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05/02/2019 | FRANCE | N°16DA01097

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 05 février 2019, 16DA01097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) ALPI, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010, ainsi que des pénalités et des amendes de l'article 1737 du code général des impôts dont ces rappels ont été assortis.

Par un jugement n° 1305753 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des pénalités pour manoeuvres fra

uduleuses dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) ALPI, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010, ainsi que des pénalités et des amendes de l'article 1737 du code général des impôts dont ces rappels ont été assortis.

Par un jugement n° 1305753 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux livraisons aux sociétés FAPE et Hypertrade et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 juin 2016, 12 octobre 2017 et le 17 décembre 2018, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des majorations pour manoeuvres frauduleuses dont une partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL ALPI a été assortie ;

2°) à titre principal, de remettre à la charge de la SARL ALPI les majorations pour manoeuvres frauduleuses dont la décharge lui a été accordée par le tribunal administratif de Lille, à titre subsidiaire, de leur substituer les majorations pour manquement délibéré ;

3°) de rejeter l'appel incident formé par Me B...pour la SARL ALPI.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), conclue à Genève le 19 mai 1956 ;

- la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) ALPI, dont le siège est situé à Tourcoing (Nord), exerce une activité de vente en gros de lubrifiants pour moteurs. Elle a fait l'objet, en septembre 2011, d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010. A l'issue de ce contrôle, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été envisagés, pour les périodes du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010, et portés à la connaissance de la SARL ALPI par des propositions de rectification respectivement datées du 22 décembre 2011 et du 25 juin 2012. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ont donc été mis en recouvrement le 10 janvier 2013. Après admission partielle de sa réclamation en ce qui concerne la majoration pour manoeuvres frauduleuses dont une partie de ces impositions supplémentaires ont été assorties, la SARL ALPI a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, qui, par un jugement du 12 mai 2016, a prononcé la décharge des majorations pour manoeuvres frauduleuses demeurant à.sa charge et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant, d'une part, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010, et d'autre part, à la décharge des amendes de l'article 1737 du code général des impôts qui lui ont été infligées

2. Le ministre relève appel de ce jugement et demande, à titre principal, que les majorations pour manoeuvres frauduleuses dont la décharge a été accordée à la SARL ALPI soient remises à sa charge. A titre subsidiaire, il demande que leur soient substituées les majorations prévues en cas de manquement délibéré. MeB..., agissant en tant que mandataire liquidateur de la SARL ALPI, conclut au rejet de cette requête et, par la voie de l'appel incident, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL ALPI :

3. Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 3 de leur jugement, tirés de l'incompétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour connaître du bien-fondé du régime d'exonération sous lequel la SARL ALPI s'était placée, d'écarter le moyen tiré de ce que, en méconnaissance de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, la SARL ALPI aurait été privée de la possibilité de saisir cette commission.

4. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par un assujetti, agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, le fait générateur de la taxe étant alors, comme le précise le a) du 1 de l'article 269 de ce code, la livraison du bien.

5. Cependant, aux termes de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 : " A. Exonération des livraisons de biens. / Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-après et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les Etats membres exonèrent : / a) les livraisons de biens, au sens de l'article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte, en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un Etat membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens. ". Le 1° du I de l'article 262 ter du même code, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit que les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie bénéficient d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée.

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. Si toutefois, pour l'application des objectifs de l'article 28 quater de la sixième directive en matière de taxe sur la valeur ajoutée et des dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts rappelées au point précédent, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d'activité réelle.

7. En l'espèce, pour écarter cette présomption de réalité des opérations de livraison intracommunautaire que la SARL ALPI indiquait avoir effectuées, l'administration n'a aucunement soutenu que les destinataires de ces livraisons ne seraient pas identifiés par leur numéro d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, mais a, en revanche, écarté les justificatifs produits par cette société pour justifier de la réalité même de ces opérations.

