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19/11/2019 | FRANCE | N°19DA01237

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 19 novembre 2019, 19DA01237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900229 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, Mme B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900229 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, Mme B..., représentée par Me D... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante pakistanaise, née le 1er janvier 1980, déclare être entrée en France le 9 août 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 septembre 2013. Elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 5 octobre 2012 au 4 octobre 2014. A l'expiration de son titre, Mme B... s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français et a fait l'objet de deux mesures d'éloignement les 12 novembre 2015 et 2 mars 2017. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le 26 mars 2019 sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2018 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme B... soutient que les premiers juges n'auraient pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne saurait sérieusement être regardée comme ayant soulevé ce moyen par la simple mention de cet article, dans ses écritures de première instance, sans tenter de démontrer en quoi la décision attaquée l'aurait méconnu. Par suite, le moyen manque en fait et doit être écarté.

3. Le tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par Mme B... à l'appui de ses moyens, a pris en considération les éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de Mme B..., a cité les éléments pertinents qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

5. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Oise a procédé à un examen de la situation personnelle de la requérante au regard de sa situation familiale, de son intégration sociale et de la durée de sa présence sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... réside au domicile de son frère avec trois de ses enfants qui sont scolarisés en France. Par ailleurs, l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches au Pakistan, pays dans lequel elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-deux ans, où vivent également ses parents, son mari et ses trois autres enfants. En outre, Mme B..., qui se prévaut de l'état de santé de l'un de ses enfants pour contester son refus de titre de séjour, n'établit pas, par de simples allégations tenant au montant des frais de santé au Pakistan, en quoi un suivi médical approprié ne pourrait être poursuivi dans ce pays. Enfin, rien ne s'oppose à la poursuite de la scolarité de ses enfants dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme B... n'est fondée à soutenir ni que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

8. Pour les motifs énoncés au point 7, il apparaît qu'aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ne justifient l'admission au séjour de l'intéressée au titre de la disposition précitée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

10. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Mme B... réside en France avec trois de ses enfants, ses trois autres enfants étant demeurés au Pakistan. Elle fait état de la pathologie cardio-vasculaire de son enfant E... mais ne démontre pas en quoi celle-ci ne pourrait pas faire l'objet d'un suivi spécialisé au Pakistan. La décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leur mère puisque ces derniers ont vocation à la suivre au Pakistan, pays dans lequel ils pourront être scolarisés et où résident leur père, leurs frères et soeurs ainsi que leurs grands-parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Mme B..., qui n'établit pas l'impossibilité pour son enfant de recevoir un traitement approprié à sa pathologie cardio-vasculaire au Pakistan, n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. La décision portant interdiction de retour pendant une durée d'un an comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

16. Le préfet de l'Oise relève dans son arrêté que Mme B... se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis 2014 et a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées. En outre, si elle se prévaut de la présence de trois de ses enfants, de son frère et de la famille de ce dernier sur le territoire français, elle n'est toutefois pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa famille nucléaire et où ses trois enfants résidant en France pourront la suivre. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de l'Oise ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de la requérante.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D... C....

N°19DA01237 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01237
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : MESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-19;19da01237 ?
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