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29/05/2019 | FRANCE | N°17DA00586

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 17DA00586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 avril 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre, à titre disciplinaire, la sanction de mise à la retraite d'office.

Par un jugement n° 1401748 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 9 mai

2019, le ministre chargé de l'éducation nationale demande à la cour d'annuler ce jugement et de rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 avril 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre, à titre disciplinaire, la sanction de mise à la retraite d'office.

Par un jugement n° 1401748 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 9 mai 2019, le ministre chargé de l'éducation nationale demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B...C...devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- l'arrêté du 10 août 2015 portant nomination (administration centrale) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., professeur certifié hors classe de lettres modernes affecté au collège Les Argousiers de la commune d'Oye-Plage, a été condamné, par jugement du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 24 octobre 2012, à un emprisonnement délictuel de douze mois, assorti d'un sursis total avec mise à l'épreuve durant trois ans, pour des faits d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans pour la période allant de courant septembre 2011 au 21 octobre 2011. L'intéressé a ensuite fait l'objet d'une décision de suspension provisoire de fonctions le 6 novembre 2012 et a aussi été informé, par un courrier du même jour, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. La formation disciplinaire de la commission administrative paritaire académique compétente à l'égard des professeurs certifiés s'est prononcée lors sa séance du 14 février 2013. Puis, par un arrêté du 22 avril 2013, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé à l'encontre de M.C..., à titre disciplinaire, la sanction de mise à la retraite d'office. Saisie par l'intéressé, la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a, lors de sa séance du 21 janvier 2014, émis l'avis de maintenir la sanction ainsi prononcée. Le ministre chargé de l'éducation nationale relève appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B...C... :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service (...) ". Par arrêté du Premier ministre et de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 10 août 2015, Mme E...a été nommée cheffe de service, adjointe à la directrice des affaires juridiques (groupe II) à la direction des affaires juridiques, à l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour une durée de trois ans à compter du 17 août 2015. Dès lors, à la date de l'enregistrement de la requête le 30 mars 2017, Mme E...disposait d'une délégation régulière pour signer cette requête au nom du ministre chargé de l'éducation nationale en application des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C...doit être écartée.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. C...a été reconnu coupable de faits d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans par un jugement du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 24 octobre 2012. Il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux d'audition de M. C... et du mineur en cause par les brigadiers du commissariat de police de Calais, ainsi que du compte rendu de la séance du 14 février 2013 de la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire académique compétente à l'égard des professeurs certifiés et de la lettre du 26 octobre 2012 que l'intéressé a adressée au recteur de l'académie de Lille, que M.C..., qui a reconnu les faits, a eu deux relations sexuelles avec le mineur en cause durant la période allant de courant septembre 2011 au 21 octobre 2011, dont au moins une à son domicile. Les faits reprochés à M. C... constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, ce qu'il ne conteste au demeurant pas. S'il est constant qu'à la date des faits reprochés, le mineur n'était plus l'élève de M.C..., ni même scolarisé dans le collège où il exerce, il ressort toutefois des pièces du dossier que la victime avait quitté le collège depuis très peu de temps et que des échanges sur le réseau social " Facebook ", dépassant le cadre attendu des relations entre les enseignants et leurs élèves, se sont noués dès après que le mineur en cause a quitté le collège. S'il est également constant que ce mineur a eu quinze ans quelques jours après les faits reprochés, ce qui a d'ailleurs justifié la relaxe partielle dont M. C... a bénéficié, il n'en reste pas moins que la victime était mineure de quinze ans au moment des faits. S'il ressort également des pièces du dossier l'absence de menace, contrainte ou surprise et que le mineur a consenti, voire a été à l'initiative, parfois de manière insistante, des rapports intimes qu'ils ont eus, M.C..., dont la différence d'âge avec la victime est importante, n'a toutefois pas su résister à ses avances, ainsi qu'il le reconnaît d'ailleurs lui-même. Il ressort aussi des pièces du dossier que M. C... a été, à plusieurs reprises, à l'initiative de leurs échanges dérivant sur des sujets intimes, sur le réseau social " Facebook ". En outre, si ni le mineur ni ses parents ne se sont portés partie civile devant le tribunal correctionnel, la mère du mineur ayant estimé, lors de ses auditions, que son fils n'avait subi aucun préjudice psychologique, il n'en reste pas moins qu'elle a porté plainte à l'encontre de M. C.... S'il est également constant que M. C... n'a pas d'antécédent judiciaire ou disciplinaire et qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, tout en reconnaissant " une admiration qui reste de l'ordre de la contemplation " pour les adolescents, a nié lors de ses auditions toute attirance physique à leur égard, il reconnaît l'existence d'un dérapage grave qu'il n'a pas su éviter, ni même arrêter après le premier acte répréhensible. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la manière de servir de M. C... a été évaluée de manière élogieuse par sa hiérarchie et appréciée par ses élèves et leurs parents, qui lui ont manifesté leur soutien, et que le juge pénal, tout en le soumettant à une mise à l'épreuve de trois ans et en l'inscrivant au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, n'a pas, sous réserve d'une interdiction d'entrer en contact avec la victime, prononcé à son encontre de peine complémentaire d'entrer en contact avec des mineurs. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'ait été évoqué un risque de récidive. Toutefois, compte tenu de l'ensemble de ce qui précède et eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service et même lorsque ceux-ci affirment consentir à une relation, voire en sont à l'initiative, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature de la faute commise par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, la sanction de mise à la retraite d'office n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée.

6. Il suit de là que le ministre chargé de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 22 avril 2013 par lequel il a prononcé à l'encontre de M.C..., à titre disciplinaire, la sanction de mise à la retraite d'office.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les autres moyens soulevés par M.C... :

8. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme D...A...a été nommée directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieure et de la recherche par décret du Président de la République du 5 juillet 2012, publié au Journal officiel de la République française du 6 juillet 2012 et qu'elle était donc compétente pour signer, au nom du ministre chargé de l'éducation nationale, l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

9. D'autre part, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige qu'il comporte de manière détaillée les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant à son destinataire de comprendre les motifs qui le fondent et d'être en mesure de les contester. Cet arrêté est, ainsi, suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 22 avril 2013 par lequel il a prononcé à l'encontre de M.C..., à titre disciplinaire, la sanction de mise à la retraite d'office.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. C...au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401748 du 2 mars 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. B...C....

N°17DA00586 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00586
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CALONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-29;17da00586 ?
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