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28/05/2019 | FRANCE | N°17DA01316

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17DA01316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS " Établissements Gérard Leporcq et fils " a demandé au tribunal administratif de Lille d'arrêter le montant du décompte général du marché de désamiantage de la résidence Albert Camus à Villeneuve d'Ascq à la somme de 147 369,78 euros et de condamner le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Lille à lui payer cette somme, augmentée des intérêts moratoires à compter du 5 juillet 2012.

Par un jugement n° 1402858 du 4 avril 2017, le tribunal administratif d

e Lille a condamné le CROUS de Lille à verser à la SAS " Établissements Gérard Leporcq ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS " Établissements Gérard Leporcq et fils " a demandé au tribunal administratif de Lille d'arrêter le montant du décompte général du marché de désamiantage de la résidence Albert Camus à Villeneuve d'Ascq à la somme de 147 369,78 euros et de condamner le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Lille à lui payer cette somme, augmentée des intérêts moratoires à compter du 5 juillet 2012.

Par un jugement n° 1402858 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné le CROUS de Lille à verser à la SAS " Établissements Gérard Leporcq et fils " la somme de 11 205 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 22 mars 2014 et mis à la charge du CROUS de Lille les frais et honoraires d'expertise ainsi que le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2017, la SAS " Établissements Gérard Leporcq et fils ", représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il limite la condamnation prononcée à l'encontre du CROUS de Lille au montant de 11 205 euros ;

2°) de condamner le CROUS de Lille à lui verser la somme de 147 369,78 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 5 juillet 2012 ;

3°) de mettre à la charge du CROUS de Lille le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me C...D..., représentant la société " Etablissements Gérard Leporcq et fils ", et de Me A...B..., représentant le CROUS de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 10 octobre 2011, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Lille a confié à la SAS " Etablissements Gérard Leporcq et fils " le lot n° 1 " désamiantage/déconstruction " du marché portant sur la réhabilitation de la résidence universitaire Albert Camus à Villeneuve-d'Ascq. Par un courrier du 18 mai 2012, le maître d'oeuvre a adressé à cette société une liste de réserves à lever avant le 30 mai 2012. Par une décision du 25 mai 2012, dont la date de notification n'est pas connue, le CROUS de Lille a fixé la date d'achèvement des travaux au 15 mai 2012 et prononcé leur réception avec réserves. La société Leporcq est intervenue à nouveau sur le chantier le 29 mai 2012 afin de lever un certain nombre de réserves et en a informé le maître d'oeuvre par un courrier du 30 mai 2012. Par un courrier du 20 juin 2012, le CROUS de Lille, estimant que toutes les réserves n'avaient pas été levées, a mis en demeure cette société de réaliser les travaux nécessaires et de communiquer son planning d'intervention dans un délai de quinze jours, sous la menace d'une reprise en régie à ses frais et risques. Par un nouveau courrier du 26 juillet 2012, le CROUS de Lille a confirmé à l'intéressée la réalisation à ses frais et risques des travaux de levée des réserves. Le 20 décembre 2013, le CROUS de Lille a adressé à la société Leporcq un projet de décompte général, qu'elle a annulé et remplacé par un nouveau projet notifié le 13 février 2014. La société Leporcq a contesté ce décompte, puis a saisi le tribunal administratif de Lille d'un recours tendant à la condamnation du CROUS de Lille à lui verser la somme de 147 369,78 euros au titre du solde du marché. Par un jugement du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir rectifié le montant des prestations dues par le CROUS de Lille à la société Leporcq en exécution du marché et jugé que la reprise en régie aux frais et risques de cette société était intervenue dans des conditions irrégulières, de sorte qu'elle n'avait pas à en supporter le surcoût, a fixé le solde du marché à 11 205 euros et condamné le CROUS de Lille à verser cette somme à la société Leporcq. Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé des retenues opérées sur le décompte général :

En ce qui concerne les prestations non réalisées :

2. Aux termes de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales applicable en l'espèce : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. / Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire ". Aux termes de l'article 41.6 du même cahier : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse ".

