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12/12/2019 | FRANCE | N°19DA02254

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 décembre 2019, 19DA02254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet de Seine-Maritime a prononcé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1902971 du 16 septembre 2019, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :

1

°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter l'ensemble des moyens et conclusions présentés par M. C... de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet de Seine-Maritime a prononcé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1902971 du 16 septembre 2019, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter l'ensemble des moyens et conclusions présentés par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né le 9 février 1984, a sollicité, le 28 mai 2019, son admission au séjour en qualité de réfugié. La consultation du fichier Eurodac permettant d'établir que les empreintes digitales de M. C... avaient été relevées en Allemagne à plusieurs reprises entre 2016 et 2018, le préfet de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 30 juillet 2019, prononcé son transfert aux autorités allemandes. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 16 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. En application de l'article 8 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, M. C..., intimé, a conservé, par décision du 12 décembre 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée par décision du 23 septembre 2019. Par suite, sa demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

3. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Pour annuler l'arrêté en litige comme reposant sur une erreur manifeste dans la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation que le préfet de la Seine-Maritime tient de l'article 17 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de M. C... a été définitivement rejetée par les autorités allemandes le 10 janvier 2019 et que sa remise aux autorités allemandes aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Afghanistan, pays où il serait dès lors exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en raison de la situation de violence généralisée y ayant cours.

5. Toutefois, l'arrêté en cause a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. Or, l'Allemagne, pays membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et M. C... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que les autorités allemandes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier que ces autorités, alors même que la demande d'asile de M. C... a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder éventuellement à son éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan.

6. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision de remettre M. C... aux autorités allemandes était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard du pouvoir qui lui est conféré par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.

7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. C... devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... :

8. Aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les Etats membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. (...) / 5. Le système central transmet automatiquement le résultat positif ou négatif de la comparaison à l'Etat membre d'origine (...) ".

9. Le dépassement du délai de transmission des empreintes digitales d'un demandeur d'asile au système central de l'application Eurodac ne fait pas obstacle, par lui-même, à l'intervention d'une décision de transfert à l'encontre de ce demandeur, lorsque cette demande relève de la responsabilité d'un autre Etat membre. Dès lors, à la supposer même établie, la circonstance que les empreintes digitales de M. C... n'auraient été transmises au système central qu'après l'expiration du délai prévu par les dispositions citées au point précédent, est sans influence sur la légalité de la décision de transfert en litige.

10. Les points ou considérants composant l'exposé des motifs d'un règlement des institutions de l'Union européenne étant dépourvus de valeur juridique, M. C... ne peut ainsi utilement se prévaloir des énonciations du point 21 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 qui préconisent que les résultats positifs obtenus dans " Eurodac " soient vérifiés par un expert en empreintes digitales qui ait reçu une formation, de manière à garantir la détermination exacte de la responsabilité au titre du règlement n° 604/2013. En tout état de cause, les moyens tirés du défaut d'obtention de l'accord de l'intéressé par les autorités allemandes avant la collecte de ses empreintes digitales et de l'absence de vérification de ces empreintes par un expert ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé et doivent, par suite, être écartés.

11. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre, les 28 et 29 mai 2019, un exemplaire du guide du demandeur d'asile, ainsi que deux brochures d'information sur le règlement (UE) n° 604/2013, en langue pachto, qu'il comprend. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 manque en fait et ne peut qu'être écarté.

14. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013: " Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'Etat membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les Etats membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. (...) ".

15. Comme il a été dit au point 13, M. C... a eu communication, les 28 et 29 mai 2019, d'un exemplaire du guide du demandeur d'asile, ainsi que de deux brochures d'information sur le règlement (UE) n° 604/2013, lesquels comportent l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 manque en fait et ne peut qu'être écarté.

16. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié, le 29 mai 2019, d'un entretien conduit par un agent qualifié de la préfecture de police de Paris, dans les locaux de celle-ci, par le biais de l'assistance par téléphone d'un interprète en pachto, langue qu'il a déclaré comprendre. L'intéressé n'apporte aucune précision à l'appui du moyen selon lequel cet agent n'était pas qualifié pour mener cet entretien, ni aucun élément quant aux conséquences de cette prétendue absence de qualification, alors qu'il résulte du résumé de l'entretien qu'il a pu apporter les précisions utiles sur sa situation personnelle. Si, par ailleurs, M. C... fait valoir qu'il n'a pas reçu de copie du résumé de cet entretien individuel, il n'allègue pas, en tout état de cause en avoir fait la demande. Enfin, s'il prétend que la réception téléphonique était de mauvaise qualité et qu'il n'a ainsi pas été mis en mesure de comprendre la procédure dont il a fait l'objet, il ressort cependant du résumé de l'entretien individuel qu'il a déclaré avoir compris les informations reçues concernant le déroulé de la procédure Dublin. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que les dispositions citées au point précédent ont été méconnues.

18. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 dit Dublin III intitulé : " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant " : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'Etat membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 susvisé, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, applicable au présent litige : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " Dublinet " établi au titre II du présent règlement (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " Les moyens de transmission électroniques sécurisés, visés à l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 343/2003, sont dénommés " Dublinet " (...) ". Selon l'article 19 de ce règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé réception pour toute transmission entrante. (...) ".

19. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

20. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité, le 28 mai 2019, son admission au séjour en qualité de réfugié et qu'à l'issue de la procédure de vérification effectuée au titre du règlement européen Eurodac, un résultat positif ou " hit " a été enregistré le même jour. Le préfet de la Seine-Maritime produit l'accusé de réception électronique daté du 3 juin 2019 concernant la demande de reprise en charge de M. C..., comportant le numéro de référence de son dossier " Dublinet " ainsi que la désignation de l'Allemagne en tant qu'Etat requis. Il verse également au dossier la lettre du 6 juin 2019 par laquelle les autorités allemandes ont expressément indiqué accepter cette reprise en charge sur le fondement du paragraphe 1, d) de l'article 18 du règlement n° 604/2013. Ces éléments suffisent à tenir pour établie la saisine des autorités allemandes par les autorités françaises. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet ne démontre pas avoir saisi les autorités allemandes et avoir obtenu un accord explicite de reprise en charge doit être écarté.

21. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'Allemagne, pays membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et M. C... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que les autorités allemandes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite la décision de remise aux autorités allemandes de M. C... n'a porté atteinte ni au respect de son droit d'asile, ni aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux.

23. Il résulte également de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 30 juillet 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La demande de M. C... d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est rejetée.

Article 2 : Le jugement du 16 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... C... et à Me D... A....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA02254 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02254
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-12;19da02254 ?
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