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15/11/2018 | FRANCE | N°16DA02515

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 15 novembre 2018, 16DA02515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Maison de quartier des Bois Blancs " a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, sous le n° 1504562, de constater le maintien de ses relations contractuelles avec la commune de Lille du fait de l'illégalité de la résiliation de la convention conclue le 29 octobre 1986 et de condamner cette commune à lui verser la somme de 233 292,38 euros au titre de sa participation à la rémunération de son directeur pour la période courant de 2011 à 2014. D'autre part, sous le n° 150992

9, l'association a demandé au tribunal, sur le fondement de l'article R. 5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Maison de quartier des Bois Blancs " a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, sous le n° 1504562, de constater le maintien de ses relations contractuelles avec la commune de Lille du fait de l'illégalité de la résiliation de la convention conclue le 29 octobre 1986 et de condamner cette commune à lui verser la somme de 233 292,38 euros au titre de sa participation à la rémunération de son directeur pour la période courant de 2011 à 2014. D'autre part, sous le n° 1509929, l'association a demandé au tribunal, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Lille à lui verser une provision de 233 292,38 euros.

Par un jugement n° 1504562 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de l'association tendant à la reprise des relations contractuelles avec la commune de Lille et rejeté le surplus de ses demandes.

Par une ordonnance n° 1509929 du 15 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de provision présentée par l'association.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2016, 2 juillet et 31 août 2018, l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", représentée par Me C...B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire, et cette ordonnance ;

2°) de condamner la commune de Lille à lui verser la somme de 376 180,16 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lille le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me C...B..., représentant l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", et de Me A...D..., représentant la commune de Lille.

Une note en délibéré présentée pour l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " a été enregistrée le 2 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention conclue le 29 octobre 1986, la commune de Lille a confié à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " la gestion et l'animation de la maison de quartier située rue du Général de la Bourdonnaye, également dénommée " centre social Rosette Demey ". La convention prévoyait la mise à disposition gratuite des locaux de la maison de quartier ainsi que l'octroi d'une subvention annuelle déterminée par le conseil municipal. Conclue initialement pour une durée de trois ans, cette convention a été tacitement reconduite à plusieurs reprises. Par une lettre du 18 janvier 2013, le maire de Lille a fait connaître à l'association sa décision de ne plus renouveler la convention au-delà du 29 octobre 2013. L'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", estimant que la commune de Lille a manqué à ses obligations contractuelles en n'assumant pas en totalité le coût de l'emploi de sa directrice, lui a demandé, par une lettre du 1er février 2015, de lui verser une indemnité correspondant à la différence entre les sommes qui lui ont été versées à ce titre et celles dont elle estime qu'elles lui étaient dues en application de la convention du 29 octobre 1986. Le silence gardé par la commune sur cette demande ayant fait naître une décision implicite de rejet, l'association a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande indemnitaire ainsi que d'une demande de provision présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " tendant à la reprise des relations contractuelles avec la commune de Lille, au motif que le terme prévu par la convention était dépassé et, d'autre part, rejeté la demande indemnitaire de l'association. Par une ordonnance du 15 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, compte tenu de l'intervention du jugement de fond, prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de provision présentée par l'association sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. L'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", qui expose qu'elle n'avait pas entendu demander au tribunal la reprise des relations contractuelles avec la ville, doit être regardée comme relevant appel du jugement du 29 novembre 2016 en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire, ainsi que de l'ordonnance du 15 décembre 2016.

Sur la régularité du jugement du 29 novembre 2016 :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 (...) ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le greffe du tribunal administratif de Lille a communiqué à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", le 22 juillet 2016, le premier mémoire en défense de la commune de Lille qu'il avait enregistré le 1er juillet 2016. L'appelante fait valoir que le pli que lui a adressé le tribunal ne contenait que les pièces jointes à ce mémoire. Toutefois, il est constant que, malgré les mentions du courrier de notification du tribunal selon lesquelles le pli était censé contenir un mémoire en défense, elle n'a réclamé la communication de celui-ci qu'après avoir reçu l'avis d'audience. En tout état de cause, il ressort des pièces du même dossier que la commune de Lille a adressé au tribunal, qui l'a enregistré le 16 août 2016, un second mémoire en défense dont le contenu était analogue au premier. Ce mémoire a été communiqué à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", qui ne conteste pas l'avoir reçu. Compte tenu de la similitude de leur contenu, et dès lors que l'association a disposé d'un temps suffisant pour répondre à ce second mémoire, l'absence de communication du premier mémoire en défense de la commune, à la supposer établie, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, pu préjudicier aux droits de l'intéressée. Celle-ci n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu et que le jugement du 29 novembre 2016, qui ne se fonde sur aucun élément qui ne lui aurait pas été communiqué, est entaché d'irrégularité pour ce motif.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Aux termes de l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décide de verser au contradictoire après la clôture de l'instruction un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient dans tous les cas de clore l'instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d'audience.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que si le second mémoire en défense de la commune de Lille, enregistré le 16 août 2016, était postérieur à la clôture de l'instruction fixée initialement au 10 juin 2016, ce mémoire a, ainsi qu'il a été dit au point 3, été communiqué à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " avec un délai de réponse de trente jours. En application des principes rappelés au point précédent, cette communication a eu pour effet d'entraîner la réouverture de l'instruction. L'appelante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait, en analysant ce mémoire et en s'appuyant sur son contenu, entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement du 29 novembre 2016 et de l'ordonnance du 15 décembre 2016 :