3. D'une part, si la date de notification de la décision du CROUS de Lille prononçant la réception des travaux avec réserves n'est pas connue, il résulte de l'instruction que, le 18 mai 2012, le maître d'oeuvre a adressé à la société Leporcq la liste des réserves constatées quelques jours plus tôt lors des opérations préalables à la réception. La société Leporcq a d'ailleurs répondu à ce courrier dans le détail, le 30 mai 2012, après être intervenue à nouveau sur le chantier le 29 mai 2012 afin de lever certaines de ces réserves. Ainsi, les réserves ont bien été portées à sa connaissance et elle a été mise en mesure de remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes. La société Leporcq n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'absence de preuve de la notification de la décision de réception du maître d'ouvrage ferait obstacle à ce que soient déduites du décompte les sommes nécessaires aux travaux de levée des réserves qu'elle n'a pas réalisés.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille le 22 août 2012, sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, afin de " procéder au relevé de l'avancement des travaux effectués " par la société Leporcq, a estimé, dans son rapport remis le 31 mai 2013, qu'à la date du 13 juillet 2012, cette société avait " réalisé la totalité de sa prestation hormis les réserves suivantes : / - bouchement collecteur des eaux usées en sous-sol (prestation non comprise au CCTP) / - bouchement des traversées de plancher des gains à faire en zone 2-R+4 / - résidus de réseaux à déposer en zone 2-R+2 / - résidus de socles à déposer en zone 2-R+2 / - faux plafond à déposer en zone 2-R+4 / démolition d'édicules en parpaing à réaliser en zone 2-R+2 / - évacuation des déchets en zones 2-R+2 et 1-R+2 / - dépose et évacuation de certains équipements à faire en zones 2-RDC, 2-R+3, 1-RDC et 1-R+3 / - plinthes à déposer en zone 1-RDC. / A cette liste s'ajouteraient les bouchements à refaire (invérifiable) ". S'il est constant que l'expert n'a pas pu constater sur place l'état des travaux réalisés par la société Leporcq, dès lors que la société titulaire du marché de substitution avait déjà accompli sa mission, il résulte des termes de ce rapport que celui-ci a été établi après qu'ait été pris en compte l'ensemble des pièces du dossier, et notamment les constats d'huissier établis à la demande de chacune des parties. Dans ces conditions, à supposer même que l'expert ait excédé les limites de la mission qui lui avait été confiée par le juge des référés, son rapport n'en conserve pas moins une valeur probante, sous réserve d'une contestation sérieuse par les parties. Si la société Leporcq soutient qu'elle avait réalisé l'ensemble des prestations prévues par le marché et que les manquements énumérés par l'expert manquent en fait, elle ne l'établit pas. En particulier, contrairement à ce qu'elle soutient, le constat d'huissier qu'elle a fait établir le 13 juillet 2012, au demeurant pris en compte par l'expert qui en a salué la précision, ne mentionne pas que ces prestations ont été réalisées. Le CROUS de Lille, qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la cour avant la clôture de l'instruction, ne soutient plus, quant à lui, que la liste des imperfections et non-façons de la société Leporcq établie par l'expert serait incomplète, notamment en ce qui concerne l'arrachage des tapisseries, qui n'y figure pas. Dans ces circonstances, il y a lieu de tenir pour établi qu'à l'issue de son intervention du 29 mai 2012 visant à remédier aux réserves qui avaient été portées à sa connaissance, la société Leporcq avait réalisé l'ensemble des prestations prévues par le marché à l'exception de celles énumérées par l'expert et reprises ci-dessus, y compris les " bouchements à refaire " qui ont été constatés par le maître d'oeuvre lors des opérations préalables à la réception et qui ne font l'objet d'aucune argumentation spécifique de la part de l'appelante.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, compte tenu de la défaillance de la société Leporcq, qui n'a pas réalisé la totalité des travaux de levée des réserves qui avaient été portées à sa connaissance par le maître d'oeuvre, le CROUS de Lille est fondé à déduire de son décompte les sommes nécessaires à la réalisation de ces travaux. La société Leporcq n'est dès lors pas fondée à revendiquer le bénéfice de l'intégralité du prix du marché. Elle n'apporte, par ailleurs, aucun élément d'évaluation des prestations non réalisées mentionnées au point précédent. Il résulte de l'instruction, et en particulier des montants figurant sur le devis de l'entreprise Demathieu Bard, rendue attributaire du marché de substitution, que le montant de ces prestations peut être évalué à la somme de 30 000 euros toutes taxes comprises. Dès lors, sous réserve des pénalités de retard, la société Leporcq a droit au paiement de la somme de 191 725,13 euros toutes taxes comprises au titre des prestations réalisées en exécution du marché en cause. Elle est par suite fondée, dans cette mesure, à demander la rectification du décompte général sur ce point.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

