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31/10/2018 | FRANCE | N°18DA00054

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 octobre 2018, 18DA00054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 septembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence pour une durée de maximale de six mois.

Par un jugement n° 1708241 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille sa rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2018, M. B... A..., représenté par Me E...

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 septembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence pour une durée de maximale de six mois.

Par un jugement n° 1708241 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille sa rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2018, M. B... A..., représenté par Me E...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1993, qui déclare avoir quitté le Soudan en raison de craintes pour sa vie, serait arrivé en France par l'Italie le 15 juillet 2017. Il a déposé en France une demande d'asile le 22 août 2017. La consultation d'Eurodac a fait apparaître l'existence d'une prise d'empreintes en Italie. Ce pays a été consulté par la France le 25 août 2017. Dans l'attente d'une réponse, le préfet du Pas-de-Calais a assigné le requérant à résidence pour une durée maximale de six mois par un arrêté du 21 septembre 2017. M. B... A...relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, prévoit que l'autorité administrative peut, aux fins de mise en oeuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et du traitement rapide et du suivi efficace de cette demande, assigner à résidence le demandeur dès le début de la procédure. A cet égard, l'article L. 742-2 dispose que : " (...) / La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois et renouvelée une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. / Le demandeur astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés doit se présenter aux convocations de l'autorité administrative, répondre aux demandes d'information et se rendre aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité, dans les conditions prévues à l'article L. 611-2 / (...) ". Si, par la suite, une décision de transfert vers un autre Etat membre est prise sur le fondement de l'article L. 742-3 du même code, l'étranger qui en est l'objet peut, en vertu de l'article L. 742-4, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, être placé en rétention ou faire l'objet d'une autre mesure d'assignation à résidence en application cette fois des dispositions de l'article L. 561-2 du même code. L'article L. 742-4 précise alors que la décision de transfert et la décision d'assignation à résidence peuvent faire l'objet d'un recours dans les quarante-huit heures devant le président du tribunal administratif, qui statue selon la procédure et dans le délai prévu au III de l'article L. 512-1 du même code, c'est-à-dire dans les soixante douze heures.

3. Il résulte des termes mêmes des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, s'agissant des différentes mesures d'assignation à résidence susceptibles d'être prononcées dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, le législateur n'a prévu la mise en oeuvre de la procédure particulière de recours du III de l'article L. 512-1 que pour la contestation des mesures d'assignation à résidence prises en vertu de l'article L. 742-4 après l'intervention des décisions de transfert. En revanche, pour les mesures d'assignation à résidence susceptibles d'être prises en début de procédure, sur le fondement de l'article L. 742-2, avant l'intervention des décisions de transfert, aucune disposition ne rend applicable la procédure particulière du III de l'article L. 512-1. Il s'ensuit que les recours dirigés contre ces mesures d'assignation à résidence prises en vertu de l'article L. 742-2 doivent être jugés selon les règles de droit commun applicables devant les tribunaux administratifs.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n'a pu statuer seul sur la décision d'assignation du requérant prise sur le fondement de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans entacher son jugement d'irrégularité sur ce point. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... A...devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la décision d'assignation à résidence :

6. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) ".

7. M. B... A...soutient que, lors de son entretien avec les services préfectoraux le 22 août 2017 suite au dépôt de sa demande d'asile, il n'a reçu qu'une seule des deux brochures qui composent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013. A l'issue de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, il a fait l'objet le 28 novembre 2017 d'un arrêté de transfert aux autorités italiennes. Saisi d'un recours à l'encontre de cet arrêté, le tribunal administratif de Lille a, par un jugement n° 1710182 du 6 décembre 2017, estimé que le préfet n'établissait pas avoir fourni à l'intéressé la brochure " Je suis sous procédure Dublin- qu'est-ce que ça signifie ' ", que ce dernier n'avait pas bénéficié de l'ensemble des informations prévue par l'article 4 et avait été privé d'une garantie. Dans la présente instance, le préfet n'a produit aucun nouvel élément de nature à établir que le requérant avait effectivement reçu les deux brochures d'information lors de son premier entretien. En particulier et comme l'a retenu le tribunal administratif, si le compte rendu de l'entretien individuel réalisé le 22 août 2017 indique que les brochures comprenant toutes les informations prévues par le règlement 604/2013 lui ont été remises, cette seule mention ne permet pas, au regard des faits de l'espèce, d'attester de la remise de la brochure précitée. Dès lors, M. B... A...a été privé d'une garantie. La décision l'assignant à résidence est ainsi entachée d'illégalité et doit, par suite, être annulée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté.

9. M. B... A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille et l'arrêté préfectoral du 21 septembre 2017 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me D... une somme de 750 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me E...D....

N°18DA00054 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00054
Date de la décision : 31/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-31;18da00054 ?
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