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09/04/2019 | FRANCE | N°15DA00779

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 avril 2019, 15DA00779


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, la SAS clinique de l'Europe a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'article 2 de la décision du 12 mars 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé refusant de l'autoriser à exercer l'activité de soins de réanimation polyvalente au sein d'une unité de huit lits ou, à défaut, d'annuler cette décision dans son ensemble, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 199 500 euros en indemnisation des préjudices rés

ultant de l'illégalité des décisions du 16 octobre 2007 et du 12 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, la SAS clinique de l'Europe a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'article 2 de la décision du 12 mars 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé refusant de l'autoriser à exercer l'activité de soins de réanimation polyvalente au sein d'une unité de huit lits ou, à défaut, d'annuler cette décision dans son ensemble, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 199 500 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions du 16 octobre 2007 et du 12 juillet 2011 ayant rejeté ses demandes d'autorisation d'exercer l'activité de soins de réanimation médico-chirurgicale.

Par un jugement n° 1201511-1300728 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen, après les avoir jointes, a rejeté les demandes de la SAS clinique de l'Europe.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaire et récapitulatif, enregistrés les 12 mai 2015, 20 avril et 20 octobre 2017, la SAS clinique de l'Europe, représentée par Me C..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 mars 2015, ensemble l'article 2 de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 12 mars 2012 et la décision du 9 janvier 2013 du même ministre rejetant sa demande indemnitaire préalable ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, a minima, une somme de 2 945 696 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions des 16 octobre 2007 et 12 juillet 2011 lui refusant l'autorisation d'exercer l'activité de soins de réanimation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012 ;

3°) en tant que de besoin, d'ordonner une expertise visant à évaluer les préjudices subis ;

4°) mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la SAS clinique de l'Europe.

Considérant ce qui suit :

1. La clinique de l'Europe a demandé à deux reprises l'autorisation d'exercer une activité de soins de réanimation polyvalente au sein d'une unité de huit lits. Par deux décisions des 16 octobre 2007 et 12 juillet 2011, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH), devenu agence régionale de la santé (ARS), de Haute-Normandie a rejeté sa demande. A la suite d'un recours hiérarchique exercée par la clinique de l'Europe contre la décision du 12 juillet 2011, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, le 12 mars 2012, annulé cette décision et refusé à nouveau, pour un autre motif, l'autorisation sollicitée. La clinique de l'Europe interjette régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 mars 2015 par lequel il a, d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 mars 2012 en tant qu'elle rejetait sa demande et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 199 500 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions du 16 octobre 2007 et du 12 juillet 2011.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aucune norme, ni aucun principe n'impose que la jonction par le juge de deux recours distincts fasse l'objet d'un article dans le dispositif du jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce que son dispositif ne comporterait pas un tel article doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Contrairement à ce que soutient la clinique de l'Europe, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement attaqué d'une contradiction de motifs en reconnaissant, d'une part, la nécessité d'accroître l'offre de soins en services de réanimation et en niant, d'autre part, l'existence de besoins manifestes en ce domaine, dès lors qu'ils se sont bornés à faire état des constatations du schéma régional d'organisation sanitaire et de l'absence de démonstration par la clinique de l'Europe de l'existence de besoins manifestes supplémentaires venant compléter l'accroissement de l'offre prévue par le schéma.

4. L'article L. 6122-2 du code de la santé publique, dans ses versions successivement applicables au 16 octobre 2007 et au 12 juillet 2011, prévoyait que l'autorisation nécessaire à la création des activités de soins était accordée lorsque le projet répondait aux besoins de santé de la population identifiés par le schéma d'organisation sanitaire puis par le schéma régional d'organisation des soins, était compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ainsi qu'avec son annexe et satisfaisait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. La clinique de l'Europe soutient, à l'appui de ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat en raison de l'illégalité des décisions des 16 octobre 2007 et 12 juillet 2011, qu'elle a perdu une chance sérieuse d'obtenir, à ces deux dates, l'autorisation de pratiquer l'activité de soins de réanimation polyvalente au sein d'une unité de huit lits. Pour établir l'existence d'une perte de chance sérieuse de nature à engager la responsabilité de l'administration, le juge doit examiner si, à la date du refus litigieux, étaient remplies les conditions légales permettant de bénéficier de l'autorisation.

