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24/01/2019 | FRANCE | N°18DA01236

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 24 janvier 2019, 18DA01236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet de la Somme a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1801490 du 23 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 15 mai 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'ann

uler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet de la Somme a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1801490 du 23 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 15 mai 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...est une ressortissante érythréenne née en 1990 et entrée en France en septembre 2017, selon ses déclarations. Elle a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Somme. Il est apparu que l'intéressée avait déjà présenté une demande de cette nature auprès des autorités italiennes en 2007 et qu'elle avait obtenu le statut de réfugié dans ce pays. Par un arrêté du 15 mai 2018, le préfet de la Somme, considérant que Mme B...était en situation irrégulière en France, et réadmissible sur le territoire italien, a décidé sa remise aux autorités italiennes sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Somme demande l'annulation du jugement du 23 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté du 15 mai 2018.

Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Pour annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet de la Somme a décidé la remise aux autorités italiennes de MmeB..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que les autorités italiennes n'avaient pas accepté la reprise en charge de Mme B...à la date de l'arrêté en litige, et d'autre part, de la méconnaissance de l'article 17 du même règlement, dès lors qu'en tout état de cause, la situation familiale de l'intéressée justifiait que la France se reconnaisse responsable de sa demande d'asile.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. / 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité ".

5. Enfin, aux termes de l'article premier du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Le présent règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride (...) ". Aux termes de l'article 2 du même règlement : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / (...) c) " demandeur ", le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n'a pas encore été statué définitivement (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 de ce règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 18 dudit règlement : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". Enfin, aux termes du premier paragraphe de l'article 26 du même règlement : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, il résulte des motifs de l'arrêté en litige que le préfet de la Somme s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 3, pour décider la remise aux autorités italiennes de Mme B.... Il relève que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France, faute de respecter l'ensemble des conditions fixées par les articles L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment de disposer de moyens d'existence suffisants et qu'elle est, en application des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-italien du 3 octobre 1997, citées au point 4, légalement réadmissible dans ce pays, qui l'a admise à séjourner sur son territoire en qualité de réfugiée. Cette mesure de remise aux autorités italiennes, qui n'a pas pour objet de transférer l'intéressée vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, au sens du règlement du 26 juin 2013 cité au point 5, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de ce règlement. Par suite, sont inopérants les moyens tirés de ce que, d'une part, l'arrêté en litige aurait méconnu les dispositions de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013, faute d'avoir été précédé d'un accord de reprise en charge des autorités italiennes, et d'autre part, le préfet de la Somme aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du même règlement en ne décidant pas d'examiner sa demande d'asile.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur ces motifs pour annuler l'arrêté en litige. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B... devant la juridiction administrative.

Sur l'autre moyen soulevé par MmeB... :

8. Mme B...fait valoir qu'elle était enceinte à la date de l'arrêté en litige, et se prévaut de la relation amoureuse qu'elle entretiendrait avec un compatriote séjournant régulièrement en France, où il s'est vu reconnaître le statut de réfugié. Il ressort des pièces du dossier que, la mesure d'éloignement contestée n'ayant pas été exécutée, l'enfant de l'appelante est né en France le 1er août 2018 et qu'il a été reconnu par celui qu'elle présente comme son compagnon. Toutefois, MmeB..., qui se borne à produire une copie de la carte de résident de cet individu et indique ne pas vivre avec lui, n'apporte aucune preuve de la réalité de leur union, qui est contestée par le préfet de la Somme en appel. Son état de grossesse à la date de la décision en litige ne constitue pas, par lui-même, un obstacle à son éloignement à destination de l'Italie, où elle était susceptible de recevoir les soins nécessaires. Enfin, il ressort des déclarations de Mme B...elle-même qu'elle séjournait en Italie depuis une dizaine d'années lorsqu'elle est entrée en France, à une date qui demeure très récente. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il en résulte que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d'illégalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 15 mai 2018. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens du 23 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme B...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur , à Mme C...B...et à Me D...A....

N°18DA01236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01236
Date de la décision : 24/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : RIO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-01-24;18da01236 ?
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