S'agissant de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008 :

8. En vertu de l'article 4 de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), conclue à Genève le 19 mai 1956, les parties à un contrat de transport justifient de l'existence de celui-ci par la présentation d'un document dénommé " lettre de voiture ". En vertu du 1 de l'article 5 de la même convention, la lettre de voiture est établie en trois exemplaires originaux signés par l'expéditeur et par le transporteur, ces signatures pouvant être imprimées ou remplacées par les timbres de l'expéditeur et du transporteur si la législation du pays où la lettre de voiture est établie le permet. Cette stipulation ajoute que le premier exemplaire est remis à l'expéditeur, le deuxième accompagne la marchandise et le troisième est retenu par le transporteur. Enfin, en vertu de l'article 13 de la même convention, seuls le troisième exemplaire, détenu par le transporteur et, le cas échéant, à sa demande, le deuxième, qui accompagne les marchandises, sont destinés à être présentés à la signature du destinataire à la réception de la livraison.

9. L'administration a, d'une part, été amenée à constater que la SARL ALPI n'avait produit aucun justificatif s'agissant des livraisons intracommunautaires qu'elle aurait effectuées, durant la période en cause, auprès des sociétés Euroclub Trading, Axxon et Grup Coroes. D'autre part, il est apparu que, pour justifier de la réalité des livraisons intracommunautaires de lubrifiants aux sociétés de droit belge FAPE et Hypertrade qu'elle indiquait avoir également effectuées durant la même période, la SARL ALPI a produit, pour chacune de ces opérations, l'un des feuillets des lettres de voiture correspondantes, ces documents étant revêtus du timbre humide ou du paraphe des destinataires. Cependant, pour écarter ces documents comme n'étant pas de nature à justifier de la réalité même de ces opérations, l'administration a constaté que chacun des feuillets ainsi produits au vérificateur était, en réalité, le premier exemplaire de chaque lettre de voiture, à savoir celui qui, en vertu des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article 5 de la convention CMR, est destiné à être conservé par l'expéditeur. Ces feuillets n'avaient ainsi vocation ni à quitter les bureaux de la SARL ALPI ni à être présentés au destinataire des marchandises pour qu'il y appose sa signature. L'administration s'est fondée sur cette anomalie affectant le caractère probant des feuillets produits et a, par ailleurs, constaté, à l'occasion du contrôle sur place, que ces documents provenaient d'un même carnet à souches, alors même que les transporteurs, qui, en principe, sont les émetteurs des lettres de voiture, étaient différents pour chaque opération. Le vérificateur a, en outre, relevé, d'une part, que les documents produits étaient renseignés de façon manuscrite, d'autre part, que la SARL ALPI était en possession d'un tel carnet à souches vierge, alors que son activité ne le justifiait pas, seules les sociétés de transport ayant vocation à en détenir. Le ministre fait observer que ces anomalies s'inscrivent dans un contexte dans lequel la comptabilité de la SARL ALPI a été écartée comme non probante et dans lequel son gérant est aussi l'un des deux associés de la société FAPE. Enfin, au vu des renseignements collectés dans le cadre d'une demande de coopération des autorités belges, il est apparu au service, que le siège de cette dernière société, situé à Mouscron, n'est constitué que par une domiciliation postale, aucun équipement permettant la réception et le stockage de lubrifiants n'y étant disponible. L'ensemble des indices concordants ainsi réunis par l'administration permet, dans ces conditions, d'écarter les documents de transport produits par la SARL ALPI comme n'étant pas de nature à justifier de la réalité des livraisons intracommunautaires qu'elle indique avoir effectuées au cours de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008. Par suite, Me B...n'est pas fondé à se prévaloir, pour ces opérations, de la présomption résultant de l'article 28 quater de la 6ème directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, et l'administration a pu à bon droit remettre en cause le bénéfice du régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée.

