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15/10/2019 | FRANCE | N°19DA01011

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 octobre 2019, 19DA01011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 1900990 du 24 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2019, M. B... A..., représenté par Me C... D..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 1900990 du 24 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2019, M. B... A..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de l'autoriser à présenter une demande d'asile en France et de lui délivrer en conséquence une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1994, après être entré irrégulièrement sur le territoire français, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de police de Paris. Lors de sa convocation, le 4 janvier 2019, au guichet unique pour demandeurs d'asile, les recherches effectuées à partir de ses empreintes digitales sur le fichier Eurodac ont fait apparaître l'existence d'une demande d'asile en Autriche. Après avoir adressé une demande de reprise en charge de l'intéressé aux autorités autrichiennes, à laquelle ces dernières ont donné leur accord explicite le 24 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 5 mars 2019, décidé de leur transférer M. A.... Ce dernier relève appel du jugement du 24 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 mars 2019.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ayant été accordé à M. A... par une décision du 21 mai 2019, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans lequel il est capable de communiquer. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) 6. L'Etat membres qui mène l'entretien rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...). L'Etat membre veille à ce que le demandeur (...) ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile (...) est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police ".

4. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions figurant sur l'arrêté attaqué et sur le résumé de son entretien individuel sur lequel est apposé un tampon type " Préfecture de police - Direction de la police générale - 12ème bureau AZ4 " que M. A... a bénéficié le 4 janvier 2019 d'un entretien individuel avec un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police dans les locaux de cette préfecture. Aucune disposition n'impose l'indication, sur le compte-rendu de l'entretien individuel, de l'identité et de la qualité de l'agent qui a conduit cet entretien, ni qu'il soit signé par ce dernier. En outre, il ressort des pièces du dossier que cet entretien a été réalisé en pachto, langue comprise par l'intéressé, dans des conditions garantissant dûment la confidentialité des échanges, et que M. A... a été mis à même de signer le même jour le résumé de cet entretien et de certifier du caractère exact des informations y figurant. Enfin, si M. A... conteste la régularité de cet entretien au motif que l'interprète dont il a bénéficié officiait par téléphone et que l'entretien s'est déroulé à 04h06, aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 n'impose la présence physique d'un interprète lors de l'entretien individuel préalable à la détermination de l'Etat membre responsable de la demande d'asile d'un étranger. En tout état de cause, l'appelant ne démontre pas non plus que les modalités d'interprétariat dans son cas d'espèce et l'heure à laquelle s'est déroulé l'entretien l'auraient empêché de transmettre au préfet de police des informations pertinentes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent de l'article 3 du règlement n° 604/2103, dès lors qu'il reconnaît lui-même que " le système d'asile en Autriche ne souffre d'aucune faille systémique en matière de procédure et de conditions d'accueil des demandeurs pouvant conduire à des traitements contraires aux obligations européennes de chaque Etat membre concernant l'accueil des réfugiés ".

7. M. A... ne peut utilement faire valoir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour ultérieur en Afghanistan, à l'encontre de la décision qu'il attaque, qui ne prononce pas son éloignement vers ce pays mais son transfert aux autorités autrichiennes. Or, l'Autriche est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier que l'Autriche éloignera M. A... à destination de l'Afghanistan, ni que, en pareil cas, M. A... ne disposerait pas d'une voie de recours effective contre cette mesure et qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant les autorités autrichiennes tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de conflit qui prévaut en Afghanistan, ni que les autorités autrichiennes, alors même que la demande d'asile de M. A... serait rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder éventuellement à son éloignement, les risques auxquels l'intéressé serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, la préfète de la Seine-Maritime aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions et méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA01011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01011
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : TROFIMOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-15;19da01011 ?
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