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19/12/2019 | FRANCE | N°18DA00328

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 19 décembre 2019, 18DA00328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser une somme de 16 000 euros en indemnisation du préjudice résultant des conditions de sa prise en charge le 6 janvier 2015.

Par un jugement n° 1509902 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 février 2018 et 29 mai 2019,

Mme A..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser une somme de 16 000 euros en indemnisation du préjudice résultant des conditions de sa prise en charge le 6 janvier 2015.

Par un jugement n° 1509902 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 février 2018 et 29 mai 2019, Mme A..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser une somme de 16 000 euros en indemnisation de ses préjudices ;

2°) à titre subsidiaire, de diligenter une nouvelle expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille les entiers dépens et le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été admise le 6 janvier 2015 au centre hospitalier régional universitaire de Lille pour la prise en charge d'un lymphome non hodgkinien à grandes cellules B de type centro-germinatif. Elle a subi le même jour une intervention destinée à la pose d'une chambre implantable sur la voie jugulaire interne droite devant permettre l'injection du produit chimiothérapique prescrit. L'échec de cette intervention, résultant de la formation par le cathéter d'un coude empêchant le bon écoulement du produit, a nécessité une nouvelle intervention, réalisée le lendemain sous anesthésie générale, au cours de laquelle la chambre implantable a été retirée et une nouvelle chambre installée sur la voie jugulaire gauche. Estimant fautives les conditions de sa prise en charge le 6 janvier 2015, Mme A... a demandé au centre hospitalier régional universitaire de Lille l'indemnisation des préjudices subis. A la suite du rejet, le 30 septembre 2015, de cette demande, elle a saisi le tribunal administratif de Lille qui a, par une ordonnance du 18 mai 2016, ordonné la réalisation d'une expertise dont le rapport a été remis le 22 juillet 2016. Mme A... interjette appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille :

En ce qui concerne la faute dans l'organisation du service :

2. Aux termes de l'article R. 6153-2 du code de la santé publique : " (...) l'interne est sous la responsabilité du praticien responsable de l'entité d'accueil (...) ". Aux termes de l'article R. 6153-3 du même code : " L'interne en médecine exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève (...) ". L'article R. 6153-51 dispose que " (...) ces stages sont accomplis sous la responsabilité des médecins référents de stage désignés par le responsable pédagogique du lieu de stage ou, le cas échéant, sous la responsabilité du praticien responsable de l'entité d'accueil, selon des modalités prévues par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur, de la santé, et, le cas échéant, de la défense ". Aux termes de l'article R. 6153-52 du même code, les internes " exécutent les tâches qui leur sont confiées par le médecin référent ou le praticien responsable de l'entité d'accueil, à l'occasion des visites et consultations externes, des examens cliniques, radiologiques et biologiques, des soins et des interventions. Ils peuvent exécuter des actes médicaux de pratique courante, sont chargés de la tenue des observations et participent aux services de garde (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient Mme A..., si un interne en médecine exerce ses activités sous la responsabilité d'un praticien référent, la présence de celui-ci n'est pas exigée en permanence et pour la totalité des actes médicaux de pratique courante réalisés par l'interne. L'absence de médecin responsable au cours de l'intervention du 6 janvier 2015 réalisée par une interne à cette date en cours d'internat en chirurgie, n'est par suite pas constitutive d'une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille à l'égard de la requérante.

En ce qui concerne l'opposabilité du rapport d'expertise :

4. Ni l'erreur, au demeurant isolée, commise par l'expert sur la date de l'intervention du 6 janvier 2015, ni l'emploi d'un terme médical inapproprié ne sont de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces erreurs aient pu avoir une quelconque incidence sur l'appréciation portée par l'expert sur les conditions de réalisation de l'intervention du 6 janvier 2015.

En ce qui concerne la faute dans la réalisation de l'acte médical :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'intervention du 6 janvier 2015 a duré, selon le rapport d'expertise reprenant sur ce point la fiche de suivi d'intervention, une heure vingt-cinq, et non trois heures comme le soutient la requérante en se bornant à invoquer un ressenti personnel. La circonstance que cette durée ait ainsi dépassé la moyenne de la durée observée pour ce type d'intervention, qui serait environ d'une heure, n'est, par elle-même, pas de nature à révéler l'existence d'une faute médicale dès lors, d'une part, que la requérante ne tire aucune conséquence de ce dépassement et, d'autre part, que l'expert a relevé que cette durée " restait dans les limites raisonnables ".

7. Il résulte en deuxième lieu de l'instruction, et notamment du compte-rendu de l'intervention que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'interne a, à la suite de la pose de la chambre implantable, procédé à " la mise en continuité du système et à la vérification de la bonne perméabilité du cathéter ". La circonstance qu'une incertitude demeure sur la méthode employée par celui-ci pour s'assurer du bon fonctionnement du cathéter ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille, dès lors qu'il n'est pas établi que l'interne n'aurait pas procédé à cette vérification et que l'expert relève, sans contradiction, que la " coudure " du cathéter peut survenir après l'implantation au moment de la fermeture cutanée.

8. En troisième lieu, la requérante, qui se borne à soutenir qu'aucune aiguille de Huber n'a été mise en place à l'issue de l'intervention du 6 janvier 2015, n'apporte aucun élément de nature à établir que cette absence pourrait constituer une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille à son égard. La requérante n'explique pas plus en quoi les vives douleurs ressenties au cours de l'intervention, à les supposer établies, pourraient avoir pour cause une faute commise par le centre hospitalier régional universitaire de Lille.

En ce qui concerne le défaut d'information :

9. En application de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, qui prévoit un droit d'information sur les "risques fréquents ou graves normalement prévisibles", doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient.

10. La possibilité de l'apparition d'une coudure du cathéter lors de la pose d'une chambre implantable ne figure pas au nombre des risques devant faire l'objet d'une information en application de ces principes. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir qu'aucune information ne lui aurait été apportée quant à la possibilité d'un échec de la pose d'une chambre implantable, et de la nécessité, dans une telle hypothèse, d'être soumise à une nouvelle intervention. En tout état de cause, et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la pose d'une chambre implantable étant, pour l'administration du traitement chimiothérapique prescrit, impérieusement requise, le défaut d'information de Mme A... ne lui a fait perdre aucune chance de se soustraire au risque réalisé. L'existence, invoquée, au demeurant sans précision, par la requérante, d'une autre technique de positionnement d'un cathéter, et dont il n'est en tout état de cause pas établi qu'elle ne l'aurait exposée à aucune possibilité d'échec, est par suite sans incidence sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille à son égard.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il y a par suite lieu de rejeter sa requête d'appel, ensemble les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elle est assortie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse A... et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.

2

N°18DA00328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00328
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : NINOVE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-19;18da00328 ?
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