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09/07/2019 | FRANCE | N°19DA00053

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 09 juillet 2019, 19DA00053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ourville-en-Caux a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 22 mars 2017 par laquelle l'inspectrice d'académie, directrice des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Maritime a procédé au retrait d'un emploi de professeur des écoles au sein de l'école primaire " La Rosace " située sur son territoire, ainsi que la décision du 6 juillet 2017 rejetant son recours gracieux, d'autre part, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge

de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ourville-en-Caux a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 22 mars 2017 par laquelle l'inspectrice d'académie, directrice des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Maritime a procédé au retrait d'un emploi de professeur des écoles au sein de l'école primaire " La Rosace " située sur son territoire, ainsi que la décision du 6 juillet 2017 rejetant son recours gracieux, d'autre part, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702708 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de ces décisions et a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune d'Ourville-en-Caux devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- l'arrêté du 8 avril 2011 portant création du comité technique ministériel et des comités techniques des services déconcentrés du ministère chargé de l'éducation nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier daté du 22 mars 2017, la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Seine-Maritime a fait connaître au maire de la commune d'Ourville-en-Caux que, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'allocation progressive des moyens et compte-tenu des effectifs qui seraient ceux de l'école primaire " La Rosace " pour la rentrée 2017-2018, elle avait décidé, après consultation du comité technique départemental et du conseil départemental de l'éducation nationale, de procéder au retrait d'un des emplois de professeur des écoles affectés à cet établissement. Par une lettre du 21 juin 2017, le maire d'Ourville-en-Caux a formé un recours gracieux contre la décision contenue dans ce courrier, mais ce recours a été expressément rejeté le 6 juillet 2017. La commune d'Ourville-en-Caux a, dès lors, porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant d'annuler la décision de la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Seine-Maritime du 22 mars 2017, ainsi que la décision du 6 juillet 2017 rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de ces décisions. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article D. 211-9 du code de l'éducation : " Le nombre moyen d'élèves accueillis par classe et le nombre des emplois par école sont définis annuellement par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, compte tenu des orientations générales fixées par le ministre chargé de l'éducation, en fonction des caractéristiques des classes, des effectifs et des postes budgétaires qui lui sont délégués, et après avis du comité technique départemental. ". En outre, en vertu de l'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, ces comités techniques, dont certains sont constitués auprès des autorités déconcentrées de l'Etat, sont consultés sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services relevant de leur champ territorial de compétence, de même que sur celles afférentes à la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. Enfin, pour l'application de ces dispositions, l'article 6 de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 8 avril 2011 institue, auprès de chaque directeur académique des services de l'éducation nationale, un comité technique spécial départemental, qui est compétent pour se prononcer sur les questions intéressant l'organisation et le fonctionnement des établissements scolaires des premier et second degrés dans le département. Ce même article 6 précise toutefois que les questions qui sont soumises à ce comité technique spécial départemental ne peuvent faire l'objet d'un vote dès lors que le comité technique académique a donné préalablement son avis.

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Pour annuler, par le jugement du 6 novembre 2018, les décisions des 22 mars 2017 et 6 juillet 2017 en litige, portant suppression d'un emploi de professeur des écoles au sein de l'école primaire " La Rosace ", le tribunal administratif de Rouen a estimé qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier, notamment pas des procès-verbaux produits, que le comité technique spécial départemental, qui avait été réuni le 15 mars 2017, ait effectivement donné un avis sur le nombre des emplois par école envisagé par le directeur académique et qu'il ne ressortait pas davantage de ces pièces que le comité technique académique se soit prononcé sur cette question. Le tribunal a ensuite regardé cette absence d'avis formel du comité technique spécial départemental et du comité technique académique comme constituant une irrégularité de procédure ayant conduit à priver les membres de la communauté éducative, au nombre desquels figurait la commune d'Ourville-en-Caux, d'une garantie organisée par la loi.

5. Toutefois, si la consultation des comités techniques spéciaux et académiques, qui sont des organes dans lesquels siègent à parité des représentants de l'administration et des personnels, constitue une garantie pour les agents susceptibles d'être affectés sur les emplois dont la suppression est envisagée par le directeur académique, elle ne peut, en revanche, constituer une garantie pour les communes sur le territoire desquelles se situent les établissements scolaires concernés par ces suppressions d'emploi, qui ne sont pas représentées dans ces organes consultatifs et qui n'ont pas davantage vocation à y être entendues. Il suit de là que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen a retenu à ....