S'agissant de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010 :

10. La SARL ALPI a fourni, pour justifier de la réalité des livraisons intracommunautaires qu'elle aurait réalisées durant cette période, des attestations émises par les sociétés FAPE et Hypertrade, selon lesquelles elles auraient reçu des marchandises de sa part. En outre, en ce qui concerne les livraisons effectuées auprès de la société FAPE, la SARL ALPI a indiqué au vérificateur qu'une tierce société de droit belge, la société Fraimastock, aurait émis des factures se rapportant à des prestations de stockage de lubrifiants au profit de la société FAPE. Mais elle n'a toutefois produit aucun élément au soutien de cette assertion, alors au demeurant que la société Fraimastock exerce une activité de stockage frigorifique. La SARL ALPI a également fourni des feuillets de lettre de voiture correspondant aux prestations de transport elles-mêmes, mais qui, comme pour la période précédente, constituent les exemplaires qui ne sont pas censés comporter la signature ni le cachet du destinataire. Ces documents sont ainsi affectés des mêmes anomalies que celles décrites au point précédent en ce qui concerne les documents de même nature fournis au vérificateur s'agissant de la période antérieure. Compte-tenu des autres indices avancés par le ministre au point précédent, l'administration était fondée à écarter ces documents de transport comme n'étant pas de nature à justifier de la réalité des livraisons intracommunautaires que la société indique avoir effectuées au cours de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010. Dans ces conditions, les seules attestations produites s'avèrent insuffisantes pour permettre à la SARL ALPI de se prévaloir de la présomption de l'article 28 quater de la 6ème directive du 17 mai 1977 invoquée. Enfin, si Me B...fait état de livraisons qui auraient été effectuées par cette société, au cours de la même période, auprès des sociétés Eurolub Trading, Axxon et Grup Coroes, aucun justificatif n'a été produit pour justifier de leur réalité. Il résulte de ce qui précède que l'administration a pu à bon droit remettre en cause le bénéfice du régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sous lequel la SARL ALPI avait placé l'ensemble des opérations qu'elle indique avoir réalisées au cours de cette période.

En ce qui concerne les amendes infligées à la SARL ALPI :

11. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / (...) / 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ; / 3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 % du montant de la transaction ; / (...) ".

12. A la suite de l'exercice, dans le cadre d'un précédent contrôle, de son droit de communication auprès d'une société Barbier Automobiles, concessionnaire automobile de la marque Peugeot installé à Vienne (Isère), l'administration a eu connaissance de ce qu'un certain nombre de factures enregistrées, durant la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008, dans la comptabilité de la SARL ALPI n'étaient pas reprises dans la comptabilité de ce client. Dès lors que la SARL ALPI n'a été en mesure de justifier ni de la réalité des livraisons ni des paiements correspondants, l'administration a regardé les factures émises à ce titre par cette société comme ne se rapportant pas à une opération réelle. Dans le cadre du même contrôle, qui s'est déroulé du 24 janvier 2008 au 27 mai 2009, l'administration a mis en oeuvre la procédure de visite et de saisie de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, et a ainsi saisi des pièces établissant l'absence de réalité physique des livraisons attachées à des factures émises par la SARL ALPI, durant la même période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008, à l'égard de la société Grand Garage de l'Orne. L'administration a donc décidé d'infliger, au titre de chacune de ces factures, l'amende prévue par ces dispositions du 2° de l'article 1737 du code général des impôts.

13. Au cours des mêmes opérations de contrôle, le vérificateur a constaté l'enregistrement, dans la comptabilité de la SARL ALPI, de deux autres factures émises à l'égard de cette même société Grand Garage de l'Orne pendant la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010. Ces factures, présentées au vérificateur, portent la mention " erreur d'annulation " et ont été émises le 3 août et le 3 septembre 2009 en contrepartie de trois factures d'avoir, datées du 31 octobre 2008, donc enregistrées plusieurs mois auparavant. A la suite d'une demande de justification qui lui a été adressée le 26 mars 2012 en ce qui concerne cette anomalie, la SARL ALPI a répondu que le compte client avait été soldé par le compte fournisseur le 30 avril 2009 pour le montant total des trois factures d'avoir, soit 137 115,74 euros. Ella a toutefois également précisé n'être en mesure de fournir aucun justificatif à ce sujet, faute d'avoir conservé les pièces afférentes à l'année 2007 où se situerait le fait générateur des avoirs. Dans ces conditions, l'administration a estimé que les deux factures de 2009 n'avaient été émises qu'à des fins purement comptables et qu'elles n'avaient trait à aucune transaction réelle. Si la SARL ALPI a pu finalement produire deux factures émises par elle le 31 décembre 2007, que les factures d'avoir de 2008 auraient eu pour objet d'annuler, il a pu être établi, au cours du contrôle, que ces factures de 2007 n'avaient elles-mêmes aucune contrepartie réelle, ce que la SARL ALPI, qui n'a pas été en mesure de fournir de justificatif sur ce point, n'a pas contesté. L'administration a donc décidé d'infliger, au titre desdeux factures de 2009 également, l'amende prévue par les dispositions précitées du 2° du I de l'article 1737 du code général des impôts.

