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12/12/2019 | FRANCE | N°19DA01798

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 décembre 2019, 19DA01798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 avril 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1901609 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 31 juillet 2019, M. C... A..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 avril 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1901609 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. C... A..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 17 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 3 septembre 1982, est entré en France le 20 octobre 2015 muni d'un visa de court séjour. Après avoir obtenu plusieurs autorisations provisoires de séjour, M. A... s'était vu délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 13 mars 2017 au 16 mars 2018. Le 26 janvier 2018, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 17 avril 2019, la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente. Les informations ou les résultats d'examens complémentaires sollicités sont communiqués dans un délai de quinze jours à compter de la demande formulée par le médecin de l'office. A défaut de disposer de ces éléments dans ce délai, le demandeur atteste avoir entrepris les démarches nécessaires dans ce même délai. Lorsque le demandeur n'a pas accompli les formalités lui incombant conformément aux deux alinéas précédents ou lorsqu'il n'a pas justifié de son identité à l'occasion de sa convocation à l'office, le service médical de l'office en informe le préfet dès l'établissement du rapport médical ". Et aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins désigné pour chaque dossier (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

4. M. A... fait valoir que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est incomplet, dès lors qu'aucune information relative aux investigations complémentaires menées au cours de l'instruction par les services de l'OFII, qualifiées " d'éléments de procédure " par les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, n'est renseignée sur ce document. Il résulte toutefois des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016, et notamment de son article 4, que la faculté pour l'auteur du rapport médical préalable, ou pour les membres du collège, de procéder à des vérifications complémentaires ne présente pas un caractère obligatoire. Dès lors, si le médecin instructeur ou le collège ne font pas usage de cette faculté, l'avis du collège n'a pas à comporter d'indication relative à de telles vérifications complémentaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des vérifications complémentaires, effectivement sollicitées, auraient été conduites par le médecin rapporteur ou par le collège de médecins sans pour autant être mentionnées sur cet avis. Le moyen doit, par suite, être écarté.

5. Il ressort de l'avis émis le 15 septembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, l'intéressé peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le collège de médecins n'est tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement que dans le cas où il considère que l'intéressé ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas renseigné la durée des soins.

6. M. A... soutient que la préfète de la Somme s'est fondée, pour prendre la décision de refus de titre de séjour, sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration formulé le 15 septembre 2018, soit sept mois avant l'édiction de la décision contestée. Toutefois, il n'établit pas que son état de santé aurait connu une évolution significative au cours de cette période, ni même qu'il aurait transmis au préfet des éléments nouveaux sur son état de santé depuis septembre 2018. Par suite, la préfète de la Somme pouvait valablement se fonder sur cet avis pour prendre la décision de refus de titre de séjour.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. L'avis émis le 15 septembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sur lequel s'est notamment fondée la préfète de la Somme, indique que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, l'intéressé peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. A... soutient que le système de santé en Tunisie est différent de celui existant en France, notamment s'agissant des coûts de soins et que les hôpitaux ne sont pas toujours situés à proximité des patients et que les temps d'attente pour obtenir un rendez-vous sont longs. Toutefois, il ne verse au dossier aucune pièce pour établir la réalité de ses considérations générales sur le système de santé tunisien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié''. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / (...). Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Dès lors, il ne peut utilement soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant à charge. S'il réside sur le territoire français depuis 2015, il a été autorisé à y séjourner en France afin de lui permettre de poursuivre les soins nécessaires à son état de santé. Si son frère et un de ses oncles résident en France, il n'établit pas pour autant être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. S'il justifie de plusieurs contrats à durée déterminée, il ne peut pour autant être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle stable en France. Dans ces conditions, la préfète de la Somme n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision de refus de titre de séjour a été prise. Pour ces mêmes motifs, la préfète n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. A....

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D... B....

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Somme.

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N°19DA01798

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01798
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP HACHE-MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-12;19da01798 ?
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