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la commune d'Ourville-en-Caux devant le tribunal administratif de Rouen.

7. Les dispositions, rappelées au point 2, des articles D. 211-9 du code de l'éducation, 34 du décret du 15 février 2011 et 6 de l'arrêté du 8 avril 2011, n'impliquent pas que le comité technique spécial départemental, ni le comité technique académique, émette un avis spécifique sur chaque mesure de suppression d'un emploi de professeur des écoles, mais que ces instances consultatives se prononcent globalement sur le projet de carte scolaire qui leur est soumis. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le comité technique placé auprès du recteur de l'académie de Rouen se serait prononcé sur le projet de carte scolaire élaboré en vue de la rentrée 2017-2018 pour le département de la Seine-Maritime. En outre, si le procès-verbal de la réunion du 15 mars 2017 du comité technique spécial départemental de la Seine-Maritime ne précise pas que ce comité aurait formellement émis un vote sur le projet de carte scolaire qui lui était soumis, il révèle que ce projet lui a été présenté et qu'il a fait l'objet d'une discussion en séance, laquelle a amené la directrice académique à opérer plusieurs modifications consistant en des retraits de quatre suppressions d'emploi initialement envisagées et en l'attribution d'un emploi au bénéfice de sept établissements scolaires. Par suite, il doit être tenu pour suffisamment établi que le comité technique spécial départemental a examiné le projet de carte scolaire qui lui était soumis, qu'il a implicitement adopté celui-ci moyennant les modifications qu'il a souhaité y voir apporter et que ses débats ont effectivement contribué à éclairer la directrice académique pour l'élaboration de sa décision du 22 mars 2017. Dans ces conditions, le seul fait que le procès-verbal de la réunion du 15 mars 2017 ne fasse pas mention d'un vote de ses membres sur le bien-fondé de ce projet ne peut être regardé comme ayant entaché d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle la décision en litige a été prise. Au surplus, dans ces conditions, à regarder même la consultation du comité technique spécial comme ayant été irrégulièrement menée, cette irrégularité n'aurait eu, en l'espèce et par elle-même, aucune influence sur le sens de cette décision.

8. En vertu de l'article 50 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, toutes facilités doivent être données aux membres du comité pour exercer leurs fonctions. Ce même article précise que la communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions au plus tard huit jours avant la date de la séance. Si la commune d'Ourville-en-Caux soutient qu'il appartiendra, en l'espèce, à l'administration de justifier de la réalité de la communication des documents préparatoires aux membres du comité technique spécial départemental et, le cas échéant, de la date à laquelle cette transmission a été réalisée ainsi que de la nature des pièces et documents communiqués, elle ne fait état, à l'appui de son moyen, d'aucune circonstance particulière qui soit de nature à lui permettre d'introduire un doute sérieux sur ces points. Les seuls faits que chaque suppression d'emploi finalement décidée n'a pas été spécifiquement évoquée en séance et qu'en revanche, des modifications par rapport au projet initial ont été envisagées au cours de celle-ci, à la suite de discussions tenues dans le cadre de la réunion d'un groupe de travail préparatoire ou durant la séance elle-même, ne suffisent pas à établir que les membres du comité n'auraient pas disposé de tous les éléments d'information utiles pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause.