S'agissant de la motivation de ces amendes :

14. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. ".

15. Il résulte de l'instruction que la SARL ALPI avait été rendue destinataire d'une précédente proposition de rectification, datée du 2 juin 2009, afférente à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée distinct de ceux présentement en litige et qui, portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 octobre 2007, faisait suite à la constatation du caractère fictif des factures émises à l'égard de la société Barbier Automobiles. Ce document démontre le caractère fictif des prestations correspondant à ces factures en exposant que ces dernières ne sont pas numérotées, qu'aucun double n'a pu être obtenu de la société Barbier Automobile dans l'exercice du droit de communication et que les montants en cause correspondent à diverses dépenses de la société requérante. La proposition de rectification du 11 décembre 2011, par laquelle l'administration a fait connaître à la SARL ALPI qu'elle envisageait de lui infliger les amendes en cause, comporte d'ailleurs la même démonstration. Cette proposition de rectification comporte, en outre, une liste de ces factures, ainsi qu'un tableau des factures émises par ailleurs à l'égard de la société Grand Garage de l'Orne durant la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008, ces listes précisant notamment les dates d'émission et le montant de ces factures. Ce même document précise que ces factures sont remises en cause en raison de ce qu'il a été constaté qu'elles ne correspondaient à aucune prestation réelle. Enfin, s'agissant des deux factures émises à l'égard de la même société en 2009, cette même proposition de rectification du 22 janvier 2011 fait mention du caractère fictif de l'écriture d'avoir passée en juillet 2007 et renvoie à la démonstration de ce caractère fictif contenue dans la proposition de rectification du 2 juin 2009, en précisant que celui-ci justifie le prononcé de l'amende en ce qui concerne les factures correspondantes, émises à l'égard de ce client, dont le montant est globalisé. Compte-tenu des précisions qu'elle comporte et des renvois, qu'elle opère, à des éléments d'information précédemment portés à la connaissance de la SARL ALPI, cette proposition de rectification du 22 janvier 2011, en tant qu'elle fait connaître à cette société que le prononcé des amendes en litige est envisagé sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article 1737 du code général des impôts, est ainsi suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par les dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

S'agissant de la régularité de la procédure préalable :

16. Le prononcé des amendes en litige n'avait pas à être précédé de l'envoi à la SARL ALPI d'une mise en demeure de justifier de la réalité des prestations correspondant aux factures concernées. En outre, la SARL ALPI n'a pas été privée de la possibilité de présenter des observations, dans le délai de droit commun de trente jours, sur les projets de rehaussements qui ont été portés à sa connaissance par la proposition de rectification du 22 janvier 2011, y compris en ce qui concerne ces amendes, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 14 février 2012, observations auxquelles l'administration a répondu le 21 mai 2012. Enfin, Me B...ne peut utilement invoquer un extrait de doctrine administrative, à savoir l'instruction BOI-INF-10-40-40-20120912, pour critiquer la régularité de la procédure d'imposition.

