acte d'apport précisait que les parts sociales apportées par la société Holding Immobilière Bils étaient nettes de passif. L'administration a, dès lors, estimé que la dette correspondant à la libération du capital non appelé des SCI constituait aussi une dette pour la société Holding Immobilière Bils, dette qui ne devait pas être prise en compte pour la détermination du boni d'apport réalisé en exonération d'impôt, lequel, en application de l'article 210 A du code général des impôts, correspond à la plus-value nette réalisée.

9. Il résulte de l'instruction qu'afin de tenir compte de ce que le capital de six des sociétés civiles immobilières en cause n'avait pas été libéré à la date à laquelle elle a acquis les titres de participation, la société Holding Immobilière Bils avait enregistré dans sa comptabilité cette acquisition pour une valeur nulle. Toutefois, le principe de sincérité des comptes impliquait nécessairement que la société Holding Immobilière Bils procède à cet enregistrement à hauteur du prix d'acquisition convenu, peu important les modalités de paiement effectif de ce prix. Il suit de là que, pour fonder le rehaussement en litige, émis à l'égard de la SAS Bils Deroo Holding, bénéficiaire de l'apport, sur la valeur des titres souscrits dans les six sociétés civiles en cause par la société apporteuse après déduction de la dette de libération du capital non appelé, l'administration n'a ni procédé à une double déduction de celle-ci ni méconnu les dispositions, des articles 210 A et 210 B du code général des impôts, rappelées au point 7 ci-dessus.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de l'ensemble des impositions restant en litige et, après avoir estimé, par voie de conséquence, que l'Etat devait être regardé comme partie perdante au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions. Toutefois, dès lors que le ministre de l'action et des comptes publics tient du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique le pouvoir d'émettre, le cas échéant, un ordre de recouvrement à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont une personne est redevable envers l'Etat, ses conclusions tendant à ce que la cour prescrive la restitution de la somme ainsi mise à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présence instance, une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SAS Bils Deroo Holding devant la cour.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Lille, prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SAS Bils Deroo Holding a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 et mettant la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont annulés.

Article 2 : Les impositions mentionnées à l'article 1er ci-dessus sont remises à la charge de la SAS Bils Deroo Holding.

Article 3 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par la SAS Bils Deroo Holding devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre et les conclusions présentées en appel par la SAS Bils Deroo Holding au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société par actions simplifiée Bils Deroo Holding.

Copie sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°16DA01010

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01010
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CABINET VIVALDI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-09;16da01010 ?
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