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31/10/2018 | FRANCE | N°18DA00498

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 octobre 2018, 18DA00498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille, par une requête enregistrée sous le n° 1705546, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2017 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Il a formulé des conclusions identiques par une seconde requête enregistrée sous le n° 1708200.

Par un jugement n° 1705546-1708200 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa dem

ande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2018, M. A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille, par une requête enregistrée sous le n° 1705546, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2017 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Il a formulé des conclusions identiques par une seconde requête enregistrée sous le n° 1708200.

Par un jugement n° 1705546-1708200 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2018, M. A...C..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa demande, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité externe de l'arrêté en litige :

1. Par un arrêté du 18 janvier 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. E...F..., sous-préfet de Douai, à l'effet de signer notamment, dans les limites de son arrondissement, les décisions contenues dans l'arrêté en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de son auteur doit, dès lors, être écarté.

2. L'arrêté en litige, qui énonce, pour chacune des décisions qu'il contient, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.

Sur la légalité interne de la décision de refus de titre de séjour :

3. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté en litige, qui se fonde sur des éléments de fait actualisés, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas, malgré la durée d'instruction anormalement longue de la demande de M.C..., procédé à un examen réel et sérieux de celle-ci.

4. Aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes du I de l'article L. 313-7 du même code : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. / La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Ces dernières dispositions permettent à l'administration d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.

5. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C...sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet du Nord s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de l'absence de caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressé, et, d'autre part, de la menace pour l'ordre public que représente son comportement.

6. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. C...a obtenu, au mois de juin 2015, un certificat d'aptitude professionnelle mention " préparation et réalisation d'ouvrages électriques ". Il s'est ensuite réorienté vers un baccalauréat professionnel mention " logistique " et a conclu un contrat d'apprentissage avec une entreprise située à Prouvy. Ses bulletins de note font alors état de résultats très insuffisants et de nombreuses absences. L'année suivante, M. C...a renoncé à poursuivre ses études en baccalauréat professionnel afin de préparer un nouveau certificat d'aptitude professionnelle mention " conducteur routier de marchandises ". Au cours du premier semestre de cette année scolaire 2016/2017, ont été constatées de très nombreuses absences injustifiées de sa part. M. C...ne conteste pas ces mauvais résultats et ces absences à répétition, ni n'apporte d'élément de nature à les justifier. Dès lors, en considérant, à la date de la décision attaquée, que les études suivies par l'appelant ne présentaient pas un caractère réel et sérieux, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 4.

7. Il ressort également des pièces du dossier, d'autre part, que M. C...a été condamné, le 2 janvier 2017, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de détention, usage et trafic de stupéfiants et qu'il est connu des fichiers de police pour divers autres délits, dont des faits de violence avec arme qui, s'ils n'ont pas donné lieu à une condamnation pénale, sont reconnus par l'intéressé. Dès lors, en estimant que le comportement de M. C...représente une menace pour l'ordre public qui justifie, en application de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 4, un refus de titre de séjour, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions.

8. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

9. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...ait saisi le préfet du Nord d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour fondée sur les dispositions citées au point 8. Il ne ressort pas de la décision que le préfet se soit d'office prononcé sur la base de ce fondement légal. Dès lors, en application du principe rappelé au point 9, il ne saurait utilement soutenir que la décision attaquée est contraire à ces dispositions. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 6, à la date de la décision attaquée, les études suivies par l'appelant ne présentaient pas un caractère réel et sérieux. L'intéressé n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions requises pour obtenir le titre de séjour prévu par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. C...aurait sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne résulte pas davantage des termes de l'arrêté du préfet du Nord que celui-ci aurait examiné d'office si l'appelant pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur ce fondement. Dès lors, en application du principe rappelé au point 9, le moyen tiré de ce que, compte tenu de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la décision de rejet de sa demande de titre de séjour serait contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.

12. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif de la décision administrative attaquée.

13. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, la demande de titre de séjour a été présentée en qualité d'étudiant. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle sont, comme il a été rappelé au point 12, sans rapport avec la teneur de la décision et doivent donc être écartés comme inopérants.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 13 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision rejetant sa demande de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la légalité interne de l'obligation de quitter le territoire français :

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

16. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., de nationalité malienne, est entré irrégulièrement en France en 2011, juste avant ses quinze ans. Il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance à partir de l'année 2013 et jusqu'à sa majorité, puis a bénéficié d'un " contrat d'accueil jeune majeur ". Il a fait l'objet, en 2014, d'une première obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Il se prévaut de son jeune âge lors de son arrivée sur le territoire français, de la durée de son séjour ainsi que de la circonstance qu'il y suit des études. Toutefois, si M. C... séjourne en France depuis plusieurs années à la date de la décision attaquée, ce séjour s'est déroulé dans des conditions irrégulières et s'est poursuivi malgré la notification d'une mesure d'éloignement en 2014. Si l'appelant a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en 2014, les études qu'il poursuit ne présentaient plus, à la date de la décision attaquée, un caractère réel et sérieux, ainsi qu'il a été dit au point 6. M.C..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne se prévaut d'aucune attache familiale en France alors qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où réside toute sa famille. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C...a commis plusieurs délits, dont l'un ayant donné lieu à une condamnation à une peine d'emprisonnement, ainsi qu'il a été dit au point 7. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et malgré le jeune âge de M. C...lors de son arrivée en France, l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'appelant.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1, 2, 15 et 16 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet est entachée d'illégalité.

Sur la légalité interne de la décision fixant le délai de départ volontaire :

18. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

19. M. C...n'apporte aucun élément justifiant l'octroi, à titre exceptionnel, d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'en retenant ce délai, le préfet du Nord aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1, 18 et 19 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'illégalité.

Sur la légalité interne de la décision fixant le pays de destination :

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 que M. C...n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.

22. M. C...n'apporte aucune précision ni aucun élément de preuve à l'appui du moyen selon lequel un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision attaquée est contraire à ces stipulations.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2, 21 et 22 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....

N°18DA00498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00498
Date de la décision : 31/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-31;18da00498 ?
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