La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2018 | FRANCE | N°17DA01219

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 octobre 2018, 17DA01219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...et Mme G...I...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 avril 2014 par lequel le maire de Cucq a refusé de leur délivrer un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé rue Paul Lemaître.

Par un jugement n° 1404100 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juin e

t 10 novembre 2017, M. D... A...et Mme G...I..., représentés par Me J...C..., demandent à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...et Mme G...I...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 avril 2014 par lequel le maire de Cucq a refusé de leur délivrer un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé rue Paul Lemaître.

Par un jugement n° 1404100 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juin et 10 novembre 2017, M. D... A...et Mme G...I..., représentés par Me J...C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cucq le versement des sommes de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me B...H..., représentant M. A...et MmeI..., et de Me E...F..., représentant la commune de Cucq.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...et Mme I...ont déposé, le 13 mars 2014, une demande de permis de construire portant sur l'édification d'une maison individuelle comprenant deux logements, d'une surface de plancher totale de 301 m², sur la parcelle cadastrée AT 45 située sur le territoire de la commune de Cucq. A cette date, cette parcelle n'était couverte par aucun document local d'urbanisme, compte tenu de l'annulation, par le tribunal administratif de Lille, de la dernière révision du plan d'occupation des sols de la commune de Cucq, suivie de l'abrogation, par le conseil municipal, de la version antérieure de ce document dans certains secteurs de la commune, dont celui où se trouve la parcelle AT 45. Dans ces conditions, le maire de Cucq était tenu, en application de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, qui dispose que : " en cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation (...) d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, (...) et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire (...) recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis (...) postérieures à cette annulation, à cette abrogation (...) ", de recueillir l'avis conforme du préfet du Pas-de-Calais sur cette demande de permis de construire. Le préfet a émis dans ce cadre, le 17 avril 2014, un avis défavorable au projet, estimant celui-ci contraire, en premier lieu, à l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, en deuxième lieu, au I de l'article L. 146-4 du même code et, en troisième lieu, aux articles L. 146-6 et R. 146-1 de ce code. Par un arrêté du 30 avril 2014, qui se fonde sur les mêmes motifs que cet avis défavorable, le maire de Cucq a rejeté la demande de permis de construire dont il était saisi. M. A...et Mme I... ont saisi le tribunal administratif de Lille d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ce refus de permis de construire. Par un jugement du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir jugé que les deux premiers motifs de refus utilisés par le maire de Cucq dans sa décision, tirés de la situation du terrain hors des parties actuellement urbanisées de la commune, en méconnaissance de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, ainsi que de la situation du projet de construction sans continuité avec l'agglomération existante, en méconnaissance du I de l'article L. 146-4 du même code, étaient entachés d'illégalité, a considéré que le troisième, tiré de l'atteinte portée à un espace remarquable du littoral, en méconnaissance de l'article L. 146-6 de ce code, était néanmoins de nature à justifier, à lui seul, le refus de permis de construire et a rejeté la demande dont il était saisi. M. A...et Mme I... relèvent régulièrement appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

3. En application de ces principes, M. A...et Mme I...peuvent, à l'appui de leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Cucq du 30 avril 2014 rejetant leur demande de permis de construire, invoquer, par la voie de l'exception, des moyens relatifs au bien-fondé de l'avis défavorable émis par le préfet du Pas-de-Calais le 30 avril 2014.

En ce qui concerne le motif de refus de permis de construire fondé sur l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme :

4. Aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. / Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements qui incluent, selon leur importance et leur incidence sur l'environnement, soit une enquête publique, soit une mise à disposition du public préalablement à leur autorisation (...) ". La protection instituée par l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme implique par elle-même l'inconstructibilité des espaces caractéristiques du littoral, sous réserve de l'implantation d'aménagements légers prévus au deuxième alinéa du même article.

5. La décision en litige relève que la situation du terrain d'assiette du projet dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1, dite des " prairies humides péri-urbaines de Cucq ", impose une " obligation de protection par l'interdiction de construction " afin de préserver son intérêt biologique. Il ressort des motifs de cette décision et des écritures de la commune que celle-ci a entendu se fonder sur les dispositions, citées au point précédent, de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le terrain de M. A...et Mme I... se situe à la frontière de la ZNIEFF des prairies humides de Cucq, laquelle épouse les limites de l'urbanisation existante de ce secteur de la commune. Les intéressés produisent, devant la cour, une notice d'impact de leur projet sur l'environnement réalisée à leur demande par un ingénieur écologue, dont il résulte, d'une part, que le terrain dont ils sont propriétaires ne présente pas les caractéristiques d'un espace remarquable du littoral et, d'autre part, que leur projet n'est pas de nature à exercer une influence sur la ZNIEFF voisine. La commune de Cucq ne produit, pour sa part, aucun élément de nature à démontrer que le terrain des appelants présenterait par lui-même une valeur particulière, ni que leur projet serait susceptible d'exercer une influence néfaste sur la ZNIEFF voisine. Dès lors, au regard des éléments d'information produits par les parties, M. A...et Mme I...sont fondés à soutenir qu'en s'appuyant, pour émettre un avis défavorable à leur demande de permis de construire, sur les dispositions citées au point 4, le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions.

