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14/11/2019 | FRANCE | N°19DA00855;19DA00914

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 14 novembre 2019, 19DA00855 et 19DA00914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, les deux arrêtés du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant, d'une part, obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant l'Italie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit après accord des autorités compétentes ou à destination de son pays d'origine, et d'autre part, l'assignant à résidence pour une durée d

e quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900610 du 26 février 2019, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, les deux arrêtés du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant, d'une part, obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant l'Italie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit après accord des autorités compétentes ou à destination de son pays d'origine, et d'autre part, l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900610 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé le premier arrêté du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime en tant qu'il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. D..., a annulé le second arrêté du 21 février 2019 l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19DA00855 le 10 avril 2019, M. D... représenté par Me C... B... demande à la cour :

1°) d'annuler le premier arrêté du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Italie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit après accord des autorités compétentes ou à destination de son pays d'origine ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;

3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19DA00914 le 17 avril 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 février 2019 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé sa décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. D... ;

2°) de rejeter la demande de M. D... devant la cour.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 19DA00855 et n° 19DA00914 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. A... D..., ressortissant tunisien né le 3 novembre 1986, a été interpellé par la police aux frontières le 21 février 2019 au Havre lors d'un contrôle du salon de coiffure Look Coiffure, opéré sur réquisition du procureur de la République de Rouen pour lutter contre le travail dissimulé. Par deux arrêtés du 21 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait, d'une part, obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé l'Italie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit après accord des autorités compétentes ou à destination de son pays d'origine, et d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Sous le n° 19DA00855, M. D... relève appel du jugement du 26 février 2019 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Italie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit après accord des autorités compétentes ou à destination de son pays d'origine. Sous le n° 19DA00914, le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. D... au double motif d'un défaut de motivation et d'une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

3. L'arrêté contesté comporte un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant à l'intéressé de les contester. Il précise que M. D... dispose d'un passeport tunisien et d'un titre de séjour italien en cours de validité, qu'il ne justifie pas non plus avoir effectué la déclaration prévue par l'article 23 de la convention de Schengen, qu'il enfreint les dispositions du code du travail et qu'il ne remplit pas les conditions d'entrée et de séjour prévues par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

4. M. D... a pu présenter par écrit ses observations à propos de la décision contestée lors de son audition par les services de la police aux frontières le 21 février 2019. En tout état de cause, il ne fait pas état, dans le cadre de la présente instance, d'éléments qui, s'ils avaient été connus de la préfète auraient pu le conduire à prendre une décision différente. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est titulaire d'un titre de séjour italien valable jusqu'au 24 février 2019. Il soutient avoir fait la connaissance en janvier 2018 d'une ressortissante française, avec laquelle il habite depuis mai 2018 et avec laquelle il s'est marié le 13 avril 2019. Toutefois, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. D..., au caractère très récent de sa vie commune et de son mariage, au demeurant postérieur à l'arrêté contesté, à l'absence d'enfant, à l'absence totale de droit au séjour du requérant, ainsi qu'au caractère irrégulier de sa situation au regard du code du travail, et dès lors que M. D... n'est pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine, l'arrêté du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et des articles L. 531-1, L. 531-2 alinéa 2, R. 211-32 et R. 212-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. D... n'était pas dispensé de la déclaration d'entrée en France qu'elle prévoit. Si le requérant soutient qu'il s'est déclaré aux autorités françaises lors de son arrivée en France, il ne produit pas le récépissé prévu à l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 22 de la convention de Schengen doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel de M. D... dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français,(...) ". Aux termes du II de cet article : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. D..., par la décision contestée, un délai de départ volontaire, la préfète de la Seine-Maritime ne s'est fondée sur aucun élément de fait, se limitant uniquement à affirmer " qu'il convient de prononcer l'obligation de quitter le territoire sans délai ". En cause d'appel, cette autorité ne se défend que sur l'autre motif d'annulation, tiré de l'inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans remettre en cause le défaut de motivation. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rouen, a pour ce dernier motif, annulé, par le jugement attaqué, la décision de la préfète de la Seine-Maritime refusant un délai de départ volontaire à M. D....

10. Compte tenu de l'ensemble de ce qui a été dit,les conclusions d'appel du préfet de la Seine-Maritime, dirigées contre l'annulation de sa décision refusant un délai de départ volontaire à M. D..., doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du premier arrêté du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français et que, d'autre part, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision refusant un délai de départ volontaire à M. D.... Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de M. D... et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°19DA00855-19DA00914

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00855;19DA00914
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : KENGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-14;19da00855 ?
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