En ce qui concerne l'appréciation de la perte de chance au 16 octobre 2007 :

5. Aux termes de l'article L. 6121-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le schéma d'organisation sanitaire a pour objet de prévoir et susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins préventifs, curatifs et palliatifs afin de répondre aux besoins de santé physique et mentale. Il inclut également l'offre de soins pour la prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés. / Le schéma d'organisation sanitaire vise à susciter les adaptations et les complémentarités de l'offre de soins, ainsi que les coopérations, notamment entre les établissements de santé. Il fixe des objectifs en vue d'améliorer la qualité, l'accessibilité et l'efficience de l'organisation sanitaire (...) Le schéma d'organisation sanitaire est arrêté sur la base d'une évaluation des besoins de santé de la population et de leur évolution compte tenu des données démographiques et épidémiologiques et des progrès des techniques médicales et après une analyse, quantitative et qualitative, de l'offre de soins existante (...) ". L'article D. 6121-6 du même code disposait que " les objectifs quantifiés de l'offre de soins qui sont précisés par l'annexe au schéma d'organisation sanitaire prévue à l'article L. 6121-2 portent sur les activités de soins et les équipements matériels lourds faisant l'objet du schéma d'organisation sanitaire mentionnés à l'article L. 6121-1 ".

6. Si la clinique de l'Europe soutient que l'étude préalable de l'offre de soins sur le territoire de santé de Rouen-Elbeuf ayant présidé à l'élaboration du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) adopté le 30 mars 2006 repose sur des données anciennes remontant à l'année 2002, d'une part, il résulte de l'instruction qu'il s'agissait, à la date d'élaboration du schéma, des données disponibles les plus récentes et, d'autre part, elle n'apporte aucun élément de nature à établir leur caractère erroné ou insuffisant. Par ailleurs, si elle invoque l'insuffisance de l'offre de soins de réanimation sur le territoire de Rouen-Elbeuf, en prenant notamment appui sur des éléments statistiques non repris dans le SROS, ce schéma acte cette insuffisance et reconnaît les besoins en ce domaine, en relevant notamment que " les services de réanimation sont globalement engorgés puisque le taux d'occupation est souvent proche des 100% ". La clinique de l'Europe n'est ainsi pas fondée à exciper de l'illégalité du SROS en tant qu'il reposerait sur des données erronées, ni à soutenir qu'une étude reposant sur des données plus récentes aurait permis une meilleure appréciation des besoins en services de réanimation de nature à lui reconnaître une chance sérieuse de se voir délivrer l'autorisation d'exercice demandée.

7. La clinique de l'Europe invoque par ailleurs une atteinte au principe de mise en concurrence résultant, d'une part, de l'emploi d'une terminologie pour qualifier les services de réanimation retenue par le SROS différente de celle employée par le code de la santé publique, qui aurait " fait obstacle à une mise en concurrence du CHU de Rouen avec les autres promoteurs du territoire de santé de Rouen-Elbeuf " et, d'autre part, de l'absence de comparaison des mérites de chacun desdits promoteurs. Cependant, la clinique, qui se borne à évoquer une différence de terminologie, n'établit pas qu'il en serait résulté une confusion ou une interprétation erronée de sa demande de nature à compromettre ses chances d'obtenir l'autorisation sollicitée. Par ailleurs, la commission exécutive de l'ARH de Haute-Normandie a examiné, au cours de sa séance du 16 octobre 2007, les diverses demandes d'autorisation d'ouvertures de services de réanimation émanant notamment, s'agissant du territoire de santé en cause, de la clinique de l'Europe, du CHU de Rouen et du CHI Elbeuf-Louviers, se livrant ainsi à une appréciation des mérites comparés des différentes candidatures. La clinique de l'Europe n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une chance sérieuse de voir sa demande aboutir à défaut d'une comparaison éclairée des demandes concurrentes.

