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28/11/2019 | FRANCE | N°17DA02138

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 28 novembre 2019, 17DA02138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui verser le reliquat de l'indemnité de licenciement due au jour de la rupture de son contrat, ainsi que les sommes de 40 000 euros en réparation du préjudice lié à la rupture de son contrat et de 357 000 euros de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1304791 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et l'a condamné à verser

la somme de 65 476,37 euros à la chambre de commerce et d'industrie de région Hau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui verser le reliquat de l'indemnité de licenciement due au jour de la rupture de son contrat, ainsi que les sommes de 40 000 euros en réparation du préjudice lié à la rupture de son contrat et de 357 000 euros de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1304791 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et l'a condamné à verser la somme de 65 476,37 euros à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 novembre 2017, le 30 mai 2018 et le 2 mars 2019, M. E..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui verser les sommes de 88 295,96 euros au titre de la reconstitution de sa carrière et de 100 000 euros de préjudice moral en réparation du préjudice que lui a causé le caractère fautif de son licenciement ;

3°) de rejeter la demande de remboursement de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France ;

4°) de prononcer la résiliation de son contrat de travail ;

5°) de condamner en conséquence la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui verser la somme de 153 000 euros de salaires non perçus et la somme de 40 000 euros de dommages et intérêts correspondant à l'incidence de la résiliation sur ses droits à la retraite ;

6°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de M. E... et de Me C..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... était employé par la chambre de commerce et d'industrie Grand Lille depuis le 24 avril 1989. Le 18 janvier 2011, il a été licencié pour suppression de poste mais son licenciement a été annulé par arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 29 novembre 2012, enjoignant également à sa réintégration. Il a demandé par courrier du 13 mai 2013 à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, qui s'est substituée à la chambre de commerce et d'industrie Grand Lille, de l'indemniser des préjudices résultant de l'annulation de son licenciement. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 3 octobre 2017 rejetant ses conclusions indemnitaires, suite au rejet, par la chambre de commerce et d'industrie, de sa demande préalable, et le condamnant à payer à ladite chambre de commerce et d'industrie, la somme de 65 476,37 euros.

2. Il résulte de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 29 novembre 2012 que le licenciement de M. E... a été annulé pour le vice de procédure résultant de l'absence de communication préalable aux membres de la commission paritaire locale d'un dossier sur les suppressions de poste, en méconnaissance de l'article 35-1 du statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative pour un vice de procédure, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, dans le cadre d'une procédure régulière. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure qui entachait la décision administrative illégale. M. E..., en cause d'appel, soutient que la décision aurait été différente si la procédure avait été régulière, dès lors que le poste supprimé ne correspondait pas à celui qu'il occupait et que la chambre de commerce n'a pas respecté son obligation de recherche d'un reclassement.

3. Il résulte toutefois de l'instruction, en premier lieu, que l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie Grand Lille, dans sa séance du 11 octobre 2010, a décidé de supprimer tous les postes affectés à la réalisation, en interne, du journal FACE. Or, il n'est pas sérieusement contesté que M. E... était exclusivement affecté à la production de ce journal jusqu'à sa disparition en décembre 2009. Si M. E... a ensuite été ponctuellement, chargé jusqu'en octobre 2010 d'un autre magazine de l'organisme consulaire, intitulé " Rues commerçantes ", celui-ci a également été supprimé, à compter de juin 2011. Le moyen tiré de l'absence de suppression du poste de l'appelant ne peut donc qu'être écarté.

4. En second lieu, M. E... soutient qu'il aurait dû être reclassé à la suite de la suppression de son poste, à la réalisation de l'une des autres publications périodiques de la chambre de commerce et d'industrie. Mais, ainsi qu'il a été dit, le magazine " Rues commerçantes " a été supprimé et la chambre de commerce et d'industrie établit, en outre, qu'aucun poste n'y était disponible de manière permanente. Par ailleurs, une autre publication, " CCI le Mag ", a été créée six mois après le licenciement de M. E... et était réalisée par un prestataire extérieur. Enfin, un autre périodique " Eco 121 " était également réalisé, à partir du mois d'avril 2010, par une société extérieure qui avait indiqué qu'elle ne recrutait pas de journalistes à plein temps. Il résulte donc de ces éléments que la chambre de commerce et d'industrie établit qu'elle a accompli ses obligations de reclassement avec sérieux et diligence. M. E... ne démontre donc pas que la chambre de commerce et d'industrie aurait pris une autre décision, si elle avait suivi une procédure régulière. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préjudice dont il demande l'indemnisation est en lien direct avec l'illégalité fautive de la décision de licenciement prise par la chambre de commerce et d'industrie.

