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23/10/2018 | FRANCE | N°17DA00632

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 17DA00632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler la décision du 27 janvier 2015 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime lui a infligé deux amendes administratives représentant un montant total de 1 500 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, à titre subsidiaire, de ramener le montant de ces amendes à de plus justes proportions, sans que celles-c

i excèdent la somme de 575 euros.

Par un jugement n° 1501037 du 14 févrie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler la décision du 27 janvier 2015 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime lui a infligé deux amendes administratives représentant un montant total de 1 500 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, à titre subsidiaire, de ramener le montant de ces amendes à de plus justes proportions, sans que celles-ci excèdent la somme de 575 euros.

Par un jugement n° 1501037 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 avril 2017 et le 28 septembre 2018, la SAS Carrefour Hypermarchés, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime du 27 janvier 2015 et de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de ces amendes à de plus justes proportions, sans que celui-ci n'excède la somme totale de 375 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la consommation ;

- l'arrêté du 18 mars 1993 relatif à la publicité des prix des viandes de boucherie et de charcuterie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant la SAS Carrefour Hypermarchés.

Une note en délibéré présentée pour la société requérante a été enregistrée le 11 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés exploite, sur le territoire de la commune de Barentin (Seine-Maritime), un magasin de grande surface dont le rayon de boucherie traditionnelle a fait l'objet, le 26 juin 2014, d'un contrôle opéré par deux inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en poste à la direction départementale de la protection des populations de la Seine-Maritime. Ceux-ci ont estimé, à l'issue de ce contrôle, que quatre pièces de viande proposées à la vente portaient une étiquette indiquant une dénomination inexacte, tandis que l'affichage d'un tableau récapitulatif du prix des viandes apposé au niveau du rayon comportait des mentions incomplètes et non-conformes à la réglementation applicable en la matière. Ces constats ont fait l'objet d'un procès-verbal, rédigé par ces agents le 27 octobre 2014. Après avoir fait connaître à la SAS Carrefour Hypermarchés, par un courrier daté du 14 novembre 2014, son intention de lui infliger, à raison de ces faits, deux amendes administratives représentant un montant total de 1 500 euros et l'avoir mise à même de présenter des observations écrites, le directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime a, par une décision du 27 janvier 2015, prononcé les deux amendes envisagées. La SAS Carrefour Hypermarchés relève appel du jugement du 14 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de cette décision et à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante, à titre subsidiaire, à la réduction de celle-ci à de plus justes proportions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'examen des pièces du dossier de première instance transmis à la cour que la SAS Carrefour Hypermarchés soutenait, devant les premiers juges, que les amendes administratives contestées avaient été prononcées à l'issue de procédures au cours desquelles les fonctions d'enquête, de poursuite et de jugement n'étaient pas dissociées. Elle tirait de cette appréciation que la décision lui infligeant ces amendes avait été prise " en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe d'impartialité ". Toutefois, il ressort de l'examen de la demande présentée par la SAS Carrefour Hypermarchés devant le tribunal administratif de Rouen que cette argumentation s'insérait dans un paragraphe intitulé " Sur la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " et qu'aucune argumentation spécifique n'était présentée pour démontrer en quoi le principe d'impartialité, qui découle notamment de ces stipulations, avait été méconnu en tant qu'il constitue un principe du droit interne. La SAS Carrefour Hypermarchés, qui était représentée par un avocat, n'a pas précisé ses écritures sur ce point dans le mémoire en réplique qu'elle a produit ensuite. Dans ces conditions, en considérant que cette société avait, en réalité, entendu n'invoquer que la seule méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges, eu égard à l'imprécision des termes dans lesquels la demande qui leur était soumise était rédigée, n'ont omis d'examiner aucun moyen.

3. En outre, en jugeant que, la décision contestée n'émanant pas d'un tribunal au sens de ces stipulations, la requérante ne pouvait utilement invoquer la méconnaissance de celles-ci, le tribunal administratif de Rouen, qui a tenu compte du fait que les sanctions en litige n'avaient pas été prononcées par une autorité administrative indépendante, mais par une autorité d'un service déconcentré de l'Etat ayant agi dans le cadre d'une mission confiée par la loi, a apporté une réponse suffisante à ce moyen.