En ce qui concerne les autres motifs de refus de permis de construire :

6. Toutefois, d'une part, l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 111-3 et L. 111-4 du même code, interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune, il doit être tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.

7. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AT 45 appartenant à M. A...et Mme I... se situe au sud de la rue Paul Lemaître, à l'arrière d'un rang d'une douzaine de constructions édifiées le long de cette voie, et à l'est de la rue de la Jaquette, en deuxième ou troisième rideau par rapport aux quelques constructions éparses édifiées à l'angle formé par cette rue et la précédente. Ce terrain, à l'état naturel, n'est pas directement desservi par la voie publique, ni par le réseau public d'assainissement. Il s'ouvre au sud sur une vaste zone vierge de toute construction et incluse dans le périmètre de la ZNIEFF des " prairies humides péri-urbaines de Cucq ", évoquée au point 5. Si les constructions existantes en front à rue peuvent être regardées comme relevant d'un secteur actuellement urbanisé, à faible densité, le terrain d'assiette du projet, en dépit de sa proximité avec ces quelques parcelles bâties, appartient, par sa situation et ses caractéristiques, à un compartiment de terrain distinct s'ouvrant sur une vaste zone à l'état naturel dont il n'est pas nettement séparé par sa rangée d'arbres. Dans ces conditions, une construction implantée sur le terrain en litige, même le plus en bordure des parcelles déjà bâties comportant des jardins derrière lesquels il se situe, conduirait à étendre les parties actuellement urbanisées de la commune de Cucq. Dès lors, en estimant que le projet des appelants méconnaît les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme et en émettant, pour cette raison, un avis défavorable à ce projet, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des critères rappelés au point 6.

8. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ".

9. Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. En revanche, la seule réalisation dans un quartier urbain d'un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi.

10. S'il se situe à proximité de plusieurs constructions existantes implantées, en particulier, le long de la rue Paul Lemaître, le terrain d'assiette du projet de M. A...et Mme I...se trouve, ainsi qu'il a été dit au point 7, à l'état naturel, à l'arrière des constructions existantes le long de cette rue et de leurs jardins et se prolonge vers le sud par une vaste zone naturelle. Dans ces conditions, alors même qu'il porte sur une maison individuelle, le projet des appelants constitue une extension de l'urbanisation au sens des dispositions citées au point 8.

11. Il résulte des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, citées au point 8, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ; en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

12. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de M. A...et Mme I... se trouve en deuxième rideau par rapport à un groupe d'une douzaine de constructions édifiées le long de la rue Paul Lemaître, et en troisième, voire en quatrième rideau par rapport à un groupe d'une dizaine de constructions implantées à l'ouest et desservies à partir de la rue de la Jaquette. Toutefois, même si ces groupes de constructions présentent une densité significative de nature à les faire regarder comme appartenant à une zone déjà urbanisée au sens et pour l'application des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, la construction projetée, ainsi qu'il a déjà été dit, n'est pas située en continuité de ces groupes d'habitation mais dans un compartiment de terrain nettement distinct. Dès lors, en se fondant, pour émettre un avis favorable à la demande de permis de construire des appelants, sur le fait que leur projet ne se situe pas en continuité de l'agglomération existante, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions.

13. Il résulte de l'instruction que le préfet du Pas-de-Calais aurait émis le même avis s'il s'était fondé seulement sur les deux motifs évoqués aux points 6 à 12, qui justifient à eux seuls qu'il se prononce en défaveur du projet des appelants.

14. Dans la mesure où le préfet du Pas-de-Calais avait émis un avis défavorable au projet de M. A... et Mme I...en application de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, le maire de Cucq était tenu de rejeter leur demande de permis de construire.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...et Mme I...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cucq, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A...et à Mme I...de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.

17. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et de Mme I...le versement à la commune de Cucq de la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...et de Mme I...est rejetée.

Article 2 : M. A...et Mme I...verseront la somme globale de 1 500 euros à la commune de Cucq au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à Mme G...I...et à la commune de Cucq.

N°17DA01219 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01219
Date de la décision : 31/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : BODART

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-31;17da01219 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award