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03/07/2019 | FRANCE | N°19DA00823

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 03 juillet 2019, 19DA00823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1900656 du 7 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2019, M. D...C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1

°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1900656 du 7 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2019, M. D...C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un dossier de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant congolais né en 1978, est entré en France en 2018 et a présenté une demande d'asile le 21 novembre 2018. La consultation du fichier " Visabio " a fait apparaître que l'intéressé était titulaire d'un visa délivré par les autorités italiennes et périmé depuis moins de six mois. Après avoir saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge de l'intéressé sur leur territoire, restée sans réponse, le préfet du Nord a, par un arrêté du 13 février 2019, décidé de leur transférer M.C.... Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif d'Amiens d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté. Il relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile. Dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ".

3. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé.

4. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 1 de l'article 21 du règlement : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

5. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté par M. C...que le préfet du Nord a demandé aux autorités italiennes de le prendre en charge sur leur territoire le 10 décembre 2018. En application des dispositions du paragraphe 7 de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013, cité au point précédent, l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de deux mois a donné naissance à un accord tacite des autorités italiennes, entraînant l'obligation de prendre en charge M. C...et d'assurer une bonne organisation de son arrivée. Dès lors, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'absence d'accord explicite des autorités italiennes ferait obstacle à l'intervention d'une décision de transfert.

6. Il ne ressort ni des motifs de l'arrêté en litige, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. C...avant de décider son transfert aux autorités italiennes. En particulier, l'indication, figurant dans les motifs de cet arrêté, selon laquelle M. C...est marié, qui procède de ses propres déclarations lors de l'entretien individuel organisé en préfecture le 21 novembre 2018, n'est pas de nature à établir un défaut d'examen de sa situation personnelle, alors même qu'elle serait inexacte.

7. Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

8. M. C...ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France. Il ne démontre pas que ses problèmes de santé, au sujet desquels il n'apporte aucune précision, ne pourraient pas être pris en charge de façon satisfaisante en Italie. La seule circonstance qu'il serait encore plus isolé en Italie faute de parler la langue de ce pays n'est pas de nature, à elle seule, à caractériser une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.

9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 31 du règlement du 26 juin 2013, intitulé " Échange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " : " L'Etat membre procédant au transfert d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), communique à l'Etat membre responsable les données à caractère personnel concernant la personne à transférer qui sont adéquates, pertinentes et raisonnables, aux seules fins de s'assurer que les autorités qui sont compétentes conformément au droit national de l'Etat membre responsable sont en mesure d'apporter une assistance suffisante à cette personne, y compris les soins de santé urgents indispensables à la sauvegarde de ses intérêts essentiels, et de garantir la continuité de la protection et des droits conférés par le présent règlement et par d'autres instruments juridiques pertinents en matière d'asile. Ces données sont communiquées à l'Etat membre responsable dans un délai raisonnable avant l'exécution d'un transfert, afin que ses autorités compétentes conformément au droit national disposent d'un délai suffisant pour prendre les mesures nécessaires ".

10. Il résulte des termes mêmes de cet article, et notamment de son titre, qu'il est relatif aux modalités d'exécution d'une décision de transfert. Ses dispositions n'imposent pas que l'échange d'information ait lieu avant l'édiction de la décision de transfert, mais seulement dans un délai raisonnable avant le transfert effectif de la personne intéressée. Dès lors, à la supposer même établie, son inobservation à la date de l'arrêté en litige est sans influence sur la légalité de ce dernier.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du préfet du Nord du 13 février 2019 est entaché d'illégalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, de même, en tout état de cause, que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord et au préfet de l'Oise.

N°19DA00823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19DA00823
Date de la décision : 03/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : RIO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-03;19da00823 ?
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