S'agissant du bien-fondé de ces amendes :

17. M. B...soutient que les amendes en cause ne pouvaient légalement être infligées à la SARL ALPI au taux de 50% prévu par le 2° du I de l'article 1737 du code général des impôts. Il ne saurait toutefois revendiquer l'application du taux de 5% prévu par les dispositions précitées du 3° du I de cet article, dès lors que l'administration n'a pas fondé les amendes en litige sur ces dispositions, qui trouvent seulement à s'appliquer dans le cas, qui n'est pas celui de l'espèce, où la réalité des transactions est établie, mais où les factures correspondantes font défaut. Enfin, Me B...ne peut utilement se prévaloir d'enregistrements dans une comptabilité qui a été écartée par l'administration comme ne présentant pas un caractère probant. Il suit de là qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, qui n'ont pas inversé la charge de la preuve, l'administration, en faisant valoir que la réalité des opérations correspondant aux factures en cause n'avait pas été établie, a apporté des éléments suffisants pour établir que la SARL ALPI était dans la situation visée au 2° du I de l'article 1737 du code général des impôts justifiant le prononcé de ces amendes.

18. Il résulte de ce qui précède, aux points 11 à 17, que les conclusions de Me B...tendant à la décharge des amendes infligées à la SARL ALPI ne sont pas fondées. Il n'est ainsi pas nécessaire pour la cour de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre.

19. Il résulte de tout ce qui précède, aux points 3 à 18, que les conclusions d'appel incident présentées par Me B...doivent être rejetées.

Sur l'appel principal :

20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

21. L'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux facturations émises à l'égard des sociétés de droit belge FAPE et Hypertrade de la majoration de 80% prévue en cas de manoeuvre frauduleuses par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. Pour accorder à la SARL ALPI la décharge de celles de ces majorations qui restaient en litige, les premiers juges ont tout d'abord relevé que les feuillets de lettres de voiture produits par la SARL ALPI, d'une part, comportaient la signature du destinataire des livraisons alors qu'il s'agissait du premier exemplaire censé demeurer en la possession de l'expéditeur, d'autre part, étaient issus du même carnet à souche, alors que les lettres de voiture sont en principe attachées à un seul transporteur et émises sous leur en-tête. Ils ont toutefois estimé que ces seules circonstances ne suffisaient pas à permettre à l'administration fiscale d'établir que la SARL ALPI se serait rendue coupable de falsifications dans le but de l'égarer dans son contrôle ni, par suite, de manoeuvres frauduleuses de nature à justifier la majoration de 80% prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

22. Pour critiquer ce motif et pour justifier l'application de cette majoration, le ministre fait valoir que les faits relevés par le tribunal administratif sont de nature, au contraire, à jeter le doute, non seulement sur le caractère probant de ces documents, mais aussi sur l'identité de leur émetteur réel et sur la régularité des conditions dans lesquelles ceux-ci ont été rédigés. Il ajoute que le vérificateur a constaté lors du contrôle que la SARL ALPI était en possession d'un carnet à souche de lettres de voitures vierges, alors que son activité ne le justifiait pas. Il constate d'ailleurs que les feuillets produits pour justifier de la réalité des livraisons effectuées tant à l'égard de la société FAPE que de la société Hypertrade ont été établis de façon manuscrite, alors que les lettres de voiture sont généralement émises par les logiciels informatiques des transporteurs. Enfin, le ministre replace notamment l'utilisation répétée de ces documents dans un contexte de proximité des sociétés ALPI et FAPE, qui ont des associés communs, et fait observer que cette dernière ne dispose que d'une domiciliation postale en Belgique et d'aucune infrastructure permettant la réception et le stockage des fluides que la SARL ALPI prétend lui avoir livrés.

23. Les indices ainsi avancés par le ministre, qui supporte la charge de prouver l'existence de manoeuvres frauduleuses, sont de nature à révéler que la SARL ALPI a, en toute connaissance de cause, eu recours, de façon systématique, à un procédé destiné à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Ces agissements justifient l'application de ces majorations, dont ont été à bon droit assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause.

24. Il résulte despoints 20 à 23, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge partielle des majorations pour manoeuvres frauduleuses, d'autre part, à demander que ces majorations restant en litige soient remises à la charge de la SARL ALPI.

Sur les frais liés au litige :

25. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par Me B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les majorations pour manoeuvres frauduleuses dont la décharge a été prononcée par cet article 1er de ce jugement sont remises à la charge de la SARL ALPI.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me B...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à Me A...B..., en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL ALPI.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°16DA01097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01097
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : DRANCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-05;16da01097 ?
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