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28/11/2019 | FRANCE | N°17DA01804

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 novembre 2019, 17DA01804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moulin Hoche a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre de recettes du 6 février 2015 par lequel l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 182 027,65 euros perçue au titre des aides prévues dans le cadre du programme de restructuration national du secteur du sucre et de verser la somme de 18 202,77 euros au titre des pénalités dues, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieu

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Par un jugement n° 1501324 du 30 juin 2017, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moulin Hoche a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre de recettes du 6 février 2015 par lequel l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 182 027,65 euros perçue au titre des aides prévues dans le cadre du programme de restructuration national du secteur du sucre et de verser la somme de 18 202,77 euros au titre des pénalités dues, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1501324 du 30 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2017, la société Moulin Hoche, représentée par Me C... A..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et le titre de recettes du 6 février 2015 ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le titre de recettes du 6 février 2015 en tant qu'il lui inflige une pénalité de 18 202,77 euros et réduit l'assiette des dépenses éligibles au titre de l'acquisition du matériel d'un montant de 598 230 euros correspondant au coût du matériel cédé avant l'expiration du délai de cinq ans ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement FranceAgriMer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 320/2006 du Conseil du 20 février 2006 ;

- le règlement (CE) n° 968/2006 de la Commission du 27 juin 2006 ;

- le règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 ;

- le décret n° 2009-1028 du 25 août 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 9 février 2010, l'établissement FranceAgriMer s'est engagé à verser à la société Moulin Hoche, dans le cadre du dispositif d'aides à la diversification prévu par le règlement n° 320/2006 du 20 février 2006 instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n° 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune, une subvention d'un montant total de 482 414,70 euros pour la réalisation d'investissements matériels et immatériels. A la suite d'un rapport de contrôle réalisé par les services du Contrôle général économique et financier le 10 janvier 2013, et à l'issue d'une procédure contradictoire, le directeur de FranceAgriMer a émis, le 6 février 2015, un titre de recettes d'un montant de 200 230,42 euros correspondant au reversement d'une partie de l'aide, à hauteur de 182 027,65 euros, assortie d'une pénalité de 18 202,77 euros. La société Moulin Hoche interjette appel du jugement du 30 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de recettes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

3. Il résulte du jugement attaqué que ce dernier mentionne, dans ses visas et motifs, les dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.

4. Par ailleurs, il résulte des motifs mêmes de ce jugement que le tribunal administratif d'Amiens a expressément répondu aux moyens soulevés par la société requérante. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que le contrat de crédit-bail conclu le 23 juillet 2010 avec la société Lixxbail ne saurait être regardé comme une cession d'actifs au sens des stipulations de l'article 6 de la convention du 9 février 2010, dès lors qu'il a relevé que ce contrat n'a eu ni pour objet, ni pour effet de retirer à la cession préalable du matériel objet de ce contrat son caractère de cession d'actif au sens de ces stipulations. Par suite, la société Moulin Hoche n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la restitution de l'aide accordée au titre de l'acquisition du matériel destiné au stockage-ensachage :

5. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 5 de la convention du 9 février 2010 : " Les modifications matérielles ou financières du projet, notamment par évolution des répartitions des dépenses entre postes budgétaires ou évolution du plan de financement, sont notifiées par le bénéficiaire, en recommandé avec accusé de réception, au service territorial de FranceAgriMer (dont l'adresse figure en fin de convention) avant sa réalisation. / Le service territorial de FranceAgriMer après examen prend les dispositions nécessaires, le cas échéant établit un avenant à la présente convention et notifie sa décision dans un délai de 30 jours après réception de la demande de modification. La mise en oeuvre de la modification par le bénéficiaire ne peut débuter qu'après réception de cette notification ou après l'expiration du délai de 30 jours, l'absence de réponse du service territorial de FranceAgriMer valant acceptation tacite de la demande de modification du bénéficiaire ". Aux termes des stipulations de l'article 6 de cette convention : " Durant une période de cinq ans suivant la signature de la présente convention, toute cession des actifs subventionnés au terme de la présente convention, même indirecte, même résultant d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, doit faire l'objet d'un agrément préalable de FranceAgriMer. / Une cession indirecte résulterait par exemple d'une modification substantielle de l'actionnariat de la société bénéficiaire. - A défaut d'agrément de FranceAgriMer, le concours du FEAGA est annulé et le reversement des aides versées demandé. / L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire du bénéficiaire entraîne en revanche le retrait automatique de la subvention ". Selon le règlement n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l'Union européenne, point 5.134, " un crédit-bail est un contrat dans le cadre duquel le bailleur, en tant que propriétaire légal d'un actif, transfère les risques et avantages de la propriété de l'actif au preneur. Dans le cadre d'un crédit-bail, on considère que le bailleur consent un crédit au preneur, avec lequel celui-ci acquiert l'actif. Par la suite, l'actif loué apparaît dans le compte de patrimoine du preneur et non dans celui du bailleur ; le crédit correspondant apparaît comme un actif du bailleur et un passif du preneur ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que la société Moulin Hoche a acquis le 1er mars 2010 auprès de la société Sérim un matériel agricole bénéficiant d'une subvention en application de la convention du 9 février 2010. Toute cession d'un matériel ainsi acquis étant soumise, en vertu des stipulations de l'article 6 de cette convention, à l'agrément préalable de FranceAgriMer, la société Moulin Hoche ne pouvait légalement en céder à un tiers la propriété sans avoir obtenu cet agrément. La circonstance que la société ait eu l'intention de racheter le matériel en cause en concluant avec ce tiers le 23 juillet 2010 un contrat de crédit-bail au terme duquel elle devait en devenir à nouveau propriétaire à son échéance le 3 août 2017 est à cet égard sans incidence, dans la mesure, d'une part, où le crédit-bailleur demeure juridiquement propriétaire de l'objet du contrat jusqu'à son terme, ainsi qu'il résulte des dispositions du règlement n° 549/2013 précité, d'autre part, où l'acquisition d'un matériel subventionné par la conclusion d'un contrat de crédit-bail suppose la conclusion d'une convention entre le crédit-preneur, le crédit-bailleur et FranceAgriMer, et, enfin et en tout état de cause, où cette opération de crédit-bail, intervenue concomitamment à la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la convention du 9 février 2010, ne saurait avoir pour effet de la régulariser.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement CE du 27 juin 2006 portant modalités d'exécution du règlement n° 320/2006 instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne : " Sans préjudice du paragraphe 3, si un bénéficiaire ne respecte pas une ou plusieurs des obligations qui lui incombent conformément au plan de restructuration, au plan d'entreprise ou au programme de restructuration national, la partie de l'aide accordée conformément à l'obligation ou aux obligations concernées est récupérée, sauf en cas de force majeure (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 25 août 2009 relatif à la mise en oeuvre des aides à la restructuration de l'industrie sucrière : " Sauf en cas de force majeure, lorsque le bénéficiaire de l'aide ne respecte pas une ou plusieurs de ses obligations ou des éléments qu'il a déclarés, la partie de l'aide correspondant à l'obligation ou aux obligations concernées ou aux éléments déclarés de façon erronée est récupérée. Des intérêts moratoires sont appliqués dans les conditions prévues au 2 de l'article 26 du règlement (CE) n° 968/2006 susvisé. / Dans les cas mentionnés au précédent alinéa, le bénéficiaire de l'aide doit également s'acquitter d'une sanction financière. / Pour l'aide à la restructuration des entreprises produisant du sucre, de l'isoglucose ou du sirop d'inuline, l'aide à la diversification et l'aide transitoire pour les raffineries à temps plein, cette sanction est calculée selon les modalités prévues aux 1 et 2 de l'article 27 du règlement (CE) n° 968/2006 susvisé ".

