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21/03/2019 | FRANCE | N°18DA01401

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 18DA01401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Véron International a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 avril 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'Eure a refusé de l'autoriser à licencier Mme D...E...C....

Par un jugement n° 1301686 du 2 février 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA01857 du 17 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la soci

été Véron International contre ce jugement.

Par une décision n° 397059 du 4 juillet 2018, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Véron International a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 avril 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'Eure a refusé de l'autoriser à licencier Mme D...E...C....

Par un jugement n° 1301686 du 2 février 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA01857 du 17 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Véron International contre ce jugement.

Par une décision n° 397059 du 4 juillet 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2018, Mme D...E...C..., représentée par Me A...B..., conclut au rejet de la requête d'appel de la société Véron International et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruébo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 11 avril 2013, l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'Eure a refusé à la société Véron International l'autorisation de licencier pour faute grave Mme E... C..., salariée protégée détenant notamment les mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Par un jugement du 2 février 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Véron International tendant à l'annulation de cette décision. Par une décision du 4 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour du 17 décembre 2015 rejetant l'appel formé par la société Véron International contre ce jugement, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Si la société Véron International soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance de ces dispositions, les signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur de l'affaire, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait. La circonstance que l'expédition notifiée à la requérante ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur la légalité du refus d'autorisation de licenciement :

En ce qui concerne la motivation de la décision de l'inspecteur du travail :

4. La décision de l'inspecteur du travail du 11 avril 2013 comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle se prononce notamment sur l'ensemble des griefs de l'employeur. Par suite, elle est suffisamment motivée.

En ce qui concerne les motifs de refus d'autorisation de licenciement :

5. Pour refuser à la société Véron International l'autorisation de licencier Mme E...C..., l'inspecteur du travail a estimé que la procédure engagée par l'employeur était entachée d'un " vice substantiel ", que plusieurs griefs adressés à l'intéressée résultaient de l'exercice de ses mandats représentatifs et ne correspondaient pas à des fautes dans l'exécution de son contrat de travail, enfin qu'il existait, en conséquence, un lien entre ces mandats et la procédure de licenciement.

S'agissant du motif de refus tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'employeur :

6. Il résulte des dispositions, alors applicables, de l'article L. 2421-3 du code du travail que : " tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-9 du même code : " l'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...C...a eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés lors d'un entretien avec son employeur le 22 mars 2013 au matin et que le comité d'entreprise a été consulté par l'employeur l'après-midi de ce même jour. Si elle n'a pas pu, dans ces conditions, préparer utilement des éléments de défense devant le comité d'entreprise, celui-ci a rendu, à l'unanimité, un avis défavorable au licenciement. Dans ces conditions, la brièveté du délai dans lequel Mme E...C...a préparé son audition n'est pas, en l'espèce, de nature à faire regarder cet avis comme ayant été émis dans des conditions ayant faussé cette consultation.

8. Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Rouen, la procédure de licenciement suivie par l'employeur n'était pas irrégulière et l'inspecteur du travail n'était pas tenu de refuser la demande d'autorisation de licenciement.

S'agissant du motif de refus tiré de ce que les griefs de l'employeur concernaient l'exercice des mandats représentatifs :

9. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

10. Il ressort des termes de la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail par la société Véron International, d'ailleurs consécutive à une mise à pied de Mme E...C..., que cette demande était fondée sur l'existence de fautes reprochées à celle-ci. L'autorité administrative ne peut autoriser le licenciement d'un salarié protégé pour un motif distinct de celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande. Par suite, la société Véron International s'étant bornée à invoquer un motif disciplinaire à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement de Mme E... C..., l'inspecteur du travail ne pouvait se prononcer qu'eu égard à ce motif. Il ne pouvait, sans entacher d'illégalité sa décision, rechercher si le comportement de l'intéressée ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise.

11. La société Véron International a reproché à Mme E...C...d'avoir harcelé moralement deux salariées de l'entreprise, chargées des opérations de paie et du contrôle qualité, notamment en les dénigrant auprès du personnel et en les insultant. Selon la société requérante, Mme E... C...invitait le personnel à lui signaler toute erreur dans leurs fiches de paie, en qualifiant les salariées chargées de cette fonction de " putes " ou de " salopes ", cherchait à chronométrer le temps de travail de l'une d'elles, imitait l'autre en la ridiculisant. Mme E...C...aurait aussi pris des décisions discriminatoires en matière d'attribution de bons cadeaux et de vêtements de sécurité. Elle aurait également, lors d'une réunion du comité d'entreprise, affirmé à tort que la mise sous enveloppe des fiches de paie était effectuée avec l'aide d'une personne extérieure au service des ressources humaines et n'aurait pas tenu compte des remarques qui lui ont été adressées à ce sujet, en novembre 2012, par la direction de l'entreprise. La société Véron International précise que les deux salariées se plaignant de harcèlement moral ont été placées en arrêt de travail et que le médecin du travail, le 4 mars 2013, a alerté la direction de l'entreprise sur des faits de harcèlement moral.

12. Les agissements relatés ci-dessus, à les supposer établis par les pièces du dossier, ont été, pour l'essentiel, commis par Mme E...C...en dehors de l'exécution de son travail, dans le cadre de l'exercice de ses mandats représentatifs. Ils ne peuvent être regardés, eu égard aux pièces produites, comme présentant un degré de répétition ou de gravité tel qu'ils traduiraient la méconnaissance, par l'intéressée, d'obligations découlant de son contrat de travail. Dans ces conditions, ces agissements ne peuvent motiver un licenciement pour faute. Par suite, le deuxième motif de refus retenu par l'inspecteur du travail, tiré de ce que les griefs de l'employeur concernaient l'exercice des mandats représentatifs, justifie à lui seul le refus de licenciement en litige. Ainsi, et quel que soit le bien-fondé du troisième motif de refus retenu par l'inspecteur du travail, tiré du lien entre le licenciement envisagé et les mandats de MmeC..., la société Véron International n'est pas fondée à soutenir que la décision du 11 avril 2013 est entachée d'illégalité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Véron International n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titres de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Véron International le versement à Mme E...C...de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Véron International est rejetée.

Article 2 : La société Véron International versera à Mme E...C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Véron International, à Mme D... E... C... et à la ministre du travail.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01401
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP VERDIER-MOUCHABAC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-21;18da01401 ?
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