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26/09/2019 | FRANCE | N°18DA02179

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 septembre 2019, 18DA02179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune du Mesnil-Saint-Firmin à lui verser la somme de 10 546, 92 euros, correspondant à douze mois de salaire, en réparation du préjudice résultant de son licenciement injustifié au titre de sa perte de chance, la somme de 5 000 euros correspondant à son préjudice de retraite et la somme de 13 183,65 euros au titre du paiement des salaires qui lui sont dus durant quinze mois à compter de l'éviction de son emploi le 31 janvier 20

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Par un jugement n° 1601675 du 28 septembre 2018 le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune du Mesnil-Saint-Firmin à lui verser la somme de 10 546, 92 euros, correspondant à douze mois de salaire, en réparation du préjudice résultant de son licenciement injustifié au titre de sa perte de chance, la somme de 5 000 euros correspondant à son préjudice de retraite et la somme de 13 183,65 euros au titre du paiement des salaires qui lui sont dus durant quinze mois à compter de l'éviction de son emploi le 31 janvier 2015 .

Par un jugement n° 1601675 du 28 septembre 2018 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 octobre 2018 et le 21 février 2019, Mme A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune du Mesnil-Saint-Firmin à lui verser la somme de 13 183,65 euros au titre du paiement des salaires outre les congés payés y afférents de 1318,36 euros ;

3°) de condamner la commune du Mesnil-Saint-Firmin à lui verser la somme de 10 546, 92 euros, correspondant à douze mois de salaire, outre 5 000 euros à titre de perte de droit à la retraite en réparation du préjudice résultant de son licenciement injustifié au titre de sa perte de chance ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Mesnil-Saint-Firmin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... qui exerçait les fonctions d'agent des services techniques de la commune du Mesnil-Saint-Firmin a demandé à cette commune de lui verser la somme de 10 546, 92 euros, correspondant à douze mois de salaire, en réparation du préjudice résultant de son licenciement injustifié au titre de sa perte de chance, la somme de 5 000 euros correspondant à son préjudice de retraite et la somme de 13 183,65 euros au titre du paiement des salaires qui lui sont dus durant quinze mois à compter de l'éviction de son emploi le 31 janvier 2015 . Elle relève appel du jugement du 28 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué précise notamment que la commune du Mesnil-Saint-Firmin était tenue, en application des dispositions de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, de proposer à Mme B... la transformation de son contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, à la date du 13 mars 2012, et qu'elle a été licenciée, conformément aux dispositions des articles 39-3 et 39-4 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, pour avoir refusé d'accepter la modification de son contrat de travail, qui lui a été proposée, le 8 avril 2016, pour être réintégrée, sous contrat à durée indéterminée ,avec une durée de travail hebdomadaire de quinze heures, dans ses fonctions d'agent des services techniques. Les premiers juges ont ainsi répondu à ses moyens tirés du non-respect des règles de procédure pour son licenciement, de la violation des dispositions concernant la proposition obligatoire par la commune d'un contrat à durée déterminée, compte tenu de la durée des services publics effectifs accomplis auprès de cette collectivité sous couvert de contrats à durée déterminée, régulièrement renouvelés, et l'illégalité de la décision prononçant son licenciement, au motif qu'elle a refusé d'accepter la modification de sa quotité de travail pour bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Mme B... n'étant, dès lors, pas fondée à soutenir que les premiers juges ont omis de répondre à ces moyens, le jugement contesté n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique: " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi

n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 39-3 du décret du 15 février 1988 précité pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté sur un emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée peut être notamment justifié par l'un des motifs suivants : (...) / 4° Le refus par l'agent d'une modification d'un élément substantiel du contrat proposée dans les conditions prévus à l'article 39-4 ; ". Aux termes de l'article 39-4 du même décret : " En cas de transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel sur un emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l'autorité peut proposer la modification d'un élément substantiel du contrat de travail tel que notamment la quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail (...) ". Aux termes de l'article 39-5 du décret précité : " II. Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 40. Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40, et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. (...) IV. -Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué au troisième alinéa du II du présent article, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 40. V. -Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 40, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois, dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues au I du présent article. (...) En cas de refus de l'emploi proposé par l'autorité territoriale ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié (...). ".