8. Si la société Moulin Hoche soutient qu'en raison de la crise financière de la fin des années 2000, elle n'a pu obtenir de la part de sa banque l'octroi d'un prêt financier lui permettant l'acquisition directe du matériel subventionné litigieux, cette seule circonstance ne suffit pas à regarder le recours à l'opération décrite au point 6 comme revêtant un caractère de force majeure dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi qu'elle n'aurait pu obtenir ledit prêt auprès d'un autre établissement de crédit et, d'autre part en tout état de cause, que, signataire du contrat de crédit-bail, la conclusion de celui-ci ne lui était ni irrésistible, ni extérieure. Elle n'établit en outre pas n'avoir pu prendre l'attache de FranceAgriMer afin de lui exposer ses difficultés financières et obtenir son accord préalable au montage financier litigieux.

En ce qui concerne la restitution de l'aide accordée pour l'acquisition de certains équipements :

9. Il est constant que les équipements et matériels d'occasion ne peuvent bénéficier des aides à l'acquisition. En l'espèce, la société Moulin Hoche, professionnel à qui il appartient de s'assurer de la qualité du matériel qu'elle acquiert, ne saurait utilement soutenir qu'elle ignorait avoir acquis du matériel d'occasion non éligible aux subventions versées par FranceAgriMer.

10. La circonstance que le titre de recettes litigieux porterait atteinte à sa viabilité économique est par ailleurs inopérante, l'obligation de récupération des aides illégalement versées, qui au demeurant ne constitue pas une sanction et n'a pas à respecter une exigence de proportionnalité, résultant directement des dispositions de l'article 26 précité du règlement du 27 juin 2006.

En ce qui concerne la pénalité financière :

11. Enfin, aux termes de l'article 27 de ce règlement : " 1. Si le bénéficiaire ne respecte pas une ou plusieurs obligations conformément au plan de restructuration, au plan d'entreprise ou au programme de restructuration national, il doit s'acquitter d'une sanction financière correspondant à 10 % du montant à récupérer en application de l'article 26. / 2. Les sanctions à appliquer conformément au paragraphe 1 ne sont pas appliquées si l'entreprise peut démontrer, à la satisfaction de l'autorité compétente, que le cas de non-conformité en question dans le rapport de suivi présenté en application de l'article 23, paragraphe 2 ".

12. Il résulte de ces dispositions que la société Moulin Hoche ne saurait sérieusement soutenir que l'application d'une sanction égale à 10 % du montant de l'aide à récupérer méconnaîtrait la lettre et l'esprit du règlement du 27 juin 2006. En l'absence, ainsi qu'il a été dit, de démonstration que la méconnaissance de la convention du 9 février 2010 résulterait d'un cas de force majeure, c'est par suite à bon droit que FranceAgriMer a infligé ladite sanction à la société Moulin Hoche.

13. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes du 6 février 2015. Il y a par suite lieu de rejeter sa requête, ensemble les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elle est assortie. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme que FranceAgriMer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la société Moulin Hoche est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de FranceAgriMer présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moulin Hoche et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

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N°17DA01804


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01804
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-28;17da01804 ?
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