8. Il résulte des orientations du schéma régional d'organisation sanitaire de Haute Normandie adopté le 30 mars 2006 portant sur la période 2006-2011 qu'" au regard du bilan réalisé´ et de la nature des prises en charge délivrées, l'activité´ de soins de réanimation peut être développée dans les établissements publics de sante´ l'exerçant effectivement d'ores et déjà`. / Ainsi, l'unité´ de soins intensifs de neurochirurgie du site de Rouen sera transformée en unité´ de réanimation neurochirurgicale. / Si des besoins manifestes supplémentaires apparaissent sur le territoire de Rouen-Elbeuf, l'opportunité´ de créer une implantation nouvelle pourra être envisagée, en coordination avec les implantations existantes ".

9. Contrairement à ce que soutient la clinique de l'Europe, ces orientations du SROS, qui définissent la politique mise en oeuvre par l'ARH s'agissant de l'offre de soins en réanimation, peuvent être opposées à une demande d'autorisation d'exercice de l'activité de soins en réanimation polyvalente. Il résulte par ailleurs de leurs termes mêmes que l'ARH, à qui il appartient de porter une appréciation sur les demandes dont elle est saisie, n'est pas en situation de compétence liée pour délivrer les autorisations en cause, quand bien-même le demandeur respecterait les conditions d'exploitation d'un service de réanimation imposées par la réglementation en vigueur. Enfin, il résulte des dispositions précitées relatives aux schémas régionaux d'organisation des soins que le pouvoir normatif a entendu conférer une large autonomie aux ARH dans l'identification des besoins de la population en offres de soins et dans la manière d'y répondre.

10. En l'espèce, il résulte des orientations précitées du SROS de la Haute-Normandie pour les années 2006 à 2011 que, pour répondre aux difficultés générées par les taux d'occupation très élevés des services de réanimation du territoire de santé de Rouen-Elbeuf, qui approchaient souvent les 100 %, et identifiées, ainsi qu'il a été dit, tant dans le SROS que dans le rapport remis au comité régional d'organisation des soins de Haute-Normandie dans le cadre de l'instruction de la demande de la clinique de l'Europe, le choix a été fait de développer les services de réanimation existants dans les établissements publics de santé. Cette orientation, dont la clinique de l'Europe n'établit ni même ne soutient qu'elle serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, a été mise en oeuvre par une série de décisions en date du 16 octobre 2007, par lesquelles l'ARS de Haute-Normandie a accordé au CHU de Rouen et au CHI Elbeuf Louviers Val de Reuil l'autorisation de pratiquer les activités de réanimation dans diverses spécialités pour, respectivement, soixante-neuf et neuf lits. La clinique de l'Europe n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle disposait, au 16 octobre 2007, d'une chance sérieuse d'obtenir l'autorisation d'exercice d'activités de réanimation demandée dès lors, d'une part, que cette demande entrait en contradiction avec l'orientation principale de développement de ces activités au sein des établissements publics de santé et, d'autre part, qu'à la date de la décision en cause du 16 octobre 2007, cette orientation était mise en oeuvre. La clinique de l'Europe n'apporte pas plus d'éléments de nature à établir qu'en dépit de cette mise en oeuvre, il existait sur le territoire de santé de Rouen-Elbeuf des besoins manifestes supplémentaires auxquels ni les décisions du 16 octobre 2007, ni la structure de l'offre existante en matière de soins de réanimation n'auraient été en mesure de répondre.

En ce qui concerne l'appréciation de la perte de chance du 12 juillet 2011 :

11. La clinique de l'Europe reprend les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui de la contestation de la légalité de la décision du 16 octobre 2007. Il y a lieu de les écarter pour les motifs énoncés aux points 5 à 10.

12. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, contrairement à ce que soutient la clinique de l'Europe, la délivrance d'une autorisation de pratiquer l'activité de soins de réanimation nécessitant de porter une appréciation sur la demande dont elle est saisie, l'ARS n'est pas en situation de compétence liée pour la délivrer, quand bien-même le demandeur respecterait les conditions réglementaires d'exploitation d'un service de réanimation. Par suite, c'est à tort que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a estimé, dans sa décision du 12 mars 2012, que compte tenu de l'existence d'une implantation disponible au sein du territoire de Rouen-Elbeuf, le directeur général de l'ARS de Haute-Normandie était tenu d'accorder l'autorisation sollicitée. La clinique de l'Europe n'est donc pas fondée à soutenir que, la décision du 12 juillet 2011 étant illégale pour cette raison, elle a été privée d'une chance sérieuse d'obtenir l'autorisation sollicitée.

13. S'agissant enfin de la situation de l'offre de soins, si le rapport d'instruction de la demande déposée par la clinique de l'Europe identifie sur le territoire de santé en cause des besoins, qu'il qualifie cependant de " potentiels ", en ce qui concerne la réanimation, il résulte de ce même rapport que les taux d'occupation au CHU de Rouen et au CHI Elbeuf Louviers Val de Reuil s'élèvent respectivement à 86 % et 82 %, soit des taux inférieurs aux taux " souvent proches de 100% " évoqués par le SROS adopté en 2007, la réorganisation en cours des services de réanimation au CHI Eure-Seine devant par ailleurs avoir pour effet de réduire le nombre de transferts vers le CHU Rouen, qui relève d'un territoire de santé dont il est constant qu'il est, avec une moyenne en 2011 de 6,2 lits de réanimation pour 1 000 habitants, le mieux doté des quatre territoires de santé composant la région Haute-Normandie. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, l'orientation du SROS donnant priorité à l'ouverture de services de réanimation au sein d'établissements publics de santé avait été mise en oeuvre moins de quatre ans avant la demande d'ouverture litigieuse, dans le cadre des autorisations d'ouverture de soixante-dix-huit nouveaux lits de réanimation délivrées le 16 octobre 2007 au CHU de Rouen et au CHI Elbeuf Louviers Val de Reuil. Au 12 juillet 2011, les procédures administratives devant conduire à l'édification des bâtiments nécessaires à l'accueil de ces nouveaux lits étaient en cours, le retard finalement accumulé par la suite ne pouvant être pris en compte pour regarder, à cette date, ces autorisations comme purement virtuelles. Enfin, à la date en cause, le quatrième SROS, qui devait être adopté huit mois plus tard, était en cours d'élaboration et confirmait l'orientation du SROS précédant, en supprimant en outre toute possibilité d'ouverture de services de réanimation dans des établissements de santé privés. Ainsi qu'il sera dit ci-après, d'une part, cette orientation n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et, d'autre part, si le SROS IV relève que " l'activité importante de réanimation adulte sur le territoire de Rouen/Elbeuf nécessite une augmentation des capacités des services de réanimation et/ou de surveillance continue existants sur ce territoire de sante´ ", il précise que " l'appréciation du besoin doit en effet tenir compte de l'organisation et de l'activité de l'ensemble de la filière réanimation/surveillance continue. A cet effet un renforcement capacitaire des unités de réanimation chirurgicale et neurochirurgicale ainsi que de la surveillance continue du CHU est prévu ". Dans ces conditions, la clinique ne saurait être regardée comme établissant, au 12 juillet 2011, la réalité de besoins manifestes supplémentaires au regard de l'offre de soins sur le territoire de santé de Rouen-Elbeuf, dont il ne résulte au demeurant pas de l'instruction qu'elle aurait été manifestement dans l'incapacité de répondre aux besoins de la population, malgré son accroissement au cours de la période couverte par le troisième SROS. La clinique de l'Europe n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le refus qui lui a été opposé par la décision du 12 juillet 2011 était illégal ni, partant, qu'il lui aurait fait perdre une chance sérieuse d'obtenir l'autorisation sollicitée.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 12 mars 2012 :

S'agissant de la légalité externe :

14. Contrairement à ce que soutient la clinique de l'Europe, le comité national de l'organisation sanitaire et sociale appelé à se prononcer pour avis sur le recours hiérarchique exercé devant le ministre de la santé a été régulièrement convoqué par un courrier du 28 novembre 2011 auquel était joint l'ordre du jour de la séance du 8 décembre 2011. La circonstance que la décision attaquée du 12 mars 2012 soit fondée sur le projet régional de santé alors que ce dernier n'avait pas encore été adopté et que seul le schéma régional d'organisation des soins était opposable aux établissements de santé constitue en outre une erreur de plume sans incidence sur la légalité de la décision en cause dès lors, notamment, qu'elle vise également l'adoption du schéma régional d'organisation des soins.