6. L'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au présent litige stipule qu'en cas de retard dans l'exécution des travaux, des pénalités de retard sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. L'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières prévoit un délai global d'exécution des travaux de 4 mois et précise qu'il commence à courir à compter de la notification de l'ordre de service prescrivant le démarrage des travaux. L'article 4.3 du même cahier stipule que : " Sauf indication contraire, les pénalités, exprimées en HT, sont appliquées sans mise en demeure, sur simple constat de retard. Le nombre des jours de retard est obtenu par différence entre la date d'exécution et la date limite ". L'article 4.3.1 de ce cahier prévoit qu'il déroge aux stipulations du cahier des clauses administratives générales et stipule que : " Les pénalités journalières pour chaque délai sont de 1/400ème du montant définitif (avenants compris) du marché. / Le maître d'ouvrage se réserve la possibilité de supprimer tout ou partie de ces pénalités, si l'entreprise concernées fait de réels efforts en vue de rattraper son retard, sans cependant sacrifier la qualité de ses prestations, ou en compensation d'avance constatée sur d'autres parties de travaux ". En application de ces dernières stipulations, le montant définitif du marché étant de 210 166 € hors taxes, celui de la pénalité de retard journalière s'élève à 525,41 euros.

7. Il résulte de l'instruction que le démarrage des travaux a été fixé au 24 octobre 2011 par un ordre de service du 13 octobre 2011 prévoyant que la fin du délai pour l'exécution des prestations interviendrait le 24 février 2012. Le 6 décembre 2011, le maître d'ouvrage a accepté un devis de travaux supplémentaires de la société Leporcq se traduisant expressément par l'octroi d'un délai supplémentaire de dix jours. Ainsi, le terme normal du chantier était fixé au 5 mars 2012. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte de l'instruction qu'à la date de réception des travaux, soit le 15 mai 2012, l'intégralité des prestations prévues par le marché n'avait pas été réalisée. Dès lors, la société Leporcq peut se voir reprocher un retard de soixante et onze jours conduisant, par application du montant de la pénalité de retard journalière mentionnée au point précédent, à un montant total de pénalités de retard supérieur à celui de 33 955,20 euros retenu par le CROUS de Lille dans le projet de décompte. La société Leporcq n'est, par suite, pas fondée à demander la rectification du décompte général sur ce point.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

8. Si la société Leporcq soutient avoir réalisé des travaux supplémentaires " en cave " pour un montant de 26 312 euros, elle n'apporte aucun élément de preuve, ni même d'ailleurs aucune explication, à l'appui de ces prétentions, qui ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

En ce qui concerne la fixation du solde du marché :

9. Il est constant que le CROUS de Lille a déjà versé à la société Leporcq la somme de 142 781,02 euros en règlement du marché. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le solde du marché doit être arrêté à 14 988 euros toutes taxes comprises et le CROUS de Lille condamné à verser cette somme à la société Leporcq. Celle-ci est, par suite, fondée à demander que l'article 1er du jugement attaqué soit réformé en ce sens.

Sur les autres demandes de la société Leporcq :

10. La demande de la société Leporcq tendant au remboursement de " frais de caution " d'un montant de 440,22 euros n'est assortie d'aucune justification.

11. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille a mis à la charge du CROUS de Lille le versement à la société Leporcq de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette somme vise notamment à indemniser les frais exposés par l'intéressée pour faire réaliser les constats d'huissier qui ont été utiles à la solution du litige. Il ne résulte pas de l'instruction que le montant accordé à ce titre par le tribunal serait insuffisant.

12. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille ayant déjà mis les frais d'expertise à la charge du CROUS de Lille, la nouvelle demande présentée à ce titre par l'appelante apparaît dépourvue d'objet.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CROUS de Lille le versement à la société Leporcq de la somme qu'elle demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant du solde du marché est porté à la somme de 14 988 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 4 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Leporcq est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS " Etablissements Gérard Leporcq et fils " et au Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Lille.

N°17DA01316 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01316
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : LORTHIOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-28;17da01316 ?
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