4. Dans ces conditions, la SAS Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.

Sur la compétence de l'auteur de la décision en litige :

5. En vertu de l'article L. 113-3, alors en vigueur, du code de la consommation, tout vendeur de produit doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par des arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation. Par un arrêté du 18 mars 1993, le ministre de l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat chargé de la consommation ont fixé ces modalités en ce qui concerne les prix des viandes de boucherie et de charcuterie. Selon cet arrêté, une information appropriée sur le prix au kilogramme de ces produits doit être donnée aux consommateurs par marquage ou étiquetage, en regard des dénominations usuelles mentionnées en annexe à l'arrêté, ainsi qu'au moyen d'un tableau d'affichage exposé en permanence à la vue du public et reprenant l'ensemble des articles susceptibles d'être vendus dans l'établissement, en respectant les dénominations et l'ordre des morceaux tels que prévus dans les tableaux figurant en annexe. Selon l'article L. 113-3-2 du code de la consommation, alors en vigueur, tout manquement à l'article L. 113-3 et aux arrêtés pris pour son application est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Le même article L. 113-3-2 ajoute que cette amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2, alors en vigueur, du même code, en vertu duquel l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer ces amendes administratives, par des décisions motivées prises après que les personnes ou sociétés concernées ont été mises à même de formuler des observations et selon des modalités appelées à être fixées par un décret en Conseil d'Etat. Ce décret est intervenu le 30 septembre 2014 et a inséré au code de la consommation un article R. 411-6, aux termes duquel l'autorité administrative mentionnée à l'article L. 141-1-2 est le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou le directeur de la direction départementale chargée de la protection des populations ou leur représentant nommément désigné.

6. Si, le 26 juin 2014, date à laquelle le contrôle ayant donné lieu aux amendes administratives en cause a été effectué, le décret n°2014-1109 du 30 septembre 2014, auquel renvoient les dispositions de l'article L. 141-1-2, alors applicables, du code de la consommation, n'était pas entré en vigueur, toutefois, cette situation ne faisait pas obstacle à ce que les inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes procèdent aux mesures d'investigations qui leur incombaient, dans le cadre de leurs attributions relatives au contrôle du respect des règles afférentes à l'information des consommateurs, notamment de celles de l'article L. 113-3 du code de la consommation dans sa rédaction alors en vigueur et par les arrêtés pris pour son application. En outre, le 14 novembre 2014, date à laquelle le directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime a fait connaître à la SAS Carrefour Hypermarchés qu'il envisageait de prononcer à son encontre les amendes administratives contestées et a, par là même, mis en oeuvre la procédure de sanction prévue à l'article L. 141-1-2 du code de la consommation, ce décret du 30 septembre 2014 était entré en vigueur. Cette autorité avait alors compétence pour décider cette mise en oeuvre et, à l'issue de cette procédure, pour prononcer les amendes en cause. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.

Sur la motivation de la décision en litige :

7. Le IV de l'article L. 141-1-2, alors en vigueur, du code de la consommation, dispose que les amendes prises sur son fondement doivent être motivées. Selon les motifs de la décision contestée, le prononcé d'amendes administratives, sur le fondement de l'article L. 141-1-2 du code de la consommation, a été décidé en conséquence de manquements sanctionnés par l'article L. 113-3-2 de ce code, le nombre de manquements étant précisé et le montant de chacune des amendes infligées étant mentionné. La décision indique ensuite que la détermination du montant de ces amendes tient compte de la nature des manquements en cause, qui relèvent d'une règlementation ancienne et connue, ainsi que du préjudice résultant de ces manquements pour les consommateurs et de la taille des entreprises contrevenantes. Enfin, la décision fait expressément référence au courrier préalablement adressé à la société le 14 novembre 2014, pour recueillir ses observations quant au prononcé d'amendes administratives. Il ressort des énonciations de ce courrier, auquel était joint le procès-verbal dressé à l'issue du contrôle, qu'il a permis à la société requérante de connaître la nature exacte des manquements qui lui sont imputés. Ainsi rédigée et notamment grâce à ce renvoi exprès aux documents dont elle avait antérieurement été rendue destinataire, la décision a été de nature à permettre à la SAS Carrefour Hypermarchés de connaître avec une précision suffisante les considérations de droit et des faits sur lesquelles le directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime s'est fondé pour prononcer les amendes contestées. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée doit être écarté.