5. Par ailleurs, il n'est pas contesté que si M. E... a été licencié pour suppression de poste par décision du 18 janvier 2011, il a été effectivement réintégré en exécution de l'arrêt susmentionné de la cour du 29 novembre 2012 par la chambre de commerce et d'industrie Grand Lille, chambre de commerce et d'industrie territoriale dont le personnel est désormais géré par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France. Son licenciement a donc été effacé de l'ordre juridique et il a droit, en conséquence, à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure d'éviction illégalement prise à son encontre. Il a ainsi droit à l'indemnisation des préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

6. En l'espèce, la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France établit que M. E... avait droit sur la période d'éviction irrégulière, soit du 1er juillet 2011 au 20 décembre 2012, à des rémunérations (salaires, congés et primes) de 59 212,39 euros ainsi qu'à la prise en charge, par son employeur, de sa mutuelle, pour lui-même et son épouse, soit 2 805,96 euros. Il faut déduire de ces sommes les indemnisations perçues par M. E... sur la même période, pour un montant non contesté de 27 412,71 euros, ainsi que l'indemnité de licenciement de 100 082,01 euros, versée à l'époque à M. E... et qui a perdu tout fondement du fait de l'annulation du licenciement. M. E... est donc redevable au final sur cette période d'un trop perçu de 65 476,36 euros. S'il évalue les rémunérations qui auraient dû être versées sur la période d'éviction à 74 408,95 euros, montant supérieur à celui pris en compte par la chambre de commerce et d'industrie sur la base des salaires nets perçus à l'époque, il n'apporte aucune justification ou élément d'explication à ses prétentions. Par ailleurs, s'il estime avoir droit à la prime de vacances, la chambre de commerce et d'industrie établit que cette indemnité a été supprimée à compter du 1er janvier 2011. Si l'appelant indique que cette prime a été intégrée dans le salaire, la reconstitution de salaire à laquelle a procédé la chambre de commerce et d'industrie, se fonde sur les salaires versés jusqu'en juin 2011, qui incluaient donc cette prime. Enfin, la chambre de commerce et d'industrie justifie que les sommes versées comprenaient le supplément familial de traitement, contrairement à ce que soutient M. E.... S'il prétend, par ailleurs, que le supplément familial de traitement ne lui serait plus versé depuis sa réintégration, ce préjudice éventuel est sans lien avec son éviction illégale. C'est donc à bon droit que le jugement contesté du tribunal administratif de Lille a mis à la charge de M. E... la somme de 65 476,36 euros.

7. S'agissant du préjudice moral, M. E... n'a subi une période d'éviction irrégulière que d'un an et demi et ne saurait lier, à les supposer établies, les tensions professionnelles dont il fait état dans sa nouvelle affectation à cette éviction, son ancien poste ayant été supprimé. L'indemnisation de M. E... à ce titre ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écartée.

8. La chambre de commerce et d'industrie justifie qu'elle a remboursé les indemnités versées à M. E... au fonds d'assurance chômage (CMAC) suite à l'annulation du licenciement. Les droits à indemnisation ont été reconstitués sur la période concernée. De même, la chambre de commerce et d'industrie justifie que ses droits à retraite ont été reconstitués sur la période d'éviction irrégulière. Si l'appelant produit, pour la première fois en appel, un courriel du 24 avril 2018, faisant état d'une difficulté dans la prise en compte par les caisses de retraite de cette reconstitution, cette seule pièce ne démontre pas une faute de la chambre de commerce et d'industrie en la matière. Par suite, les demandes de M. E... au titre de la reconstitution de ses droits à la retraite et de ses droits à indemnisation chômage doivent être rejetées.

9. M. E..., qui demande la résiliation de son contrat de travail, qu'au demeurant il ne produit pas, n'établit pas, en tout état de cause, en quoi son contrat serait irrégulier, ce qui obligerait son employeur public à le régulariser. Il ne peut donc prétendre aux sommes qu'il réclame en raison de cette résiliation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions et l'a condamné à rembourser une somme de 65 476,37 euros à la chambre de commerce et d'industrie des Hauts-de-France

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée par M. E... à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions sur le même fondement de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

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N°17DA02138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA02138
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-06-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Organisation professionnelle des activités économiques. - Chambres de commerce et d'industrie. - Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : DUBRULLE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-28;17da02138 ?
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