S'agissant de l'exception d'illégalité du schéma régional d'organisation des soins :

15. Il résulte de l'article L. 1434-3-1 du code de la santé publique, dans sa version applicable à l'espèce, que " l'illégalité pour vice de forme ou de procédure du projet régional de santé et de ses composantes prévues à l'article L. 1434-2 ne peut être invoquée par voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document concerné ". Si la clinique de l'Europe déclare reprendre à l'appui de son recours dirigé contre la décision du 12 mars 2012 les moyens de légalité externe invoqués à l'encontre du schéma régional d'organisation des soins adopté par l'ARS de Haute-Normandie le 7 mars 2012, elle ne conteste pas les motifs du jugement attaqué et se borne à renvoyer à ses écritures de première instance. Il y a lieu, en l'absence en appel de tout complément juridique ou factuel, d'écarter les moyens en cause par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 à 11, 13, 14, 17 et 23.

16. Si, par ailleurs, la clinique de l'Europe conteste, au fond, les orientations de ce schéma consistant, s'agissant des services de réanimation, à limiter à un service par territoire de santé l'augmentation de l'offre de soins en ce domaine, elle n'apporte pas plus qu'en première instance les éléments de nature à démontrer que cette orientation serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation alors, notamment, que le territoire de santé de Rouen-Elbeuf est le mieux doté des quatre territoires composant la région Haute-Normandie, que l'activité des services de réanimation est soumise à des pics d'activité certes importants mais peu fréquents, que la Haute-Normandie fait partie des régions où la densité médicale des médecins anesthésistes réanimateurs est la plus faible de France, et que la technicité et la lourdeur de fonctionnement des services de réanimation imposent un regroupement des plateaux techniques et des moyens humains. Les éléments apportés par la clinique, tenant aux taux d'occupation des lits de réanimation, à l'accroissement de la population, au faible équipement de la région Haute-Normandie par rapport à la moyenne nationale, aux transferts en réanimation vers le CHU de Rouen-Elbeuf de patients venant d'autres territoires de santé et à l'absence de commencement des travaux d'aménagement de l'hôpital Charles Nicolle ne sont pas, à eux seuls, de nature à regarder les choix effectués par le SROS adopté le 7 mars 2012 relatifs aux besoins en services de réanimation comme entachés d'erreur manifeste d'appréciation. Ils ne permettent pas plus d'établir l'incapacité de l'offre de soins en réanimation à la date de la décision attaquée à répondre aux besoins de la population.

17. Le moyen tiré de l'atteinte à la liberté de la concurrence n'est assorti en appel d'aucune précision, ni d'aucune circonstance de fait ou de droit nouvelle. Il y a lieu dans ces conditions de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

18. Enfin, le détournement de pouvoir tiré de ce que le schéma régional d'organisation des soins et la décision litigieuse prise sur son fondement auraient été adoptés dans le seul but de faire obstacle à la concurrence générée par une offre de soins alternative émanant d'un établissement de santé privé n'est pas établi.

19. Il résulte de ce qui précède que la clinique de l'Europe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 12 mars 2012 et celles tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le dommage résultant de l'illégalité des décisions des 16 octobre 2007 et 12 juillet 2011 et à l'annulation de la décision du 9 janvier 2013 par laquelle le ministre de la santé a rejeté son recours préalable. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la clinique de l'Europe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée clinique de l'Europe et à la ministre des solidarités et de la santé.

2

N°15DA00779


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15DA00779
Date de la décision : 09/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Santé publique - Établissements privés de santé - Autorisations de création - d'extension ou d'installation d'équipements matériels lourds.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : LUCAS-BALOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-09;15da00779 ?
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