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29/11/2018 | FRANCE | N°16DA00167

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16DA00167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me G...E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Fontaine-sous-Préaux l'a contrainte à consigner dans les mains d'un comptable public la somme de 1 763 875 euros HT, soit 2 109 594,50 euros TTC, correspondant au coût estimé de l'évacuation des déchets déposés dans le Bois de Waddington, à Fontaine-Sous-Préaux.

Par un jugement n° 1300416

du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me G...E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Fontaine-sous-Préaux l'a contrainte à consigner dans les mains d'un comptable public la somme de 1 763 875 euros HT, soit 2 109 594,50 euros TTC, correspondant au coût estimé de l'évacuation des déchets déposés dans le Bois de Waddington, à Fontaine-Sous-Préaux.

Par un jugement n° 1300416 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016, et des mémoires, enregistrés le 23 mai 2016 et le 27 septembre 2016, Me G...E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, représenté par la SCP Beuvin et Rondel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 17 septembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Fontaine-sous-Préaux d'abroger cet arrêté dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de " statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens ".

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me F...I..., représentant MeE..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, et de Me C...A..., substituant Me H...D..., représentant la commune de Fontaine-sous-Préaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Fontaine-sous-Préaux, après avoir constaté l'existence d'un dépôt de gravas produits et transportés par la société B...TP dans le bois de Waddington, a, par lettre du 3 mai 2011, d'une part avisé cette société des faits qui lui étaient ainsi reprochés ainsi que des sanctions qu'elle encourait, et d'autre part l'a informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois. Par lettre du 10 juin 2011, cette même autorité administrative a mis en demeure la société B...TP de procéder à l'enlèvement de ces déchets. Ces deux lettres étant restées sans réponse, par un arrêté du 17 septembre 2011, la société B...TP a été contrainte de consigner dans les mains d'un comptable public la somme de 1 763 875 euros HT, soit 2 109 594,50 euros TTC, correspondant au coût estimé de l'évacuation des déchets.

2. MeE..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, relève appel du jugement du 8 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 17 septembre 2011.

Sur la tardiveté de la demande de première instance :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

4. L'article 2 de l'arrêté litigieux précise que, pour le recouvrement de la somme devant ainsi être consignée, un titre de recettes sera émis à l'encontre de la société B...TP. L'article 5 de cet arrêté indique la possibilité dont disposera alors cette société de former une réclamation auprès du comptable public contre ce titre de recettes à émettre, dans le délai de deux mois à compter de sa notification, ainsi que la possibilité de former opposition devant le tribunal administratif, sans d'ailleurs indiquer le délai pour former cette opposition. En revanche, les délais et voies de recours relatifs à la consignation décidée par cet arrêté n'ont pas été mentionnés dans la notification de celui-ci. La notification de cette décision de consignation ne comportant pas les mentions requises, le délai de deux mois, prévu par les dispositions citées au point précédent, n'est pas opposable. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la commune de Fontaine-sous-Préaux ne peut qu'être écartée.

5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

6. L'édiction de cet arrêté du 17 septembre 2011, alors même qu'aucun titre exécutoire n'a par la suite été émis, a eu pour effet d'ouvrir à la commune de Fontaine-sous-Préaux la faculté d'émettre un tel titre. L'appelant n'est ainsi pas fondé à soutenir que, aucune situation n'ayant été consolidée par l'effet du temps en l'absence d'émission d'un titre exécutoire, les règles énoncées au point précédent seraient insusceptibles de s'appliquer en l'espèce. Le principe de sécurité juridique fait ainsi obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment cet arrêté, dans les conditions décrites au point précédent.

7. Le conseil de la société B...TP a, dans une lettre du 21 octobre 2011 adressée au maire de la commune de Fontaine-sous-Préaux, indiqué que " la société B...TP (...), par l'intermédiaire de son représentant légal, me remet un dossier qui laisse apparaitre que vous avez pris un arrêté en date du 17 septembre 2011 lui ordonnant d'avoir à consigner entre les mains d'un comptable public une somme de 1 763 875 euros HT, soit 2 109 594,50 euros TTC, correspondant au coût estimé de l'évacuation des déchets déposés sauvagement sur la propriété de M.B..., sis au Bois de Waddington ". Cette lettre révèle que la société B...TP a nécessairement eu connaissance de cet arrêté au plus tard le 21 octobre 2011. Dans le cadre de la réponse de la commune à ce courrier du 21 octobre 2011, le même conseil de la société B...TP a d'ailleurs été rendu une nouvelle fois destinataire de cet arrêté, lequel était accompagné du courrier du 3 mai 2011 et de la mise en demeure du 10 juin 2011 qui l'ont précédé.

8. En tout état de cause, et après que cette société a été placée en procédure de redressement judiciaire, et que Me E...en a été désigné mandataire judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de terre et de mer de Dieppe du 28 octobre 2011, la commune a transmis à MeE..., par lettre avec avis de réception, une déclaration de créance du 15 décembre 2011 comportant copie de l'arrêté en litige ainsi que l'ensemble des éléments relatifs à la procédure menée à l'encontre de la société B...TP. Par une lettre du 20 mars 2012, Me E...a d'ailleurs informé le conseil de la commune de Fontaine-sous-Préaux de ce que, " dans le cadre de la procédure de vérification des créances déclarées au passif de la société B...TP ", il contestait cette déclaration de créance ce qui révèle qu'en sa qualité de mandataire judiciaire de la société B...TP, il avait également et nécessairement eu connaissance de l'arrêté en litige.

9. Ni la lettre du 21 octobre 2011 de la société B...TP visée au point 7, tendant uniquement à ce que lui soient communiqués certaines pièces et certains éléments d'information, ni celle du mandataire liquidateur du 20 mars 2012 visée au point 8, visant exclusivement à informer la commune de Fontaine-sous-Préaux de la contestation de la créance " dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société B...TP ", ne peuvent en tout état de cause être qualifiés de recours gracieux dirigés contre l'arrêté contesté du 17 septembre 2011.

10. Par ailleurs, ni la circonstance qu'aucun titre exécutoire n'a été émis à la suite de cette arrêté, ni le placement en redressement judiciaire de la société B...TP le 28 octobre 2011 ne constituent en l'espèce des circonstances particulières justifiant que le délai raisonnable excède un an.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 10 qu'en l'absence de circonstances particulières, la demande formée le 18 février 2013 à l'encontre de l'arrêté du 17 septembre 2011 , soit plus d'un an après que la société B...TP et son mandataire liquidateur en aient acquis la connaissance, était tardive et, par suite, irrecevable.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée de l'absence de moyens d'appel, que MeE..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au procès :

13. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Me G...E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Fontaine-sous-Préaux.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MeE..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, est rejetée.

Article 2 : MeE..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP, versera à la commune de Fontaine-sous-Préaux une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me G...E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société B...TP et à la commune de Fontaine-sous-Préaux.

N°16DA00167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00167
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07 Procédure. Introduction de l'instance. Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP BEUVIN et RONDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-29;16da00167 ?
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