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17/10/2019 | FRANCE | N°18DA02599

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 18DA02599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801954 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2018 et 1

2 juin 2019, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801954 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2018 et 12 juin 2019, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour et de lui remettre dans l'attente du réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elle est entachée d'une erreur commise par le préfet de l'Oise dans l'appréciation de ses ressources ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'en raison de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français, des motifs exceptionnels justifient son admission au séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 27 novembre 2018.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2019 à 12 h 00 par une ordonnance du 13 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant turc né le 3 février 1960, qui était titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable jusqu'au 3 mai 2017, a demandé, le 16 mai 2017, la délivrance d'une carte de résident. Examinant d'office la possibilité de lui délivrer une " carte de résident longue durée - UE " sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise a, par un arrêté du 4 octobre 2018, refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. C... fait appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la compétence du signataire de l'arrêté contesté :

2. Par un arrêté du 23 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture en date du 27 novembre 2017, le préfet de l'Oise a donné à M. D... Lepidi, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, délégation à l'effet de signer, notamment, tout acte, arrêté ou décision relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Oise, à l'exclusion de certaines mesures, limitativement énumérées, au nombre desquelles ne figurent pas les actes ou décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. En conséquence, le secrétaire général de la préfecture de l'Oise, signataire de l'arrêté contesté, était compétent à cet effet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 314-8 et R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

3. Les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la délivrance de plein droit d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " à l'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues à ce code et qui, notamment, dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance.

4. L'article R. 314-1-1 du même code, pris pour l'application des dispositions mentionnées au point précédent, dispose que cette condition de ressources est appréciée sur la période des cinq années précédant la demande et qu'une décision favorable peut être prise, dans le cas où les ressources demeurent inférieures au salaire minimum de croissance, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande.

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, ainsi qu'il a été indiqué au point 1, le préfet de l'Oise a examiné d'office la possibilité de délivrer à M. C... une carte de " résident de longue durée-UE " sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avant de refuser de lui accorder ce titre de séjour au motif que l'intéressé ne justifiait pas, sur les cinq dernières années, de ressources stables et suffisantes. Ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet de l'Oise, le moyen tiré du caractère erroné de ce motif est opérant.

6. Il ressort des pièces du dossier que, durant les cinq années précédant sa demande, M. C... a été employé en qualité de salarié jusqu'au 31 juillet 2012, en qualité de gérant salarié de sa propre société de mécanique automobile du 2 janvier 2013 jusqu'à la liquidation judiciaire de celle-ci le 30 juin 2014, enfin en qualité de salarié du 5 janvier 2015 au 29 février 2016. L'intéressé a repris une activité à compter du 5 septembre 2016 sous deux enseignes commerciales successives. Toutefois, M. C... ne fait état, pour les années 2012 et 2014, que de ressources annuelles sensiblement inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. S'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier qu'il a disposé de ressources stables et régulières atteignant le montant du salaire minimum de croissance en 2015 et 2016, alors qu'il exerçait une activité salariée auprès d'un autre employeur, il n'établit pas le montant allégué du revenu retiré de son entreprise en 2017, par la production d'un document qui, non daté et émanant d'un auteur non identifié, présente un calcul effectué d'après les résultats de l'entreprise. Il ressort au demeurant de l'avis émis, dans le cadre de l'instruction de sa demande, par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, le 21 février 2018, qu'il envisageait de se verser un salaire annuel de 4 800 euros. L'avis de la situation déclarative de M. C... au titre de l'année 2008, faisant apparaître un salaire annuel de 26 098 euros, ne permet pas, quant à lui, d'individualiser les ressources perçues antérieurement à l'arrêté du 25 avril 2018 et qui, en toute hypothèse, ne l'étaient que depuis quelque mois seulement lorsque cet arrêté est intervenu. Enfin, M. C... ne fournit aucun justificatif à l'appui de ses affirmations selon lesquelles, occupant un studio situé dans les locaux de son entreprise, il ne supportait à titre personnel aucun frais de logement. Dans ces conditions, les perspectives d'évolution favorable de l'activité entrepreneuriale invoquées par M. C... ne permettent pas de remettre en cause le motif retenu par le préfet de l'Oise et qui, tiré l'absence de caractère suffisant et stable de ses ressources, procède d'une exacte application des dispositions des articles L. 314-8 et R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les autres moyens :

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour sollicité par M. C..., qui tendait à la délivrance d'une carte de résident, n'était pas présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Oise, qui n'y était d'ailleurs pas tenu, n'a pas examiné d'office la possibilité de régulariser la situation de l'étranger sur ce fondement. Il s'ensuit que le moyen tiré par M. C... de ce qu'en raison de l'ancienneté de son séjour en France, il remplissait les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-14 pour obtenir un titre de séjour, est inopérant.

8. M. C..., s'il justifie de sa présence sur le territoire français depuis l'année 2007, ne se prévaut d'aucune attache familiale ou privée d'une intensité particulière en France. Il n'établit pas être isolé en Turquie, pays où résident deux de ses trois enfants majeurs, où il a vécu lui-même jusqu'à l'âge de 36 ans avant de séjourner en Allemagne jusqu'en 2005, et où il s'est marié avec une compatriote, dont il était séparé à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, en dépit de l'insertion et des projets professionnels dont M. C... se prévaut, le préfet de l'Oise, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts qu'il a poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il ressort des motifs du présent arrêt que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. C... n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit que l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.

10. Ainsi qu'il ressort des éléments mentionnés au point 8, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours édictée à l'encontre de M. C... ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il tiendrait des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un droit au séjour faisant obstacle à son éloignement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me E....

Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre ;

- Mme D... B..., première conseillère ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 octobre 2019.

Le rapporteur,

Signé : D. B... Le président de chambre,

Signé : C. HEU

La greffière,

Signé : N. ROMERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

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N°18DA02599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02599
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEBAUPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-17;18da02599 ?
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