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25/02/2020 | FRANCE | N°19DA00643

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 25 février 2020, 19DA00643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1804367 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

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Par une requête, enregistrée le 15 mars 2019, M. A..., représenté par Me C... D..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1804367 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2019, M. A..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 13 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1987, de nationalité bangladaise, interjette appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient M. A..., le premier juge a répondu, au point 4 du jugement attaqué, au moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français. Il a également répondu, aux points 15 et 20, au moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 novembre 2018 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

4. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

5. M. A... fait valoir que sa demande de titre de séjour, présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était en cours d'examen. Ces dispositions ne prescrivent toutefois pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, M. A..., qui n'a pas justifié être entré régulièrement sur le territoire français, comme l'a relevé l'arrêté en litige et qui ne relève pas du cas où il pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, entrait dans le cas visé au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français. La décision n'est donc pas dépourvue de base légale. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande de M. A... ne peut qu'être écarté.

6. Par ailleurs, l'arrêté litigieux énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé et est, par suite, suffisamment motivé. La circonstance que la préfète aurait commis une erreur quant à la date de naissance de la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour est, à cet égard, sans incidence, l'existence d'une demande de titre de séjour en cours d'instruction ne s'opposant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, à l'adoption d'une obligation de quitter le territoire français.

7. La circonstance que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas produit d'élément concernant la raison pour laquelle M. A... a été interpellé est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en mai 2016, célibataire, sans enfant, n'établit pas avoir tissé des relations affectives stables en France. Il n'établit pas non plus qu'il ne serait pas isolé en cas de retour dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, et où réside sa mère. S'il se prévaut d'une activité professionnelle, au demeurant sans autorisation, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'il aurait déplacé en France le centre de ses intérêts privés. Par suite, M. A... n'établit pas que la décision en litige porterait à son droit au respect de sa situation familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peuvent par suite qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

10. M. A... reprend, en appel, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise sur le fondement de dispositions contraires aux objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge au point 12 du jugement attaqué.

11. Si, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ressortissant étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose en principe d'un délai de trente jours pour y satisfaire, ce même paragraphe dispose toutefois que l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que ce ressortissant étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français, lorsque notamment il existe un risque que l'intéressé se soustraie à cette obligation. Le f) du 3° de ce même paragraphe II précise que ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, si le ressortissant étranger concerné ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

12. Si M. A... soutient qu'il présentait, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, des garanties de représentation suffisantes, il ne l'établit toutefois pas en se bornant à soutenir qu'il a informé les agents de police, lors de son audition, qu'il disposait d'un passeport, mais qu'il ne l'avait pas sur lui au moment de son interpellation. S'il soutient, en outre, avoir indiqué l'adresse à laquelle il était hébergé, il ressort du procès-verbal de son audition du 13 novembre 2018 qu'il a également déclaré qu'il ne résidait pas effectivement à cette adresse, qu'il n'y avait jamais dormi, et qu'il vivait chez un ami dont il ne connaissait pas l'adresse. Il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point précédent qui autorisaient la préfète de la Seine-Maritime à refuser de lui accorder un délai pour se soumettre volontairement à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son égard. Par suite, le moyen tiré de ce que, pour prendre cette décision, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation doit être écarté.

13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... n'établit pas avoir déplacé, en France, le centre de ses intérêts privés. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. A... et mentionne que la décision ne contrevient pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait fait état, devant le préfet, de nouveaux éléments quant à ses craintes en cas de retour au Bangladesh justifiant une motivation spécifique de l'arrêté litigieux sur le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

15. M. A... reprend, en appel, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu préalablement à toute décision défavorable sans l'assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge au point 4 du jugement attaqué.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10, que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

17. M. A... reprend, en appel, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans l'assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinent retenus, au point 17 du jugement attaqué, par le premier juge, qui n'a pas fait une appréciation erronée des pièces produites.

18. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 12, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

19. En vertu du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français dont elle détermine la durée, en tenant compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

20. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse, à sa seule lecture, en connaître les motifs.

21. En l'espèce, pour justifier qu'il soit fait interdiction à M. A... de retour sur le territoire français durant deux années, la préfète de la Seine-Maritime a relevé l'irrégularité de son entrée en France, son absence de présentation de documents d'identité, l'absence d'autorisation de travail, l'absence de liens personnels en France, tout en constatant que le comportement de M. A..., qui n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, n'était pas constitutif d'une menace pour l'ordre public. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.

22. M. A... reprend, en appel, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu préalablement à toute décision défavorable sans l'assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge au point 4 du jugement attaqué.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

24. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et ne dispose pas d'un domicile fixe. Il n'a pas été en mesure de présenter un document d'identité au moment de son interpellation, ce que la préfète de la Seine-Maritime a assimilé à une dissimulation de son identité. Ainsi qu'il est mentionné dans l'arrêté, si M. A... soutient qu'il dispose d'un contrat de travail, il est constant qu'il ne bénéficiait pas d'une autorisation à cette fin, et travaillait donc illégalement. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... ne dispose pas d'attaches familiales en France, où il n'établit pas avoir déplacé le centre de ses intérêts privés, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... D....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°19DA00643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00643
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-25;19da00643 ?
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