En ce qui concerne la responsabilité du fait de l'illégalité de la décision de licenciement :

5. Il résulte de l'instruction que Mme B..., qui avait été recrutée par la commune du Mesnil-Saint-Firmin, à compter du 1er janvier 2005, en qualité d'agent contractuel à temps non complet, pour remplir les fonctions d'agent des services techniques avec dix-sept heures et trente minutes de travail hebdomadaire jusqu'au 31 janvier 2009, puis vingt-et-une heures et trente minutes de travail hebdomadaire du 1er février 2009 au 31 janvier 2015, avait accompli plus de six années de service auprès de la même commune, au cours des huit années précédant la publication de la loi du 12 mars 2012 précitée, dans un emploi permanent, en qualité d'agent des services techniques contractuel. Le maire de la commune du Mesnil-Saint-Firmin a d'abord proposé à Mme B... le 12 janvier 2015, le renouvellement de son contrat à durée déterminée, avec un temps d'emploi hebdomadaire de quinze heures, alors qu'elle exerçait auparavant son activité, sous couvert de contrats à durée déterminée successifs, avec une durée de travail hebdomadaire de dix-sept heures et trente minutes , jusqu'au 31 janvier 2009, puis de vingt-et-une heures et trente minutes, du 1er février 2009 au 31 janvier 2015. Mme B... a refusé expressément cette modification de son temps d'emploi par un courrier du 16 janvier 2015, puis et a cessé d'exercer ses fonctions le 31 janvier 2015. Le sous-préfet de Clermont, saisi par l'intéressée, a considéré, dans un courrier du 14 janvier 2016, que le maire de la commune du Mesnil-Saint-Firmin aurait dû lui adresser une proposition de transformation de son contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, et qu'en cas d'acceptation de sa part, un engagement à durée indéterminée aurait dû être établi à compter du 13 mars 2012. A la suite de ce courrier, le maire de la commune du Mesnil-Saint-Firmin a proposé à Mme B..., le 8 avril 2016, de la réintégrer sous contrat à durée indéterminée avec une durée de travail hebdomadaire de quinze heures, en qualité d'agent des services techniques. Elle remplissait alors l'ensemble des conditions fixées par les dispositions citées aux points 3 et 4, pour que la commune du Mesnil-Saint-Firmin soit tenue, en application de ces dispositions, de lui proposer la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée à la date du 13 mars 2012. Toutefois, Mme B... a refusé le contrat qui lui était ainsi proposé par un courrier du 12 avril 2016. En conséquence, par une décision du 27 mai 2016, le maire a licencié Mme B... à compter du 31 janvier 2015, suite à son refus d'accepter cette modification de son contrat de travail. En prenant la décision, le maire a aussi, implicitement mais nécessairement, retiré la décision illégale et non créatrice de droit par laquelle il n'a pas renouvelé son contrat à durée déterminée à compter du 31 janvier 2015.

6. La commune du Mesnil-Saint-Firmin fait valoir que les tâches d'agent des services techniques qu'accomplissait Mme B... pour le compte de la collectivité ne nécessitaient plus un besoin tel qu'il faille l'embaucher pour une durée de vingt-et-une heures et trente minutes par semaine, et que cet emploi grève de surcroît son budget. Cette petite commune de l'Oise, qui compte moins de deux-cents habitants, fait valoir, sans être sérieusement contestée par Mme B..., la nécessité de la transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel sur un emploi permanent pour une durée de quinze heures. Le maire de la commune dans sa lettre du 24 avril 2015 remise en main propre à l'intéressée le jour même a d'ailleurs noté que l'agent dernièrement recruté réalise l'ensemble de ces fonctions dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de quinze heures par semaine. Il en résulte que Mme B... ne pouvait prétendre à un quelconque droit au maintien d'un emploi lui ouvrant une rémunération pour une durée de vingt-et-une heures et trente minutes, jusqu'à la notification de son licenciement.

7. Le maire de la commune du Mesnil-Saint-Firmin a licencié Mme B..., à compter du 31 janvier 2015, par décision du 27 mai 2016, conformément aux dispositions citées au point 4 des articles 39-3 et 39-4 du décret du 15 février 1988, pour tirer les conséquences du refus de Mme B... d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail, s'agissant de la fixation à quinze heures hebdomadaires contre vingt-et-une heures et trente minutes auparavant, de sa quotité de travail.

8. La décision du 27 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Mesnil-Saint-Firmin a licencié Mme B..., à compter du 31 janvier 2015, est, certes, intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, dans les conditions précisées par le II de l'article 39 du décret du 15 février 1988 citées au point 4, comme le soutient l'intéressée. Toutefois, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit au point 1 à 7 que la décision de licenciement tire les conséquences du refus de Mme B... d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail. L'intéressée n'établit pas que ce motif repose sur des faits matériellement inexacts ou soit entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le préjudice qu'aurait subi Mme B... du fait de l'illégalité de la décision du 27 mai 2016, qui pouvait être légalement prise compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, ne peut être regardé comme la conséquence du vice de procédure dont elle était entachée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Mesnil-Saint-Firmin, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 3 000 euros demandée par Mme B..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros demandée par la commune du Mesnil-Saint-Firmin au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Mesnil-Saint-Firmin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune du Mesnil-Saint-Firmin.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

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N° 18DA02179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02179
Date de la décision : 26/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CASTELLOTE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-26;18da02179 ?
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