6. La convention conclue le 29 octobre 1986 par la commune de Lille et l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " stipule, à l'article 7, que : " La présente convention est passée sous les charges, clauses et conditions suivantes que l'association s'oblige d'exécuter et d'accomplir dans toute leur étendue à savoir : / (...) 14) recruter un directeur employé par une association adhérente au FONJEP (...) ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " La ville s'engage à remplir les charges et obligations ci-dessous énumérées : / (...) 6) verser à l'association une subvention de fonctionnement dont le montant sera déterminé chaque année par le conseil municipal (...). / (...) / 8) outre la participation financière visée ci-dessus, la ville s'engage à rémunérer l'association employeur du directeur mentionné à l'article 7-14, au taux fixé par le FONJEP. Un contrat distinct liera la ville à l'association employeur, le FONJEP et l'association gestionnaire de la maison de quartier - centre social à cette fin. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la conclusion de cette convention et jusqu'en 1998, l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " a eu recours aux services d'une directrice employée par la fédération Léo Lagrange, association adhérente au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP), conformément aux prévisions du point 14 de l'article 7 cité ci-dessus. A partir du 1er janvier 1999, l'emploi de cette directrice a été transféré de la fédération Léo Lagrange à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", qui a conclu avec elle un contrat de travail et l'a rémunérée à compter de cette date. Les stipulations de la convention du 29 octobre 1986 citées au point précédent n'ont pas fait l'objet d'un avenant. En revanche, il résulte de l'instruction que la commune de Lille a accordé à partir de cette date à l'appelante une subvention supplémentaire correspondant, en partie au moins, au coût de l'emploi de sa directrice.

8. Par les stipulations du point 8 de l'article 8 de la convention du 29 octobre 1986, citées au point 6, la commune de Lille s'est engagée à reverser à une association tierce, employeur du salarié mis à la disposition de l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", et en contrepartie de cette mise à disposition, une somme correspondant au " taux fixé par le FONJEP ", c'est-à-dire au montant de la subvention accordée par le FONJEP à cette association tierce. Contrairement à ce que soutient l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", ces stipulations ne lui ouvrent aucun droit à recevoir le remboursement, par la commune, du coût de l'emploi d'une salariée qu'elle emploie directement, et ne sauraient être interprétées comme ayant une telle portée, alors même que la salariée qui était initialement mise à sa disposition par la fédération Léo Lagrange a été intégrée dans ses effectifs. Au surplus, et en tout état de cause, ce remboursement ne saurait, en application de ces stipulations, s'élever à la totalité du coût de l'emploi en cause et excéder ainsi le montant correspondant à ce qu'était le " taux fixé par le FONJEP ", au sujet duquel l'appelante n'apporte aucune précision.

9. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du transfert, le 1er janvier 1999, de l'emploi de la directrice de l'association " Maison de quartier des Bois Blancs ", le conseil municipal de la commune de Lille a adopté une délibération du 14 décembre 1998 approuvant le versement à l'association d'une subvention, complémentaire à celle qui lui était déjà versée au titre de ses frais de fonctionnement, correspondant à sa " participation au coût du poste de directeur " pour l'année 1999, et que le versement de cette subvention complémentaire s'est poursuivi au cours des années ultérieures. Toutefois, en tout état de cause, cette circonstance ne saurait caractériser la commune intention des parties de conclure un avenant à la convention précitée consistant à faire financer par la ville la totalité du coût de l'emploi de la directrice de l'association.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la commune de Lille aurait méconnu ses obligations contractuelles en ne lui remboursant pas la totalité du coût de l'emploi de sa directrice.

11. Par ailleurs, l'irrégularité de la décision de résiliation de la convention du 29 octobre 1986, à la supposer même établie, n'a pas pu entraîner, pour l'association appelante, un préjudice résultant de la privation du remboursement des frais engendrés par l'emploi de sa directrice au-delà de la date de résiliation de la convention, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 8, cette convention ne lui ouvrait pas droit, en tout état de cause, à obtenir un tel remboursement.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lille et sur la recevabilité de la demande de première instance, que l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du 15 décembre 2016, qui ne reposent sur aucune argumentation distincte, doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Lille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " de la somme qu'elle demande sur ce fondement.

14. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " le versement à la commune de Lille de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " est rejetée.

Article 2 : L'association " Maison de quartier des Bois Blancs " versera la somme de 1 500 euros à la commune de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Maison de quartier des Bois Blancs " et à la commune de Lille.

N°16DA02515 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02515
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Recettes - Subventions.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : NOURY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-15;16da02515 ?
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