Sur le respect des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe d'impartialité :

8. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ".

9. Si, eu égard à sa nature, à sa composition et à ses attributions, une autorité administrative peut, lorsqu'elle inflige une sanction, être regardée comme un tribunal décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées, ces dernières n'énoncent aucune règle ni aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de décisions par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi. Il suit de là que la SAS Carrefour Hypermarchés ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations, pour contester la légalité d'une amende administrative qui lui a été infligée par une autorité déconcentrée de l'administration de l'Etat. Il en est de même du moyen tiré de ce que le mode d'organisation adopté par les services placés sous l'autorité du directeur de la protection des populations de la Seine-Maritime ne permettrait pas d'assurer, lorsque cette autorité prononce une amende administrative, le respect des exigences du principe constitutionnel d'impartialité, dès lors que de telles amendes sont susceptibles d'être contestées devant le juge administratif statuant en plein contentieux, dans des conditions permettant d'assurer le respect de ces exigences.

Sur le défaut de base légale :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le fait que les dispositions réglementaires insérées à l'article R. 141-6 au code de la consommation par le décret du 30 septembre 2014 n'étaient pas entrées en vigueur le 26 juin 2014, date à laquelle ont été constatés les manquements reprochés à la SAS Carrefour Hypermarchés, est dépourvue d'incidence sur la légalité des sanctions en litige, la procédure de sanction ne pouvant, à cette date, être regardée comme ayant été mise en oeuvre et les inspecteurs ayant alors agi dans le cadre de leurs attributions générales concernant le respect des règles protégeant les droits des consommateurs. Le 14 novembre 2014, date à laquelle la SAS Carrefour Hypermarchés a été informée des sanctions administratives qu'il était envisagé de lui infliger et, par suite, date à laquelle la procédure de sanction a été engagée, le décret du 30 septembre 2014 insérant au code de la consommation la disposition d'application codifiée à l'article R. 141-6 était intervenu et avait été publié. Dès lors, le moyen tiré de ce que les amendes administratives contestées ne seraient pas légalement fondées ne peut qu'être écarté.

Sur la proportionnalité des sanctions :

11. Les quatre manquements mentionnés au point 1, relatifs aux règles d'affichage des prix, doivent être regardés, compte tenu de leur nature, comme ayant été susceptibles d'induire les consommateurs en erreur sur la qualité et sur le prix des pièces de viande présentées à la vente, malgré la présence de personnels susceptibles de les renseigner. En outre, ces manquements concernent une réglementation ancienne et connue des professionnels de la boucherie. Dans ces conditions, en infligeant à la SAS Carrefour Hypermarchés une amende administrative d'un montant de 1 200 euros à raison de ces manquements, et en y ajoutant une amende de 300 euros à raison de la non-conformité des mentions portées sur le tableau récapitulatif des prix apposé en rayon, le directeur départemental des populations de la Seine-Maritime n'a pas prononcé des sanctions disproportionnées à la gravité des fautes commises.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande, tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2015 du directeur départemental de la protection des populations de la Seine-Maritime lui infligeant deux amendes administratives représentant un montant total de 1 500 euros, ainsi qu'à la décharge ou la réduction de l'obligation de payer cette somme. Par voie de conséquence les conclusions que la SAS Carrefour Hypermarché présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Carrefour Hypermarchés est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera transmise, pour information, à la préfète de la Seine-Maritime.

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N°17DA00632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00632
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Réglementation de la protection et de l'information des consommateurs.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CABINET FRECHE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-23;17da00632 ?
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