9. En vertu de l'article R. 235-11 du code de l'éducation nationale, le conseil départemental de l'éducation nationale, au sein duquel siègent, outre des représentants du personnel, des représentants des collectivités territoriales et des usagers, est notamment consulté sur la répartition des emplois d'enseignants des écoles maternelles et élémentaires publiques. En l'absence de disposition réglementaire particulière régissant le fonctionnement de cette commission administrative à caractère consultatif, les dispositions générales des articles R. 133-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration trouvent à s'appliquer. Au nombre de ces dispositions figurent celles de l'article R. 133-8 de ce code, en vertu desquelles, sauf urgence, les membres de la commission reçoivent, cinq jours au moins avant la date de la réunion, une convocation comportant l'ordre du jour et, le cas échéant, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites. Il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil départemental de l'éducation nationale de la Seine-Maritime, qui étaient appelés à se prononcer le 21 mars 2017 sur le projet de carte scolaire du département, ont été rendus destinataires, par un courrier électronique qui leur a été expédié le 10 mars 2017, de vingt-cinq documents destinés à les éclairer notamment sur le projet de répartition des emplois d'enseignant dans les établissements scolaires du département. Le délai de cinq jours avant la séance prescrit par les dispositions de l'article R. 133-8 du code des relations entre le public et l'administration doit ainsi être regardé comme ayant été respecté en l'espèce, dès lors que la commune d'Ouville-en-Caux n'avance aucune circonstance permettant de douter de la réception effective de ces documents par les membres du conseil. S'il est toutefois constant qu'à la suite de la réunion du 15 mars 2017 du comité technique spécial départemental de la Seine-Maritime, l'administration a décidé d'apporter, ainsi qu'il a été dit au point 7, des modifications à son projet initial et que celles-ci n'ont été communiquées aux membres du conseil départemental de l'éducation nationale que par un courrier électronique expédié le 17 mars 2017, cette communication, qui ne portait que sur une liste des ajustements apportés par rapport au projet présenté dans les vingt-cinq documents précédemment transmis, n'a pas fait obstacle, en dépit du fait qu'elle a été effectuée quatre jours avant la séance prévue le 21 mars suivant, à ce que les membres du conseil départemental puissent siéger en toute connaissance de cause et émettre un avis éclairé. D'ailleurs, le procès-verbal de la séance du 21 mars 2017 ne révèle pas que des membres du conseil auraient fait état en séance d'un déficit d'information, mais confirme, au contraire, que le conseil a pu délibérer utilement sur le dernier état du projet qui lui était soumis. Enfin, le fait que onze des vingt-cinq membres votants du conseil départemental ont souhaité s'abstenir ne peut suffire à établir qu'ils n'auraient pas disposé de toutes les informations utiles à leur permettre de se prononcer. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis le 21 mars 2017 par le conseil départemental de l'éducation nationale de la Seine-Maritime doit être écarté.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les prévisions d'effectifs pour la rentrée 2017-2018 au sein de l'école primaire " La Rosace ", sur lesquelles la directrice académique a fondé les décisions des 22 mars 2017 et 6 juillet 2017 en litige, s'élevaient à soixante-quatorze élèves, ce qui constituait une stagnation par rapport à l'effectif accueilli l'année précédente. Il ressort des écritures produites en défense par le recteur de l'académie de Rouen devant les premiers juges que cet établissement a, en réalité, accueilli, au 7 septembre 2017, soixante-dix-sept élèves en école primaire. Toutefois, cette seule différence de trois élèves entre l'effectif prévisionnel et celui réellement constaté à la rentrée ne peut suffire à établir que les décisions en litige seraient fondées sur une prévision erronée de la situation des effectifs de l'établissement. En outre, si la suppression contestée d'un emploi d'enseignant a eu pour conséquences la fermeture d'une classe sur les quatre préexistantes, de porter l'effectif moyen par classe de dix-neuf élèves à vingt-six élèves, ainsi que de créer une classe unique de première et deuxième année de cours moyen accueillant un effectif de trente élèves, cette situation ne suffit pas, par elle-même et en l'absence de contexte social ou économique particulier, à caractériser une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences pédagogiques de la mesure de suppression d'emploi en litige. La commune d'Ourville-en-Caux ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir du nombre moyen d'élève par classe de vingt-trois élèves constaté au niveau national, qui ne constitue pas un seuil maximal qui s'imposerait à l'autorité académique.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé les décisions des 22 mars 2017 et 6 juillet 2017 en litige, portant suppression d'un emploi de professeur des écoles au sein de l'école primaire " La Rosace ", d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, la demande présentée par la commune d'Ourville-en-Caux devant ce tribunal doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune d'Ourville-en-Caux devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la commune d'Ourville-en-Caux.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Rouen.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00053
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-01-01 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement du premier degré. Admissions en classe maternelle et classe primaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-09;19da00053 ?
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