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21/11/2019 | FRANCE | N°17DA01828

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 21 novembre 2019, 17DA01828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1503356 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2017 et le 15 février 2018, la SARL A.

.., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1503356 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2017 et le 15 février 2018, la SARL A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) A..., dont le siège est situé au Havre (Seine-Maritime), détient 100 % des parts sociales de la SARL ST Voyageurs. Cette dernière société a fait l'objet, en 2014, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. L'administration a relevé, lors de ce contrôle, que des opérations avaient été enregistrées, au cours de la période vérifiée, au débit d'un compte courant d'associé ouvert au nom de la SARL A... dans la comptabilité de la SARL ST Voyageurs, pour un montant total de 192 992,57 euros, le libellé de ces opérations faisant référence à des avances, prêts ou acomptes. La société vérifiée n'ayant pas été en mesure de fournir au service des éléments de nature à justifier de la nature exacte de ces opérations, l'administration a regardé les sommes portées au débit du compte courant d'associé de la SARL A... comme constituant des revenus distribués au bénéfice de cette dernière, au sens du a. de l'article 111 du code général des impôts. Les impositions supplémentaires correspondantes ont été maintenues, malgré les observations émises par la société contribuable, et ont été mises en recouvrement le 8 juin 2015. La SARL A... relève appel du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que celui-ci vise et analyse les moyens soulevés par la SARL A... devant le tribunal administratif de Rouen et qu'il y apporte une réponse suffisante. Les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre, à peine d'irrégularité de leur jugement, à l'intégralité des arguments développés par cette société au soutien de ces moyens. Il suit de là que la SARL A... n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisance de motivation.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs énoncés aux points 2 à 4 du jugement attaqué, retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification adressée à la SARL A... le 2 février 2015 et la réponse qui a été apportée par l'administration le 7 avril 2015, et non le 29 mai 2015, aux observations qu'elle avait formulées le 26 mars 2015, seraient insuffisamment motivées au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente (...) ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / (...) ".

5. Si ces dernières dispositions de l'article 111 du code général des impôts s'inscrivent dans le cadre des dispositions de ce code qui sont relatives à la détermination des revenus imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le A du 1 de l'article 220 de ce code, qui figure dans le chapitre afférent à l'impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales, envisage expressément, en faisant une référence explicite aux articles 108 et suivants du même code, que des personnes morales puissent être imposées à raison de tels revenus de capitaux mobiliers. Il suit de là que le moyen tiré par la SARL A... de ce que les dispositions du a. de l'article 111 seraient applicables aux seuls revenus distribués à des personnes physiques et ne pouvaient en conséquence constituer le fondement de la réintégration, dans son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice vérifié, des sommes inscrites sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de sa filiale, doit être écarté.

6. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle entend invoquer le bénéfice des dispositions du a. de l'article 111 du code général des impôts pour soumettre à l'impôt des sommes mises par une personne morale à la disposition de l'un de ses associés, d'apporter la preuve de ce que cette mise à disposition procède d'un désinvestissement au profit de l'associé et qu'elle correspond ainsi à une distribution de revenus au bénéfice de ce dernier. Lorsque cette mise à disposition prend la forme d'une inscription au débit du compte courant ouvert au nom de cet associé dans la comptabilité de la personne morale, le seul constat de cette inscription permet à l'administration de s'acquitter de la preuve qui lui incombe à concurrence des sommes inscrites. Il appartient alors à l'administration d'établir que l'associé a effectivement appréhendé ces sommes, ce qu'elle peut faire en invoquant la présomption résultant de cette inscription au débit d'un compte dont l'associé est réputé avoir la libre disposition. Il incombe ensuite au contribuable de combattre cette présomption en justifiant de l'objet de cette mise à disposition.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'administration a constaté, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SARL ST Voyageurs a fait l'objet, que des sommes avaient, au cours de l'exercice clos en 2013, été inscrites au débit d'un compte 467 - " Autres comptes débiteurs divers ", dont l'intitulé précisait le nom " A... " en tant que bénéficiaire. Le libellé de ces inscriptions faisait référence à des avances, prêts ou acomptes. Ce compte, dont il est constant que la SARL A..., société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartenait la SARL ST Voyageurs, avait la libre disposition, s'apparentait ainsi à un compte courant d'associé. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la seule constatation de l'inscription des sommes en cause, qui représentaient un montant total de 192 992,57 euros, au débit de ce compte suffit à permettre à l'administration d'apporter la preuve, qui lui incombe, d'un désinvestissement de la SARL ST Voyageurs, à concurrence de ce montant, et d'une distribution des sommes correspondantes, en tant que revenus de capitaux mobiliers, à la SARL A.... En outre, l'administration établit l'appréhension par cette dernière des sommes correspondantes en invoquant la présomption attachée à cette inscription au débit d'un compte dont elle avait la libre disposition. Il incombe ainsi à la SARL A... de combattre, par tous éléments de preuve en sa possession, cette présomption.

8. Si la SARL A... soutient que ces sommes avaient la nature d'avances temporaires que les filiales sont susceptibles de consentir librement et sans formalisme à la société mère du groupe dont elles sont membres, elle n'a toutefois pu présenter aucune convention de prêt au vérificateur. Au demeurant, l'administration soutient, sans être contredite, qu'aucun prêt n'a été enregistré, au cours de l'exercice vérifié, dans la comptabilité de la SARL ST Voyageurs au titre des créances rattachées à des participations. En outre, la SARL A... n'a produit devant le tribunal administratif de Rouen, alors que la charge de la preuve lui incombe sur ce point, aucune pièce de nature à établir l'existence d'un tel prêt, ni d'un remboursement de tout ou partie des sommes inscrites sur le compte ouvert à son nom, et elle ne le fait pas davantage en appel. Enfin, à supposer même que la mise à disposition des sommes en cause correspondrait effectivement à des avances, la SARL A... n'apporte aucun élément de nature à établir que, comme elle le suggère, celles-ci auraient été consenties par sa filiale dans le cadre de leurs relations commerciales courantes, ou encore qu'elles correspondraient à une aide consentie par sa filiale pour faire face à des difficultés financières, ce qu'elle n'allègue d'ailleurs pas. Par suite, à défaut de tout élément de preuve contraire, l'administration était fondée à regarder ces sommes comme ayant la nature de revenus distribués, soumis à l'impôt en vertu du a. de l'article 111 du code général des impôts.

9. Enfin, la SARL A... invoque le bénéfice des dispositions de l'article 216 du code général des impôts, en vertu desquelles les produits nets des participations touchés au cours d'un exercice par une société mère d'un groupe fiscalement intégré peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci et ainsi échapper à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, alors que ces dispositions subordonnent expressément le bénéfice de cette exonération à la condition qu'une quote-part de frais et charges ait été défalquée par la société filiale versante, l'administration a constaté qu'aucune réintégration comptable de frais et charges n'avait été pratiquée par la SARL ST Voyageurs à l'occasion de la mise à disposition des sommes en cause au débit du compte ouvert au nom de la SARL A.... Cette dernière n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 216 du code général des impôts, dont les conditions ne sont pas satisfaites.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

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N°17DA01828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01828
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MOUDOULAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-21;17da01828 ?
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